Le tueur de l Etoile
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Le tueur de l'Etoile , livre ebook

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Description

Marseille. Trois meurtres les trois premières semaines de juillet. Un par semaine. Trois femmes tuées selon le même protocole. La piste du tueur en série est la plus probable.


L’affaire fait la Une des journaux et terrorise les Marseillaises, surtout les trentenaires célibataires qui semblent être les proies favorites du tueur.


Le lieutenant Kernel est chargé de l’enquête. Son équipe est constituée de Justine Chauvet, d’El Khordi – vieux flic inventeur du logiciel d’IA Sirènes éteintes – et d’une nouvelle recrue : Damien Duval, un jeune flic ambitieux. Le nouveau commissaire qui a remplacé Santucci met une forte pression sur le lieutenant. Mais Kernel ne trouve aucun début de piste, d’autant plus qu’après une accalmie, les meurtres reprennent...


Sous le soleil de Provence la sagacité des enquêteurs va être mise à rude épreuve !



Le tueur de l’Étoile est le tome 2 de la série Sirènes éteintes par Laurent Pinori.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 novembre 2020
Nombre de lectures 2
EAN13 9782374538167
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Présentation
Marseille. Trois meurtres les trois premières semaines de juillet. Un par semaine. Trois femmes tuées selon le même protocole. La piste du tueur en série est la plus probable. L’affaire fait la Une des journaux et terrorise les Marseillaises, surtout les trentenaires célibataires qui semblent être les proies favorites du tueur. Le lieutenant Kernel est chargé de l’enquête. Son équipe est constituée de Justine Chauvet, d’El Khordi – vieux flic inventeur du logiciel d’IA Sirènes éteintes – et d’une nouvelle recrue : Damien Duval, un jeune flic ambitieux. Le nouveau commissaire qui a remplacé Santucci met une forte pression sur le lieutenant. Mais Kernel ne trouve aucun début de piste, d’autant plus qu’après une accalmie, les meurtres reprennent… Sous le soleil de Provence la sagacité des enquêteurs va être mise à rude épreuve ! Le tueur de l’Étoile est le tome 2 de la série Sirènes éteintes par Laurent Pinori. Laurent Pinoriest né à Marseille en 1973. Il vit à Paris et écrit des romans. Option Léthé, paru en 2011 chez Fayard, roman d'anticipation sociale. Puis, En autopublication : L'origine du monde(2015), roman d'apprentissage Cap sur la joie(2016), roman noir Nuit canine(2017), recueil de nouvelles Après le monstre(2018), récit autobiographique Mistral sanglant, Sirènes éteintes Tome 1(2019), Polar L'homme-glaïeul(2020), roman de SF
LE TUEUR DE L'ÉTOILE
Sirènes éteintes - 2
Laurent PINORI
38 RUE DU POLAR
Chapitre 1
Des trombes d’eau se déversaient sur Rome. Tempesta estiva, commenta le chauffeur. Il mit en route la ventilation. La buée initia un mouvement de retrait le long du pare-brise. Kernel se demanda où pouvait bien se nicher l’installation équivalente dans son cerveau. Lors d’une précédente enquête, un écrivain lui avait dit que l’écriture désencombrait l’esprit et qu’il était devenu écrivain pour cette raison et certainement pas parce qu’il avait des choses à dire. Kernel, quant à lui, n’écrivait pas, son esprit était saturé, mais il n’avait pas trouvé le vide-ordures. Il s’était adapté, comme tout le monde. Sur la banquette arrière, il n’y avait personne d’autre. Enzo avait décliné l’invitation de son père en prétextant un stage de musique dans le Vaucluse. Son fils avait pris ses distances. Âgé de treize ans, il vivait avec sa mère et son beau-père, des personnes enjouées et positives, multipliant des projets traduisant leur amour pour la vie, des personnes plus au goût d’Enzo qu’un lieutenant de police usé et dont le peu d’énergie résiduelle était investi dans son travail. Kernel se consolait en se disant