L attente
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Description

Sandra, dramaturge à ses heures, dirige une troupe de théâtre essentiellement composée de femmes. La représentation de la pièce « femmes combattantes, femmes influentes » est annulée avec l’arrivée du confinement.
Cette mise à l’arrêt du monde et ses situations inédites vont profondément chambouler l’ordre établi jusqu’à modifier les idées féministes de Sandra.
L’action se déroule essentiellement à Saint-Pierre, petit Paris des Antilles, rasé de la carte par la folie incandescente de la montagne Pelée en 1902.
Aujourd’hui un virus silencieux et terriblement meurtrier, importé probablement par un bateau de croisière, vient bouleverser les projets de Sandra et des habitants de l’île.
L’inattendu virus flirte avec la population jusqu’à la rendre folle en générant des situations surréalistes et en provoquant chez certains des mécanismes de défense d’allure psychotique.

Informations

Publié par
Date de parution 24 octobre 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312077987
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’attente
Marie Alba
L’attente
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2020
ISBN : 978-2-312-07798-7
Voltairine de Cleyre
– Sandra, nous devons avoir une démarche citoyenne et annuler la représentation de ce soir.
Je n’avais pas immédiatement saisi le sens des propos de Lucille. Il était déjà quinze heures et nous devions nous produire sur scène à dix neuf heures.
Des six comédiennes, Lucille était certainement la plus enthousiaste et passionnée bien que les autres fussent toutes ravies de monter sur scène.
Jouer le rôle d’une femme féministe et anarchiste ! Un rêve devenu, l’espace de quelques instants, par la magie du théâtre, une réalité.
– « Tu veux bâtir des cités idéales, détruis d’abord des monstruosités… debout, debout… notre bonheur naîtra de l’altruisme… que nos désirs soient des réalités… debout compagnons de misère… l’heure est venue, il faut nous révolter… »
Le poing levé, le corps vibrant dans une quasi-transe révolutionnaire, la comédienne entonnait avec ferveur le chant anarchiste, messager d’une révolution sociale qui ouvrirait la porte à un monde nouveau fait de justice et de liberté.
La comédienne avait merveilleusement incarné le personnage. Elle était, l’espace d’un instant, Voltairine de Cleyre, active militante de l’émancipation des femmes.
Libre penseuse et anarchiste, initiatrice d’un enseignement libertaire, Voltairine de Cleyre était une figure importante de l’anarchisme des années mille neuf cents aux États-Unis.
C’est par amour pour Voltaire que son père également libre penseur l’appela Voltairine.
Je n’avais plus une minute à perdre, il me fallait contacter l’une après l’autre les comédiennes de la troupe qui attendaient avec frénésie ce moment de partage et d’émotion avec le public. Public qui, mouvant, insaisissable avec ses mouvements d’humeur pouvait être tour à tour généreux, ingrat. Chaque représentation générait sa dose d’adrénaline, de trac, de fascination. Malgré toutes ces incertitudes face aux réactions du public, nous avions tout de même une grande envie de le rencontrer.
Prendre la décision d’annuler le spectacle m’était insupportable. C’était détruire en quelques secondes un édifice bâti avec passion et détermination et priver les comédiennes du plaisir inouï de la scène.
J’avais pris un réel plaisir à rechercher, synthétiser, écrire sur six femmes d’exception qui s’étaient battues parfois au péril de leur vie pour défendre les droits parfois les plus élémentaires. Je souhaitais mettre en scène la vie de ces six femmes dans une dramaturgie forte et sans pathos.
Six femmes qui, de la révolution française à nos jours, avaient défié les conventions sociales pour défendre la liberté et les droits humains menacés, bafoués et parfois inexistants. Leur combat intégrait inexorablement le volet de l’égalité hommes-femmes et son évolution à travers deux siècles et demi.
Tout d’abord Olympes de Gouges et sa déclaration des droits des femmes mais aussi La Mulâtresse Solitude, Lumina Sophie, Harriet Tubman, Voltairine de Cleyre et Benoite Groult.
Chacune des ces six femmes représentait une époque, une histoire qui me subjuguait.
C’est en passant un jour au carrefour de Lacroix , sur le boulevard des Héros aux Abymes en Guadeloupe que je fus littéralement saisie d’émotion devant la statue de la Mulâtresse Solitude . Dressée au milieu du carrefour la statue d’une femme forte et digne avec un ventre proéminant de femme enceinte ne me laissa pas indifférente. J’avais immédiatement ressenti le besoin et l’envie d’écrire sur elle. Cette femme m’avait tout de suite inspirée.
