Les faiseurs de quimbois
53 pages
Français

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Les faiseurs de quimbois , livre ebook

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Description

À Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, un pauvre hère venant de découvrir un gisement aurifère est retrouvé mort, dans sa chambre, d’une cause qui semble naturelle.


Un major d’infanterie coloniale, seul médecin du pays, conclut rapidement à un coup de « quimbois », un breuvage qu’on va acheter à une sorcière, et qu’on fait absorber à son insu à un rival pour s’en débarrasser.


Le jeune sergent Paul DOUBLET, lassé que ce genre de meurtrier ne soit jamais inquiété du fait que ledit poison ne laisse aucune trace dans l’organisme, décide de profiter de sa semaine de congé pour enquêter sur le crime. Son objectif premier, trouver le faiseur de « quimbois »...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 juin 2021
Nombre de lectures 3
EAN13 9791070035900
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

INSPECTEUR DOUBLET
À TRAVERS LE MONDE

LES FAISEURS DE QUIMBOIS
Récit d'aventures

Jean NORMAND
I
LA CHANCE DE BÉLÉVENT

Par les rues ocre de Saint-Laurent-du-Maroni, sous le soleil, sous la pluie, Bélévent poussait chaque jour sa brouette.
C'était un grand noir de Cayenne, vêtu d'un pantalon et d'une veste kaki élimés, coiffé d'un vieux chapeau de feutre informe. Quant à la chemise et aux souliers, c'étaient des accessoires vestimentaires dont il n'avait entendu parler que par ouï-dire.
Devait-il sa brouette, son instrument de travail à une Initiative personnelle ou à une générosité quelconque ? Personne n'en avait jamais rien su, Bélévent étant peu bavard de nature.
Lorsqu'il avait transporté les bagages d'un voyageur débarqué d'un des petits vapeurs de la côte et quelques charges de balata, pour le compte d'un commerçant, Bélévent estimait avoir fait une bonne journée.
Le jour de l'arrivée du courrier de la Martinique, qui amenait des passagers de France, fait qui ne se renouvelait qu'une fois par mois, sa recette atteignait une somme qui lui permettait de se reposer deux jours durant.
On le voyait alors accoudé au comptoir des épiciers chinois devant un verre de tafia, fumant nonchalamment un « bout », long cigare noir, mince et fort. Jours de liesse vite passés, après lesquels revenaient ceux des maigres pourboires, des siestes sur les marches de ciment, sous l'auvent des boutiques.
Cela n'empêchait pas Bélévent de promener dans la vie un inaltérable sourire et de répondre aux plaisantins qui lui demandaient quel jour il ferait fortune, car la Guyane, pays de l'or, est un pays où il est possible de faire fortune, avec beaucoup de chance et du courage :
— Attendez un petit peu ! Ça viendra... Chacun son tour !
Un matin, on ne vit plus Bélévent dans les rues de Saint-Laurent.
On s'en aperçut, car le personnage manquait dans le décor.
Tout de suite, des gens qui se prétendaient bien informés le dirent à l'hôpital, ce qui paraissait vraisemblable.
La nouvelle ne tarda pas à être démentie par le successeur même de Bélévent, car il avait un successeur, un autre noir à qui il avait vendu sa brouette pour la modique somme de dix francs avant de disparaître.
Bélévent, las enfin de sa vie de misère, avait eu un sursaut de courage et était monté dans les bois, aux placers, là où l'on fait fortune à moins que l'on y meure de la fièvre ou de la piqûre d'un serpent.
Des mois passèrent et la saison des pluies arriva.
Les canots des noirs Boshs ramenèrent à Saint-Laurent de nombreux placériens, qui y demeureraient jusqu'au retour de la saison sèche.
Quelques curieux qui avaient de la mémoire leur demandèrent des nouvelles de Bélévent.
À d'aucuns, ce nom-là ne disait absolument rien. D'autres, qui connaissaient bien le rouleur de brouette pour lui avoir confié leurs bagages, se rappelèrent l'avoir vu arriver au placer « Confiance », où il avait travaillé quelques jours. Après quoi, dégoûté sans doute de l'expérience, incapable de se plier à une tâche régulière, Bélévent était parti. Un contremaître généreux l'avait nanti d'un vieux havresac contenant quelques vivres et d'une pioche de mineur.
