Flâneries au Miroir
72 pages
Français

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Flâneries au Miroir , livre ebook

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Description

Tous les ans, Martigues se transforme durant trois jours et vibre au rythme des festivités et défilés vénitiens. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle la « Venise provençale ».


Bien caché entre les habitations colorées, au détour d’un escalier qui finit dans l’eau, se trouve le Miroir aux Oiseaux, minuscule plan d’eau qui fascine les peintres depuis le XIXe siècle. Le lieu idéal pour accueillir des centaines de masqués vénitiens venus des quatre coins de la France et de bien plus loin encore.


C’est dans ce cadre enchanteur que notre héroïne participe à ses premières Flâneries en tant que masquée. Entre souffrance, due à la chaleur, et enchantement de l’anonymat, elle nous fait voyager au travers des rues de la ville de son enfance, nous charme avec son amour pour sa cité... Et bien plus encore quand un mystérieux voyageur l’invite sur son embarcation. La frontière entre l’ombre et la lumière, entre le réel et le fantastique, sera alors franchie. Jusqu’où ce mystérieux passeur l’emmènera-t-il ?



Ce livre numérique comporte également 10 photos couleur liées à Martigues et aux Flâneries.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 avril 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782372270823
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Flâneries au Miroir
Nouvelle de
Florence Barrier
Flâneries au Miroir
— Tata !
Surprise, je tourne la tête. Ma nièce, Léna, claque sans délicatesse la porte de la chambre que j’occupe depuis des années sans pour autant me sentir vraiment chez moi. Tout mon univers se résume à ces quelques mètres carrés et la vue que j’ai depuis la fenêtre : un bout de jardin fleuri où trônent deux bancs éternellement squattés par les mêmes petits vieux, à croire qu’ils en sont propriétaires. Habitude fait force de loi. Sale maladie que la vieillesse. Je suppose que pour ma nièce, je suis moi aussi une « petite vieille ».
En un réflexe immuable, je tends la main vers les gants posés sur mes genoux. Léna a fait irruption si soudainement que je n’ai pas eu le temps de les remettre. Il faut dire que mes gestes se font plus lents avec les années. Et elle est toujours si pressée, si vive. Je souris au souvenir de la fillette qu’elle était, bien des années auparavant, constamment impatiente et ne tenant jamais en place. Elle n’a pas changé et sa spontanéité est une fontaine de jouvence pour la vieille dame que je suis devenue.
— Qu’est-ce que tu as à la main ?
Je regarde mes mains comme si je les voyais pour la première fois. Avec l’âge, je n’y prête plus attention. Ou, plutôt, j’évite d’y prêter attention. Ma main droite est ridée et tachetée. Mes ongles naguère soigneu­sement manucurés sont désormais jaunis par le temps. Les veines devenues saillantes, noueuses, forment des routes verdâtres qui se perdent dans les plis de ma peau. Une main de petite vieille. Un instant, je joue avec un rayon de soleil. La brise de l’après-midi fait onduler le rideau, un oiseau chante au loin et je songe que mon père aurait su re­connaître de quelle espèce il s’agissait. Tant de choses se perdent au fil des ans.
Ma nièce s’assied en silence dans l’unique fauteuil de la pièce, toute son attention tendue vers ma main. D’instinct, je sais qu’elle ne partira pas sans avoir obtenu une réponse. Elle a toujours été terriblement têtue. Je repose mes gants et renonce à les enfiler. À quoi bon ? Ce qui s’est passé cette fameuse nuit n’a de toute façon plus d’importance. Aujourd’hui, plus rien n’a vraiment d’importance. Je pose les yeux sur ma main gauche et replonge trente ans en arrière, une nuit de septembre.
*
Il faisait chaud, cet été-là. Horriblement chaud. Un des derniers étés que j’allais passer à Martigues, ma ville de naissance. Quelques décennies plus tard, elle serait engloutie sous les eaux, suite à la Grande Vague, et disparaîtrait, à l’instar de tant de cités côtières à jamais oubliées.
Nous étions en 2016 et, en dépit de la chaleur caniculaire, j’étais fermement décidée à participer aux Flâneries au Miroir  : tous les ans, la ville se transformait durant trois jours et vibrait au rythme des festivités et défilés vénitiens. Ce n’était pas pour rien qu’on appelait Martigues la « Venise provençale » : de nombreux ponts reliaient les trois quartiers qui composaient le centre historique. Le plus beau et typique des trois était l’Île, la bien-nommée : une véritable petite île traversée d’étroits canaux sur lesquels naviguaient les barques des pêcheurs. Et, bien caché entre les habitations colorées, au détour d’un escalier en mauvais état qui finissait dans l’eau, se trouvait le Miroir aux Oiseaux, minuscule plan d’eau qui fascinait les peintres depuis le XIX e siècle. Le lieu idéal pour accueillir des centaines de masqués vénitiens venus des quatre coins de la France et de bien plus loin encore. Si j’étais honnête, je dirais que le lieu idéal pour ça était Venise, mais quand on est du Sud, on est forcément un peu chauvin. D’ici peu, Martigues tombera complètement dans l’oubli alors que le souvenir de Venise perdurera par-delà les siècles, ce n’est que justice de lui rendre hommage aussi longtemps qu’il est possible.
Martigues était notre Venise à nous, pendant trois jours.

J’avais mis des mois à préparer mon costume pour les défilés. Un véritable sacerdoce : malgré les températures élevées qui règnent encore en septembre, la coutume exige que nulle portion de peau ne soit visible, hormis les yeux. Piètre couturière, j’avais passé des dizaines d’heures à reprendre et perfectionner chaque détail, des plumes du chapeau aux perles des chaussures. Et le masque. Le fameux masque qui doit en cacher autant qu’il en dévoile. Peindre le sourire, ni trop appuyé ni trop discret, trouver la juste mesure entre mystère et invite. Souligner le regard, triste ou songeur, voire malicieux, selon l’angle qu’on offre au spectateur.
Il m’avait fallu penser à tout : légèreté des tissus pour ne pas trop souffrir de la chaleur, mais solidité également pour une bonne tenue lors des déambulations. Les chaussures élégantes – richement ornées car l’œil critique du spectateur ou des photographes ne tolère pas le moindre défaut – se devaient d’être confortables si je voulais participer au bal de la nuit.
C’était ma première participation aux Flâneries en tant que masquée. Et ma dernière.
À l’époque, un de mes oncles habitait à Ferrières, un des trois principaux quartiers. Le centre-ville n’était pas très étendu et rien ne se trouvait à plus de dix minutes à...

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