qu’il offrait au moins une utilité, celle de servir d’anti-modèle à son fils. Et puis il se tenait prêt pour le jour où Enzo aurait besoin de consulter un spécialiste du néant. Il possédait les formules pour le caractériser et s’en prémunir. Kernel n’ignorait pas ce qui l’attendait à Marseille. Justine l’avait prévenu que le commissaire Baramian avait décidé de monter une cellule spéciale d’enquête en réponse à trois meurtres de femmes en l’espace de trois semaines. La peur s’était emparée des Marseillaises, la situation était intolérable pour un esprit chevaleresque tel que celui du commissaire qui trépignait et qui avait planifié une réunion dès lundi matin, au retour de Kernel. Kernel n’était guère motivé. Il ne croyait pas à la présence d’un tueur en série sur le bassin méditerranéen. Cette engeance préférait les terres intérieures et le nord. Son expansion était restée très limitée heureusement, c’était une espèce rare. L’âme en slip de bain, le meurtrier découvrait avec un recul pétrifié des pulsions aussi laides qu’un corps variqueux s’exposant sur la plage. La lumière à Marseille était sans pitié avec les monstruosités du corps comme de l’esprit, elle se comportait comme un psychanalyste trop brutal qui jetterait ses quatre vérités à la figure de ses patients. Le meurtrier en série n’avait plus qu’à reprendre ses bagages et à quitter la ville pour exercer son funeste hobby ailleurs, loin, très loin d’ici. Non seulement, Kernel s’apprêtait à diriger une enquête à laquelle il ne croyait pas, mais en plus il devrait se coltiner El Khordi, flic ingérable, geek aux odeurs corporelles incommodantes. Toujours pas décidé à prendre sa retraite, ce passionné d’intelligence artificielle avait développé un logiciel qui traquait les tueurs en série. Repensant au patois informatique d’El Khordi, à ses dissertations interminables sur la puissance de l’intelligence artificielle, à son odeur de poulailler ravagé par la grippe aviaire, Kernel fut pris d’une immense fatigue. Tout le bénéfice de ses vacances à Rome venait de partir en fumée. Les trombes d’eau défiguraient la ville dans laquelle il avait déambulé depiazzaen piazza, sous un soleil de plomb, écumant lesgelateria, raclant la semelle de ses mocassins sur les pavés inégaux, plaisir de mélomane inaccessible à la masse chaussée de tongs. Rome, c’était Marseille en mieux. Tandis que le développement de Marseille s’était interrompu à un stade intermédiaire de civilisation, Rome était la plus parfaite réalisation du génie méditerranéen, généreuse par sa cuisine, abyssale par la
beauté des femmes, stupéfiante par les reliques de son histoire. Kernel aurait pu y séjourner l’été entier, ne faisant rien d’autre qu’ouvrir ses sens, si sa solde, par sa modicité, ne l’avait contraint à rentrer au commissariat. Le taxi venait de le déposer à l’aéroport de Fiumicino. La Toyota démarra et disparut dans l’averse. Kernel ne s’était jamais fait aux Japonaises. Il avait un faible pour les Renault avec des moteurs de deux litres au minimum. Les véhicules ne l’intéressaient pas. Ce mot ne faisait pas partie de son lexique, il ne parlait que de caisses. Il avait un rapport affectif aux moyens de transport. Autant les gares ferroviaires l’emplissaient de mélancolie, autant les aéroports le rendaient euphorique. L’avion appartenait à la même catégorie que le sexe et la cocaïne, quand le train était à ranger à côté des sachets de tisane, du pain de mie et de la confiture. À la vue des écrans d’affichage, Kernel se laissa envahir par l’excitation. Tous ces vols au départ étaient autant de femmes l’invitant dans leur chambre. Et c’est ainsi que l’embryon de nostalgie romaine fut atomisé comme un étron de caniche sous les roues de 19 pouces d’une Porche Cayenne XT. Kernel s’installa dans la salle d’embarquement, sourire aux lèvres, prêt à l’action.
