Raphaël Lévy - Une erreur judiciaire sous Louis XIV
91 pages
Français

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Raphaël Lévy - Une erreur judiciaire sous Louis XIV , livre ebook

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Description

AVEC LES TROIS ARRÊTS DU PARLEMENT QUI LES DÉCLARENT CONVAINCUS DE PLUSIEURS CRIMES ET PARTICULIÈREMENT RAPHAEL LÉVY D’AVOIR ENLEVÉ SUR LE GRAND CHEMIN DE METZ A BOULAY, UN ENFANT CHRÉTIEN AGÉ DE TROIS ANS POUR RÉPARATION DE QUOI IL A ÉTÉ BRULÉ VIF LE 17 JANVIER 1670.A PARIS CHEZ FRÉDÉRIC LÉONARD Imprimeur ordinaire du Roy RUE SAINT-JACQUES, A L’ESCU DE VENISE M. DC. LXX Avec permission.Plus les crimes sont grands, et plus ils sont difficiles à persuader.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 3
EAN13 9782346075768
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
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Joseph Reinach
Raphaël Lévy
Une erreur judiciaire sous Louis XIV
AU PRINCE
 
JEAN BORGHÈSE
 
 
J.R.
RAPHAËL LÉVY
Les histoires d’erreurs judiciaires ne sont jamais inutiles. Elles font réfléchir, pendant quelques minutes, le public et même les juges. On ne lira pas, sans y trouver sujet à réflexion, l’histoire de Raphaël Lévy, juif lorrain, accusé d’avoir enlevé, sur le grand chemin de Boulay à Metz, un enfant chrétien âgé de trois ans, « pour réparation de quoi il a été brûlé vif le 17 janvier 1670 1  ». C’était à l’apogée du règne de Louis XIV, l’année même où le tendre Racine écrivait la divine Bérénice.
Les juifs de Metz étaient, depuis quelque temps, en faveur, c’est-à-dire qu’un gouvernement plus humain les traitait à peu près comme des hommes. Les quatre familles qui avaient obtenu du maréchal de Vieilleville, en 1567 ; l’indigénat de la grande cité épiscopale, avaient prospéré et multiplié 2 . Henri IV prit « sous sa protection et sauvegarde les vingt-quatre ménages descendus des quatre premiers établis à Metz parce qu’ils s’étaient soigneusement employés, durant les derniers troubles, à secourir, aider, assister ceux qui avaient charge par deçà et pour le service du Roi ». Ils pouvaient « trafiquer et négocier suivant leurs franchisés, libertés et coutumes anciennes 3  ». Louis XIII avait confirmé les lettres patentes de son père 4 .
Ces juifs messins étaient laborieux, paisibles, très respectueux de l’autorité ; les membres de la communauté entretenaient avec le lieutenant général du Roi les meilleures relations ; quand le maréchal de Schomberg, gouverneur de la ville, tomba malade en septembre 1655, Loret note, dans la Muse historique, la part qu’ils prirent à la commune inquiétude :

