Sous la tente - Souvenirs d un zouave
110 pages
Français

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Sous la tente - Souvenirs d'un zouave , livre ebook

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Description

Ce qui distingue notre armée de toutes les armées, c’est son magnifique cadre de sous-officiers ; il est peu de sergents qui, chez nous, ne soient capables de commander une compagnie.Nos annales militaires sont remplies de traits d’héroïsme accomplis par de simples sergents.Celui que nous allons raconter, et dont nous affirmons l’authenticité, met en lumière les brillantes qualités que l’on trouve chez nous dans les rangs les plus humbles de la hiérarchie et jusqu’aux simples soldats.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782346122516
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Louis Noir
Sous la tente
Souvenirs d'un zouave
En écrivant nos Souvenirs d’un Zouave, nous n’avons d’autre prétention que de peindre l’armée telle qu’elle est, les combats tels qu’ils sont. La plupart de nos historiens, étrangers à l’art militaire, ont réussi à raconter les batailles à grands traits, mais ils n’ont pu vivifier et colorer leur récit ; ils n’ont pas fait des tableaux de guerre, mais des esquisses sèches et très-incomplètes. Profondément dédaigneux des détails, ils n’ont pas décrit la physionomie réelle des champs de bataille ; peu soucieux des anecdotes, ils n’ont pas consigné celles qui peuvent, mieux que toute description, peindre le soldat, ses mœurs et sa façon d’être.
 
Nous avons la modeste ambition de contribuer à combler, dans une modeste proportion, une grande lacune en racontant tous les faits intéressants que nous savons sur nos intrépides soldats de Crimée, d’Afrique, d’Italie, de Chine et du Mexique.
 