Chapitre2
Lecommissaire Baramian était en poste depuis un an. Justine avait rapidement cerné ce personnage moins complexe et secret que son prédécesseur, le commissaire Santucci. Tout s’était éclairé lorsque s’était révélé le dénominateur commun de comportements qu’elle avait d’abord échoué à relier entre eux. Lors de leur première rencontre, elle découvrit un homme dans un état de vigilance extrême en dépit d’une enveloppe bonhomme et lente à se mouvoir. Derrière les montures en acier de ses lunettes, luisaient de grands yeux sombres, dispositif principal de sa vigilance, qui, parfois, noircissaient en laissant échapper une expression de haine d’autant plus saisissante qu’elle paraissait involontaire et inconnue de Baramian lui-même, comme si son inconscient se branchait en direct sur son regard. Baramian avait tenu à s’entretenir avec chaque agent et même plusieurs fois avec les inspecteurs selon une segmentation maniaque des thèmes définis à l’agenda. Son attitude était protectrice. Le mot « équipe » revenait sans cesse, souvent associé à un adjectif possessif. Au-delà de l’analyse sémantique, l’impression générale était celle d’un paternalisme excessif et inquiet, comme si Baramian voulait séduire et réduire ses subordonnés, les rendre dépendants de lui, selon le principe du syndrome de Stockholm quand ses mamours s’accompagnaient de remarques blessantes, mais aussi avec une réelle peur de perdre ses agents, comme s’il était possible que tout ce beau monde démissionne et le laisse seul à la barre. C’est lorsque le mot « peur » fut tracé dans les notes que Justine avait l’habitude de tenir chaque matin qu’elle fit la jonction entre le paternalisme du commissaire Baramian et la vigilance souterraine qu’elle avait ressentie à leur première rencontre. Le commissaire Baramian avait peur. Il avait peur depuis toujours et cette peur était la clé de voûte de son psychisme. Il était sans cesse sur ses gardes et, pour ne pas devenir fou, il s’assurait de disposer d’une équipe nombreuse et assujettie. Le commissaire venait de terminer son speech. Outre Justine, l’assemblée se composait de Kernel, d’El Khordi et d’un jeune inspecteur, tout juste arrivé au commissariat, Damien Duval. El Khordi arborait un nouveau pantalon. Justine se fit la remarque qu’elle ne l’avait jamais vu autrement vêtu que d’un vieux jean Wrangler. De coupe plus moderne, plus étriquée, c’était probablement un cadeau de son copain. C’est aussi à cela que sert un conjoint, à casser la répétitivité morbide d’une habitude, à « sortir de sa zone de confort » comme le répétait à l’envi le commissaire Baramian féru de littérature sur le management. En découvrant ce nouveau pantalon, Kernel avait marqué une légère surprise, comme s’il prenait conscience pour la première fois qu’El Khordi n’était pas juste un cerveau, mais un corps avec des jambes fines et galbées. Puis Kernel s’était calé dans un coin de la pièce, pas vraiment à la place où l’on attendait un chef d’équipe, tel un caméléon se fondant sur la peinture beige des murs. Il a pris des couleurs, remarqua Justine.Du poids aussi. L’air de Rome lui réussit. El Khordi et Justine connaissaient assez Kernel pour ne pas s’étonner de son retrait. Le seul à paraître décontenancé par le silence de Kernel était le jeune inspecteur Damien Duval. Kernel était agacé de découvrir en séance, sans avoir été consulté, le recrutement de cet inspecteur à peine plus jeune que Justine. La comparaison s’arrêtait là. Justine avait été fabriquée dans un moule intemporel qui avait survécu aux révolutions technologiques. Elle aurait pu être un personnage dans une tragédie de Racine, un roman de Stendhal ou un film de Godard. Justine, c’était le génie humain épargné par les aléas de l’Histoire, la décadence pathétique de
l’Occident consumériste dont Damien Duval était l’ultime fruit gâté. Il ne fallut que quelques secondes à Kernel pour poser ce diagnostic, il lui faudrait des mois pour s’en dédire si d’aventure il s’était trompé. — La séance est levée, conclut Baramian. Je laisse le lieutenant Kernel diriger l’enquête. Je vous demande de lui apporter une coopération totale. Baramian avait étudié en détail les états de service du lieutenant de police. Kernel était un très bon enquêteur dont le taux d’élucidation était supérieur à la moyenne. Baramian avait été briefé sur le côté taiseux du gaillard. Loin de s’en agacer, il y voyait un défi de management, cette passion qu’il partageait avec son beau-frère, cadre supérieur dans une grande entreprise. Le dimanche précédent, à l’heure du digestif, tandis que les épouses avaient opéré un repli à la cuisine et jouaient à Tetris avec le lave-vaisselle, son beau-frère lui avait exposé le modèle des cinq zones de management : négociateur