« Vivre ou mourir » avait lancé celle qui en 1802 bien qu’enceinte avait pris les armes pour lutter contre l’esclavage rétabli par Napoléon Bonaparte aux Antilles . Elle fut à trente ans, condamnée à la pendaison par ordre de la France de Bonaparte devenue esclavagiste. André Schwarz - Bart avait commis un excellent roman sur la vie réelle et peu connue de cette esclave Guadeloupéenne .
Pour clôturer la « saga » de mes héroïnes, Benoîte Groult se présenta à moi comme une évidence. Née en 1920, au début des années folles, elle vécut en pleine liberté dans le Paris des artistes de cette merveilleuse époque. Parenthèse enchantée au cours de laquelle la jeunesse enivrée d’espoir, souhaitait s’amuser frénétiquement afin d’oublier les horreurs de la guerre. Paris se métamorphosait et ces changements participaient activement à l’émancipation des femmes qui avaient déjà acquis une certaine indépendance avec le départ des hommes pour le front.
C’est dans cette frénésie culturelle et sociale que Benoite Groult vit le jour dans un milieu artistique et mondain. Sa mère Nicole Groult entretenait des amours saphiques avec Marie Laurencin qui devint la marraine de la petite fille.
Au même moment, fuyant la prohibition et l’expansion du Ku Klux Klan, les Américains arrivèrent à Paris, prenant part à la fête. ils ramenèrent le jazz et le swing, mais aussi une jeune danseuse, noire américaine : Joséphine Baker. Simplement vêtue de sa célèbre jupe en bananes, elle allait rapidement devenir la vedette du théâtre des Champs Élysées, libérant avec sa danse mythique et entraînante de nombreux fantasmes. Elle fut le symbole de la libération sexuelle qui exalta alors Paris.
C’est à cette époque fascinante que j’aurais aimé vivre. Tout y était possible. Même les rêves les plus fous pouvaient se réaliser. Il suffisait juste de le vouloir.
Ernest Tuville, directeur du centre culturel de Saint-Pierre devait aussi être prévenu sans tarder. Il m’avait téléphoné le matin même pour m’informer que la salle serait comble. À son grand regret, il avait été contraint de refuser une dizaine de réservations.
La salle, face à la montagne Pelée dans laquelle se produisaient les spectacles n’était pas véritablement un théâtre. La ville de Saint-Pierre n’en avait jamais reconstruit depuis que l’éruption de la montagne pelée en 1902 avait tout balayé sur son passage. Le premier théâtre construit en 1786 le long de la Grand Rue dans le quartier du Fort Saint-Pierre, dessiné sur le modèle du grand théâtre de Bordeaux fut lui aussi emporté par la furie incandescente. Ne laissant aucune chance à ce magnifique théâtre à l’italienne de huit cent places.
Il ne reste plus aujourd’hui que les ruines de ce qui avait été le plus beau centre intellectuel et artistique des Antilles. Mais c’est dans ce beau décor de ruines qu’exceptionnellement la ville autorise certaines troupes à s’y produire. Ernest Tuville m’avait laissé carte blanche pour y présenter la pièce « Femmes combattantes, femmes influentes ».
– Il faut dire que le thème attire ! m’avait-il dit sur un ton amusé et avec une très probable insinuation inconsciemment machiste.
Monsieur Tuville faisait partie de cette catégorie d’hommes qui, lorsqu’ils s’adressaient aux femmes, employaient un ton mi-paternaliste mi séducteur. Être fragile et précieux, la femme devait être protégée et guidée ! laissait-il parfois sous-entendre. Toujours bien entendu dans son intérêt et dans certains cas pour son bien.
De telles affirmations n’avaient jamais été clairement formalisées mais un geste, un regard, une attention et la résurgence d’une culture solidement ancrée, surgissait au grand jour.
Je n’ai donc eu aucun doute sur le fait qu’à l’autre bout du fil mon interlocuteur arbora un rictus coquin et un regard malicieux.
En fait, Ernest ne savait pas vraiment comment se comporter avec les femmes. Alors parfois, faire le fanfaron lui permettait de mieux masquer son manque d’assurance.
Le mercredi des cendres
C’était un homme peu ordinaire. Lorsque nos regards se croisèrent ce mercredi des cendres lors de la veillée funèbre de feu Vaval , organisée par des amis communs, ultime prétexte à une soirée bien arrosée, j’avais immédiatement su que nous deviendrions amis.
Soirée festive où chacun, armé d’une force décuplée par l’alcool, s’animait, parlait fort et refaisait le monde. Toutes ces revendications révolutionnaire

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