Les Juifs et les Juives du lieu, Invoquant dévotement Dieu, Un sensible ennui témoignèrent Et de grands jeûnes ordonnèrent 5 .
Ils n’avaient maille à partir qu’avec les corps de métiers qui auraient voulu leur interdire « le commerce dès marchandises d’orfèvrerie, d’argenterie et de friperie 6  ». Le Parlement de Metz, qui venait d’être créé par Richelieu, leur avait, au contraire, sur l’ordre du cardinal, permis ce commerce, « avec cette seule défense de vendre aucune marchandise neuve 7  ». Quand Louis XIV vint à Metz, le 18 septembre 1657 8 , il visita la Synagogue « avec pompe et éclat, accompagné de son frère et d’un grand nombre de ducs et de nobles 9  ». Cela parut chose extraordinaire. Ce roi de vingt ans, charmant comme un jeune David, aimait alors à être aimé. Il ne dédaigna pas de s’arrêter dans le ghetto et fut heureux d’y être applaudi.
Le lendemain, raconte le rabbin Moïse Cohen Narol, lè secrétaire du noble comte de Brienne revint à la Synagogue, et il dit « en toute sincérité » aux Israélites : « Le Roi a témoigné de toute sa satisfaction à l’égard des Juifs et il a donné l’ordre au chancelier de préparer des lettres confirmatives de leurs privilèges ».
Le 4 octobre suivant, le Roi donna un autre témoignage, beaucoup plus évident encore de sa bienveillance, en signant un ordre par lequel il était permis au rabbin et à sept Juifs chargés des affaires de la communauté de porter des chapeaux noirs dans la ville, et à tous indistinctement d’en porter à la campagne 10 . Jusque-là tous avaient dû porter des chapeaux jaunes à la ville comme à la campagne, « pour être reconnus, mais assez inutilement, dit le Mémoire au Roi 11 , la couleur de leur teint, leur figure et leur malpropreté, leurs barbes et leurs habillements les faisant assez distinguer ». Enfin les lettres patentes de Louis XIV ne confirmèrent pas seulement les Juifs messins dans leurs privilèges, mais leur donnèrent « pouvoir d’étendre leur commerce à toutes sortes de marchandises 12  », c’est-à-dire aux neuves comme aux vieilles. Le corps des marchands s’opposa à l’enregistrement de ces lettres ; les bouchers firent une requête spéciale, tendant « à ce que les Juifs bouchers ne puissent tuer par chaque semaine que deux bœufs pour leur subsistance, que défenses leur soient faites de tuer aucuns veaux et moutons 13  ». Les Juifs répondirent que, devant leur établissement à Metz à la bonté du Roi, il fallait qu’on leur laissât les moyens d’y subsister ; que, supportant les charges publiques, ils ne devaient pas être traités moins favorablement que les changeurs non naturalisés ; qu’au surplus ils n’entendaient faire le commerce des marchandises neuves que comme marchands forains, c’est-à-dire en magasin, sans exposition ni boutiques ouvertes. Le Parlement donna gain de cause aux Juifs 14 , qui étaient maintenant « au nombre de soixante-six familles 15  ».
Il est évident qu’un état de choses aussi scandaleux ne pouvait durer. Puisque la faiblesse de Louis XIV accordait à ces mécréants des droits inconnus jusqu’alors, il n’y avait plus qu’à réveiller les vieilles passions.
Nous allons suivre maintenant, pas à pas, le récit intitulé « Abrégé du procès fait aux Juifs de Metz ». La petite plaquette, devenue fort rare, a paru à Paris, en 1670, chez Léonard, imprimeur ordinaire du roi, à l’Écu de Venise. L’auteur a gardé l’anonyme : est-ce, comme le père Lelong l’a supposé, Amelot de la Houssaye, l’historien de la sérénissime République de Venise et le traducteur du Prince ? M. Barbier, dans son dictionnaire des Ouvrages anonymes, tient cette opinion pour erronée. Que ce soit Amelot ou tout autre qui ait prêté sa plume aux fauteurs du procès, il importe peu. Le récit est fort habile. Si l’auteur raconte l’histoire de Raphaël Lévy, c’est bien pour inspirer à tous l’horreur des Juifs et, surtout, pour presser sur l’opinion, pour arracher à Louis XIV l’expulsion de tous les Israélites messins. Mais il paraît raconter seulement ad narrandum, pour le plaisir de raconter une histoire tragique ; il ne dissimule pas au lecteur que la culpabilité de Raphaël n’a pas été admise par tout le monde. Il débute ainsi : « Plus les crimes sont grands, et plus ils sont difficiles à persuader 16  ». L’auteur est d’une autre école : plus les crimes sont grands et invraisemblables, plus facilement il est persuadé. « Il faudrait, dit-il, des volumes entiers pour décrire toutes les impiétés, tous les sacrilèges et toutes les abominations que les Juifs commettent tous les jours en haine et au mépris de la religion chrétienne 17 . » Cependant il n’a entrepris de parler que du procès qu’on leur a fait à Metz. Récit simple et grave, ayant l’allure d’un procès-verbal. En réalité, c’est un très perfide réquisitoire. L’innocence et la noblesse de Raphaël Lévy n’y paraissent qu’avec plus d’éclat ; le panégyrique le plus éloquent serait, auprès de cet acte d’accusation, faible et incolore.
Les faits de cette cause célèbre tiennent en quelques lignes.
Le mercredi 25 septembre 1669, une femme du village de Glatigny, au pays, messin, allait à une fontaine éloignée de deux cents pas pour y laver du linge. Elle s’appelait Mangeote Villemin et était femme de Gilles Le Moine, charron. Son fils, âgé de trois ans, la suivait ; il était couvert d’un bonnet rouge et avait les cheveux blonds et frisés. « Comme elle fut à vingt-cinq ou trente pas de la fontaine, ce petit enfant s’étant laissé choir, la mère se tourna pour le relever. Mais sur ce qu’il lui dit qu’il se relèverait seul, elle continua son chemin et alla laver ses linges, dans la pensée qu’il la suivrait tôt après, selon sa coutume 18 . » Le lecteur observera peut-être que cette mère aurait pu se retourner pour voir si l’enfant la suivait. « Environ demi-quart d’heure après, cette mère ne voyant point revenir son enfant,

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