Puisse notre exemple encourager nos camarades à publier leurs souvenirs ; ils auront fourni des matériaux précieux aux historiens de l’avenir !
I
LE FORT HAMZA
Ce qui distingue notre armée de toutes les armées, c’est son magnifique cadre de sous-officiers ; il est peu de sergents qui, chez nous, ne soient capables de commander une compagnie.
Nos annales militaires sont remplies de traits d’héroïsme accomplis par de simples sergents.
Celui que nous allons raconter, et dont nous affirmons l’authenticité, met en lumière les brillantes qualités que l’on trouve chez nous dans les rangs les plus humbles de la hiérarchie et jusqu’aux simples soldats.
Notre sergent, plus heureux que celui qui commandait le détachement fameux massacré à Beni Mered, eut l’heureuse fortune d’échapper, avec ses soldats, au déshonneur et à la mort, cruelle alternative dans laquelle il se trouvait placé ; il sauva sa tête, celle de cent hommes, il conserva un fort à la France et déjoua une conspiration ourdie avec une adresse inouïe.
En pareille circonstance, on sait plus d’un général étranger qui perdit la tête.
Au moment de la grande révolte de la province de Constantine, le sergent Doubat commandait, avec vingt-cinq zouaves sous ses ordres, le fort Hamza, situé non loin d’Aumale. Il avait une quarantaine d’auxiliaires arabes de renfort.
Ce fort était le centre d’une circonscription dirigée par un officier des bureaux arabes qui y résidait habituellement et commandait en chef.
Cet officier, sachant qu’une colonie française expéditionnait à vingt lieues de là, et craignant que les tribus environnantes ne se soulevassent, s’était déguisé en mendiant indigène pour observer les douars ; parlant, seul de tous les Français du fort, la langue arabe, il était seul capable de remplir ce rôle.
Donc, il était parti, laissant le sergent au fort.
Cinq heures après, celui-ci recevait un courrier.
C’était un spahi apportant une lettre de la part du colonel, chef supérieur du cercle. Cette lettre, signée et revêtue du sceau du bureau arabe, enjoignait à l’officier commandant le fort, de laisser celui-ci à la garde des auxiliaires sous les ordres du sergent Doubat, de partir avec la petite garnison européenne pour couronner une certaine hauteur dominant un défilé par lequel la colonne expéditionnaire devait passer le lendemain ; un goûm nombreux (groupe armé) de la tribu alliée des Beni-Allah soutiendrait la petite troupe européenne et on devait le rencontrer au bas de la montagne.
« Surtout, ajoutait le général, gardez-bien la gorge et retranchez-vous, au besoin. »
Jamais instruction n’avait été plus claire, plus formelle.
Le sergent Doubat se dit qu’en l’absence de l’officier, il devait laisser un caporal pour commander aux auxiliaires, et que lui-même devait partir avec ses vingt-cinq hommes pour tenir le poste indiqué.
Pourtant, songeant aux munitions, aux vivres, aux armes que contenait le bordj (fort), à son importance stratégique, au voisinage de la colonne à laquelle il servait de base d’opérations, Doubat fit ses réflexions.
C’était un de ces zouaves raisonnant, voire même raisonneurs, qui ont la finesse du chacal et flairent les piéges de loin ; il avait trois ans d’Afrique déjà et se défiait des Arabes, qui sont le peuple le plus perfide du monde.
Il se dit qu’un vieux général, comme le sien, était bien imprudent de confier un fort à des auxiliaires de la fidélité desquels on n’était jamais sûr.
Mais, d’autre part, l’ordre était écrit en bon français ; le style en était militaire.
Doubat était fort perplexe.
Si l’ordre était vrai, il était fusillé net en prenant sur lui de désobéir ; s’il était faux, il livrait le fort à l’ennemi : le salut de la colonne était compromis.
De plus, Doubat avait vingt prisonniers français dans les casemates du bordj. C’étaient des soldats condamnés par les conseils de guerre, ou sur le point de passer en jugement ; les Arabes ne manqueraient pas de massacrer ces malheureux.
Enfin lui-même et ses soldats, une fois en plaine, si les Arabes lui tendaient là une embuscade, étaient nécessairement écrasés par la tribu des Beni-Allah ; car à supposer que la lettre fût fausse, du moment où on l’envoyait vers le goûm de cette tribu, c’est que ces chefs étaient les auteurs du complot.
Il méditait.
Le courrier, impassible, attendait.
En vain le zouave fixa-t-il ses yeux sur ceux du spahi, pour lire su fond de son âme ; celui-ci soutint imperturbablement ce regard. Pas un muscle de sa figure de bronze ne tressaillit.
Ces Arabes ont des faces de sphynx, impénétrables et glacées.
Doubat tenta une épreuve.
Il mit la lettre dans sa poche, bourra une pipe, se promena tranquillement et parut ne pas se préoccuper des ordres reçus.
« Jamais, pensait-il, un général ne met ses courriers dans le secret de ses dépêches ; celui-là, si la lettre est un piége, va me demander pourquoi je reste inactif. »
Mais, point.
Le spahi attendit, patiemment qu’on le renvoyât.
« Allons, pensa Doubat, rien, rien absolument ne justifierait une désobéissance, et pourtant j’ai la conviction que c’est une ruse de ces gredins d’Arabes pour s’emparer du fort. Que faire ?... »
Tout à coup une idée lui vint : il courut aux casemates, les ouvrit et en fit sortir les prisonniers français.
Il les fit ranger en cercle et leur exposa sa situation ; puis il leur dit :  — « Parmi vous il y a sept condamnés à mort qui attendent la fin des quarante jours de délai ; les autres sont condamnés ou à perpétuité ou à temps. Je ne crois que ce soit pour aucun de vous une raison de refuser à la patrie un service éminent. Je vous donne la garde du fort ; je vous confie les clés de la poudrière.et d’autres plus dangereuses : celles des magasins aux vivres où se trouvent des barils d’eau-de-vie. Vous êtes presque tous de fieffés ivrognes ; c’est le schnik qui vous a jetés ou vous êtes. Pourtant, je compte que vous ne boirez pas une goutte d’alcool ; sans quoi, je vous connais, une fois le nez au tonneau, vous ne le quitteriez qu’ivres-morts, et les auxiliaires vous couperaient le cou.
Voilà le drapeau tricolore qui flotte là-haut ; qu’on me jure dessus d’être sages comme des demoiselles en pension, sobres comme des chameaux, vigilants comme des roquets de garde.
Allons, défilez un à un et jurez ! »
Chaque prisonnier fit serment de ne pas boire et de veiller fidèlement. Doubat savait que tous ces coupables au point de vue de la discipline étaient de braves soldats ; il fut tranquillisé sur le bordj..

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