ou manipulateur, décideur ou autocrate, entrepreneur ou utopiste, gestionnaire ou blasé, participatif ou paternaliste. Baramian s’était rangé dans la catégorie des paternalistes, mais aussi des entrepreneurs car il avait à cœur d’améliorer les méthodes de travail. Son beau-frère lui expliqua que le bon manager n’a pas de personnalité, c’est un schizophrène capable d’adapter sa posture à chaque individu. Après que Baramian lui eut dressé le portrait de l’équipe en charge de l’enquête, son beau-frère livra ses préconisations : — Avec Justine, comporte-toi en entrepreneur, c’est une fille dynamique, elle attend que ça bouge. Caresse El Khordi dans le sens du poil, sois paternaliste tendance démagogue. Comme tout expert, il aime les compliments et la reconnaissance, il a besoin d’être rassuré. Sois gestionnaire avec Kernel puisqu’il avance tout seul. Avec le jeune Duval qui n’a encore aucun repère, sois décideur. Argile malléable, il recherche des influences pour trouver sa forme. Baramian semblait partager les conclusions de son beau-frère. — Pas un pareil, fit-il remarquer, tu avoueras que c’est pas de bol… — Eh non, ce n’est pas simple ! Mais si Kernel est aussi respecté que tu l’as dit, les autres se rallieront à lui et il n’y aura pas de problème tant que tu garderas le contrôle sur lui. — Je vais le laisser se démerder avec cette équipe, dit Baramian. Il peut s’en sortir. Je vais plutôt employer mes forces à la transformation du commissariat. — Ne pas se tromper de combat, c’est aussi cela être un bon manager ! tonna le beau-frère. Il était heureux, en pleine forme, à dix ans de la retraite s’il se débrouillait bien. D’ici là il pourrait changer de poste, et pourquoi pas un poste à la direction à Paris, à la DRH où il pourrait mettre en pratique la littérature managériale qu’il étudiait depuis des années. Ce n’était qu’une option, bien sûr, il était à l’aise dans le poste qu’il occupait. C’était animé, il ne s’ennuyait pas et s’en sortait très bien sans se ruiner en efforts grâce aux innombrables réunions où la dialectique du vide était parfaitement admise et où l’on pouvait resservir ce qu’on avait entendu dans d’autres réunions sans se préoccuper d’apporter la moindre plus-value.
Chapitre3
Lorsque Justine démarra sa voiture, le lecteur de CD lançaFirst impressions of Earth, l’album des Strokes qu’elle préférait. Elle aimait la pulsation des morceaux, la voix de Julian Casablancas, New-yorkais de bonne famille compromis dans le rock indé. Il ressemblait à Anthony par une grâce un peu canaille, subtile et facétieuse, mais également par une similitude de parcours. Comme Julian Casablancas, Anthony était un rejeton de la grande bourgeoisie, il avait tourné le dos aux carrières classiques pour se faire une place dans l’univers un peu putassier du show-business. Anthony avait survolé ses études de médecine. Outre une puissance cognitive et une mémoire remarquables, il avait été gratifié d’une intelligence de la main qui le destinait à devenir un grand chirurgien. Sa décision de se tourner vers la médecine anti-âge fut donc accueillie par la consternation et le dégoût de ses professeurs. Anthony partit se former aux États-Unis. À son retour, il maîtrisait l’ensemble des disciplines concourant à ralentir le vieillissement par des méthodes douces et peu intrusives. Il publia un livre qui se vendit à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, anima une émission de télévision et devint la coqueluche de la haute société parisienne. Il avait tout juste trente ans. Sa clientèle était parisienne pour l’essentiel, mais il possédait aussi un cabinet rue Grignan où se pressaient quelques bourgeoises d’Aix-en-Provence et de Marseille. L’une d’elles, vexée que la platitude de son ventre n’égale pas celle de son esprit, lui demanda de faire un point avec son coach sportif. Amusé, Anthony se rendit à la salle de sport où sévissait ce dernier. Il fut frappé par la perfection du corps d’une jeune femme en pleine séance de Body Combat. C’était Justine. Il n’y avait aucune raison pour qu’elle devienne sa patiente et toutes les raisons du monde qu’elle devienne sa maîtresse. La semaine suivante, il revint à la salle de sport et entreprit de la séduire. À ce stade du récit, il paraît nécessaire de préciser qu’Antony était grand et athlétique, ce qui était parfaitement injuste au regard de son absence de pratique sportive. Mais c’est un fait que la nature est injuste et que cette injustice fait la fortune des nutritionnistes et des médecins anti-âge, Anthony était bien placé pour le savoir. Avec Justine ils formaient un couple de demi-dieuxinstagramesques, cela ne comptait pas pour rien dans la décision de Justine. Mais surtout Anthony était indépendant, séduisant et remarquable