Cercueil express
17 pages
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Cercueil express , livre ebook

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Description


Pour assister en Kabylie à l’agonie de sa mère, l’opposant interdit de séjour recourt à la bière...


« — T’es revenu, mon fils. Elle se laisse tomber dans mes bras.
— T’es revenu...Elle se pousse légèrement et lève la tête vers moi. Je garde ma main sur sa hanche, de peur qu’elle ne tombe à la renverse. Première fois que je la sens si fragile. Gosse, je pensais qu’elle était indestructible et que, tant qu’elle se trouvait dans les parages, je ne craignais rien. Après l’âpreté du labeur pieds nus dans la rocaille et les champs, les pluies de bombes, les accouchements accroupie dans une maison sans eau ni électricité, le froid de l’hiver, les canicules, les mauvaises récoltes, elle avait vécu une autre guerre invisible – plus longue, quotidienne et répétée de génération en génération –, celle de l’assujettissement à son père, ses frères, son mari, ses fils. »



Une grande sensibilité transparait dans cette nouvelle. L’amour pour sa mère d’un fils banni, séparés par la Méditerranée et interdit de séjour dans son pays natal, saura suggérer à ce dernier une initiative pour le moins insolite... Finesse de l’écriture, dialogues resserrés. Du grand Mouloud Akkouche.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9791023407204
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mouloud Akkouche

Cercueil express

Nouvelle

Collection Noire Sœur
 
 
L’avion ne doit pas tarder à atterrir. Mon village a-t-il beaucoup changé ? Dix-sept ans sans y remettre les pieds. Tour à tour enthousiaste et inquiet de me retrouver dans ce petit patelin de Kabylie où j’ai débuté. La plupart de mes premiers spectateurs, sur une colline couverte d’oliviers, n’ont jamais quitté leurs maisons de pierres sèches. Sauf ceux massacrés par des mains sans nom . Mais au nom de leur Dieu braqué telle une arme.
Une semaine auparavant, un coup de fil de mon frère m’annonçait la mort imminente de notre mère. J’avais voulu prendre le premier avion. Ma femme m’avait rappelé qu’un retour en Algérie tenait du suicide.
Que faire ?
Sonné par la nouvelle, j’avais passé une nuit blanche, avec dans la main, la seule photo d’elle et mon père. Tous deux sur la place du village au milieu de nombreux cousins, après une circoncision. La mienne. Un cauchemar. Jamais je ne leur ai dit. Trop sensible, ou tous les autres soumis à ce rite ressentent la même chose ? Difficile de savoir car personne n’en parlait. Faut le faire, c’est tout . Le gland garde-t-il la mémoire du prépuce perdu ? Une interrogation née de la lecture du témoignage d’un poilu continuant de sentir sa jambe sectionnée. En tout cas, les cris et la tension restent imprimés en moi. Ce jour-là, je n’ai pu sauver ma peau. Mais j’ai empêché le « rasoir divin » de s’approcher des attributs de mes fils. À eux de décider de se le faire couper ou pas.
Le lendemain matin, mon fils aîné m’avait jeté un coup d’œil inquiet en sortant de sa chambre. Les yeux gonflés, j’étais affalé sur le canapé. Jamais il ne m’avait vu dans un tel état. Aussi désemparé. Incapable de masquer ma douleur par une pirouette verbale ou une clownerie. Il passa plusieurs fois devant moi avant d’oser briser le silence.
— Papa, y faut que tu y ailles.
J’avais secoué la tête.
— Ce n’est pas possible, fiston.
— J’ai trouvé un bon plan pour que tu puisses partir au bled sans aucun problème.
J’avais écrasé mon mégot en soupirant.
— Et c’est quoi ton idée ?
— Ben, tu y vas dans un cercueil, comme tous les vieux qu’on enterre au bled.
Ma femme lui avait fondu dessus.
— Ça suffit ! File dans ta chambre.
En sortant, il...

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