Et bien pourtant, peu de jours avant le commencement de la saison des pluies, Bélévent débarqua au village chinois, dans le port des pirogues. Non pas un Bélévent minable, mais un homme qui marchait d'un pas assuré, le regard haut, sûr de lui.
Il portait chapeau de feutre, était chaussé de solides souliers, et si ses vêtements de toile portaient des traces de fatigue, ce n'étaient plus les hardes sans nom qu'il avait traînées jusque-là toute sa vie.
Bélévent entra dans un magasin chinois, s'offrit plusieurs verres de fine accompagnés d'un gros cigare, puis demanda qu'on lui fît venir un homme avec une brouette !
Lorsque celui-ci fut arrivé, Bélévent lui fit charger de lourds paquets soigneusement ficelés dans de la toile de prélart, qu'il fit incontinent amener en sa compagnie chez M. Cyprien, le marchand d'or.
La corvée accomplie, Bélévent eut un long entretien avec celui-ci, après quoi il s'en vint chez M lle Angéline, qui tenait le meilleur restaurant du pays, où il s'offrit un déjeuner soigné.
Dans un petit pays comme Saint-Laurent, les nouvelles vont vite, et moins d'une heure après l'arrivée de Bélévent au port des pirogues, tout le monde connaissait l'histoire de la brouette lourdement chargée amenée chez M. Cyprien et du repas copieux chez M lle Angéline.
De là à conclure que Bélévent avait fait fortune dans les bois, il n'y avait qu'un pas, qui fut vite franchi. Et, pour une fois, la rumeur publique ne se tenait pas en dehors de la vérité.
Bélévent avait eu son coup de chance, c'était exactement vrai.
Parti en forêt après son départ du placer « Confiance », il avait essayé de laver du sable dans les criques pour recueillir un peu de poudre d'or. Hélas ! l'opération ne donna pas les résultats escomptés et le seul espoir du chercheur d'or consistait désormais à tenter de rejoindre Saint-Laurent par ses propres moyens pour y reprendre sa brouette.
Ce fut sur le chemin d'un retour qui s'annonçait mélancolique et difficile que Bélévent rencontra la chance.
Assis au bord d'une crique dans laquelle il baignait ses pieds enflés par la fatigue, il aperçut dans l'eau claire une grosse roche ronde, usée, dont la couleur ne trompait pas. C'était une pépite énorme, qui pesait au moins sept kilos, éboulée du bord.
À cette vue, Bélévent reprit courage, se mit à l'eau et gratta la roche. Le métal tant convoité apparut alors, brillant, de l'or vierge, celui-là, qui titre quatre-vingt-quinze millièmes !
Il était tombé sur le « lit d'or », car cette pépite annonçait un gisement extraordinaire.
Effectivement, presque sans peine, à profondeur de pioche, Bélévent trouva d'autres pépites.
Il revint au placer, où il en vendit quelques-unes, les plus petites, pour ne pas attirer l'attention, et put ainsi regagner Saint-Laurent avec une partie de son trésor.
Nous disons une partie, car il allait, aussitôt son retour, faire les démarches nécessaires pour entrer en possession du terrain sur lequel il venait de faire sa découverte.
Et sur ce terrain, il établirait un placer ; il aurait lui aussi des magasins, des ouvriers, ce qui n'était pas du domaine du rêve, mais de celui de la plus stricte réalité.
Malheureusement, l'or est souvent un générateur de drame et le pauvre Bélévent n'allait pas jouir longtemps de la fortune que le hasard lui avait si généreusement donnée.
II
LE COUP DE « QUIMBOIS »
 
Quand il fut bien acquis que Bélévent avait vraiment bien fait fortune, d'aucuns, des jaloux bien entendu, haussèrent les épaules.
D'autres fortunes pareillement acquises avaient fondu en quelques mois entre les mains de possesseurs désireux de connaître la grande vie. Le jeu, les dépenses « pour faire voir » en avaient ruiné bien d'autres.
Pourtant, Bélévent ne paraît pas vouloir s'engager sur un tel chemin.
Après un court séjour à Saint-Laurent pour se remettre de ses fatigues, il s'offrit un petit voyage à Demerara, capitale de la Guyane anglaise, d'où il revint magnifiquement habillé, chaussé de bottes jaunes à lacets, coiffé d'un immense feutre gris perle, arborant, sur un complet blanc, une large cravate groseille qu'il jugeait du meilleur effet.
Revenu à Saint-Laurent, Bélévent prit pension chez M lle  Angéline, ne se priva de rien, maintenant qu'il était...

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