amant. Elle ne voyait strictement aucune raison de se priver du plaisir de le fréquenter. Anthony passait quatre jours à Paris et trois à Marseille. Cette double localisation le charmait. Justine était moins enthousiaste, mais ses horaires aléatoires d’inspectrice ne plaidaient guère en sa faveur. Cependant, elle ne pouvait s’empêcher de songer aux opportunités de rencontres à Paris, à la facilité pour Anthony de multiplier les aventures. C’était avec effarement et agacement que la féministe prenait acte de la progression constante de sa jalousie. Ce qui était une annexion progressive de ses pensées avait laissé apparaître, quelques mois plus tôt, une fissure puis un choc, comme celui que génère le glissement de deux plaques tectoniques ripant violemment l’une sur l’autre. Et ce fut justement à un concert des Strokes à Berlin. Anthony partait de Paris, Justine de Marseille. Ils devaient se retrouver directement au concert. À cause d’une sombre histoire d’opérateurs téléphoniques, de forfaits, de réseaux, bref de trucs débiles, ils ne parvinrent pas à se retrouver et assistèrent au concert séparément. À la sortie de la salle de spectacle, Justine attendit que la foule se disperse. Elle aperçut Anthony qui avait eu la même idée. Il était seul mais elle ne put s’empêcher de penser qu’il avait assisté au concert avec une autre femme. Elle fut
glacée à l’idée qu’un jour elle puisse basculer dans la folie. Quelque temps après, Anthony lui fit part d’une invitation de Jérémy. Cette fois ils s’y rendirent ensemble dans la Saab décapotable d’Anthony. Le mobile de Justine vibra. Damien apportait des informations surprenantes : Marie, la Versaillaise catholique, avait eu 37 amants l’année dernière et le compteur affichait 6 prises avant qu’elle ne soit assassinée. — Faut-il les localiser et les interroger ? demanda Damien. — Pas pour le moment, dit Justine. Cela exigerait un temps considérable qui n’est pas justifié tant que l’hypothèse reste celle d’un tueur en série. Quand elle raccrocha, Anthony la questionna sur l’avancement de l’enquête. Elle se surprit à vouloir l’émoustiller en lui parlant de la vie cachée de Marie. Tandis qu’elle opposait l’apparence vertueuse et sage de Marie à la multiplicité de ses aventures qu’elle rassembla sous le mot de nymphomanie, elle observait de biais la réaction d’Anthony. À l’infléchissement de ses lèvres, elle sut qu’il était excité. Jérémy vivait dans une maison isolée au nord-est de Marseille. Il en avait hérité de ses parents. Il était médecin généraliste, mais ne souhaitait pas s’embarrasser d’un cabinet. Il se chargeait des remplacements d’un vieux médecin du secteur qui prenait de plus en plus de congés à l’orée de la retraite, et il assurait aussi beaucoup de gardes. — Je bosse moins de cent jours par an, mais, vraiment, ça me suffit ! expliqua-t-il à Justine tout en disposant des brochettes sur le barbecue. Anthony et Justine tenaient un verre de Côte de Provence. La chaleur à 20 heures était encore étouffante et le rosé se sifflait comme de l’orangeade. Jérémy était l’unique camarade d’étude qu’Anthony côtoyait encore. C’était du moins le seul qu’il ait présenté à Justine. Les autres relations d’Anthony dataient de sa conversion à la médecine anti-âge et au show-business. Plusieurs patients et patientes étaient devenus des proches avec qui il lui arrivait de partir en week-end avec un statut ambigu de diététicien, d’ami, d’invité. Ces escapades étaient prétexte à cocktails, ivresse, coucheries. Parfois, elles avaient un caractère officiel, comme lorsqu’on lui demanda d’intervenir dans une école de commerce pour faire une conférence sur l’importance du bien-être à la fois comme business, mais aussi comme boussole pour tout étudiant désireux de réussir sa vie. Ils picorèrent les brochettes, mais le fait est qu’ils étaient complètement torchés. Jérémy proposa de visiter sa nouvelle installation : un jacuzzi posé au centre de la véranda, à l’arrière de la maison. Le boudin torique pouvait accueillir cinq personnes. Une pompe électrique transformait la surface immobile de l’eau en une écume furieuse et opaque. — On y va ? suggéra Jérémy. — Je n’ai pas de maillot, objecta Justine. — Allons ! Pas de chichi ! dit Anthony en se dénudant et en se glissant dans le clapot. Jérémy attendit la réaction de Justine qui rit nerveusement avant d’en faire autant. Il s’assit à côté d’elle et, assez rapidement, elle sentit les cuisses des hommes pressées contre les siennes. Puis ils prirent ses mains et les posèrent sur leur bite dure comme de l’acier. Il fallut à Justine le recul de quelques jours pour faire un point sur cette soirée et en tirer la conclusion qu’elle aimait ça et qu’elle espérait qu’Anthony renouvellerait ce genre d’expérience.
Chapitre4
En arrivant chez elle, Justine ouvrit les volets du salon. Ceux de la chambre, exposée à l’ouest, restaient clos pour limiter l’intrusion de la chaleur. Il fallait attendre 20 heures pour que la température extérieure tombe sous la barre des 30°. Cet été était l’un des plus chauds depuis que l’on disposait de statistiques. Justine décapsula une bière et s’avachit sur le canapé. Anthony était rentré à Paris. La veille, il l’avait à peine touchée en dépit d’invitations explicites à des jeux plus mouvementés. Elle retira sa culotte, écarta les cuisses et prit un selfie de son entrejambe. Elle zooma la photo pour déceler d’éventuelles imperfections. Il n’y en avait aucune. Son sexe était juvénile, son anus menu, mignon, surtout pas cerné d’une partie plus sombre que le reste qui évoquerait péniblement le cul des primates. Du reste, la pigmentation de la zone génitale, uniforme et douce, était une invitation au léchage et au pilonnage. Ce qui s’était passé chez Jérémy avait libéré des pulsions qu’elle ignorait jusque-là et qu’elle n’aimait guère. Mais elle devait convenir qu’elle ne les contrôlait pas. La semaine prochaine, elle se munirait d’un gode anal, un petit pour ne pas complexer Anthony, et il n’y avait pas de raison que ça n’enchaîne pas. Il fallait un scénario, sinon Anthony s’ennuyait, elle aussi d’ailleurs, comme dans un film ou un roman dépourvus de tension. Elle décapsula une autre bière et étudia une nouvelle fois la paroi qu’elle avait prévu d’escalader le week-end prochain. Vraiment pas simple, une des plus difficiles qu’elle ait faites. Puis elle se rendit sur Google Drive pour consulter ses notes et le dossier des trois femmes assassinées. Stocker dans le cloud de telles données n’était probablement pas réglementaire, mais elle s’en tamponnait. Elle était confortablement assise sur son canapé, une Pilzner bien fraîche à portée de main, elle bossait dans d’excellentes conditions. — Je ressemble de plus en plus à Kernel, j’espère que je ne finirai pas aussi seule, dit-elle à voix haute. Trois femmes assassinées sur les trois premières semaines de juillet. Lundi, mardi, mercredi. Pas besoin d’avoir 160 de QI pour comprendre que le jeudi de la quatrième semaine, tous les flics de la ville avaient été en patrouille, mais sans la moindre chance d’attraper le tueur puisqu’aucun indice n’avait pu flécher leur action. De toute manière, rien ne s’était passé, ni les semaines suivantes. La série, si c’en était une, était plus complexe que le laissait entendre son commencement. On était fin juillet. — Le tueur est parti en vacances avait ironisé Kernel, avant d’en faire de même et partir à Rome. Ce répit permit à l’enquête de démarrer concrètement par ce que Justine préférait : tenter de bâtir un scénario à partir des données trouvées par Damien, en essayant de les cocher toutes. C’était comme un jeu de mots croisés ou de Sudoku. C’était aussi une approche complémentaire de celle d’El Khordi qui, pour sa part, ne goûtait guère les méthodes ancestrales. Il gavait son logiciel de données, sans les trier au préalable, sans même les soupeser, et restreignait son effort d’analyse aux résultats crachés par la machine. El Khordi ne se privait pas de rappeler régulièrement les hauts faits de l’IA : la victoire contre Kasparov aux échecs et contre le champion du jeu de go. Un enjeu similaire pimentait l’enquête, une compétition interne à l’équipe entre l’IA d’El Khordi et le cerveau de Justine. Compétitrice dans l’âme, son acharnement dans le travail découlait de son envie de vaincre El Khordi autant que du besoin de compenser la frustration où l’enfermait sa relation avec Anthony.
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