Quatre Mélanie et demie
67 pages
Français

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Quatre Mélanie et demie , livre ebook

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Description

À Pointe-Gatineau, il y a des chasseuses novices, des filles en rouge qui cherchent l’amour, d’autres qui se font taponner contre la clôture du champ gauche ou accoster tard le soir dans des stationnements déserts. Il y a surtout des Mélanie, beaucoup de Mélanie, peut-être même trop.
Avant ça,
Roch, Steve pis moi,
on était allés se pitcher la balle dans la cour de l’école Robinson.
En fait, Steve finissait toujours par choker Roch pis sa balle
pour m’inviter à jouer à ‘cachette :
on s’entend que c’est définitivement plus pratique pour se taponner dans les cèdres.
Mon frère lui, finissait toujours par se pitcher la balle avec son meilleur ami : le mur de briques.
Roch aurait mieux aimé se pitcher avec quelqu’un
au lieu de jouer tout seul à ‘balle au mur, c’est sûr, mais Steve feelait toujours plus pour l’activité cachette et crossette.
C’est en pensant à toi
dans le mouvement de va-et-vient que l’heure m’apparaît sur le poignet comme un présage de mort.
16 h 54. Shit de shit.
Je vois Roch dans le backstop
se faire des fly dans le soleil
pour que ce soit plus difficile à pogner.
J’essaye de me lever
mais j’ai les cheveux mêlés dans ‘clôture du champ gauche
et mes bobettes font des chaînes à mes chevilles.
« Shit Roch y nous reste six minutes » que je pitche à Roch.
Faut comprendre que pour ma mère,
une seule minute de retard au souper
pouvait aussitôt activer le moulin à claques et la distributrice de tâches punitives.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 août 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782764436479
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Projet dirigé par Stéphane Dompierre, directeur littéraire

Conception graphique et mise en pages : Nathalie Caron
Révision linguistique : Isabelle Rolland et Chantale Landry
En couverture : Anticipate , de Nicola Kloosterman
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain
En page 9 : « Une petite morte », in Poèmes , Anne Hébert, © Éditions du Seuil, 1948, n.e., 1960

Ouvrage composé en Minion Pro, un caractère originalement créé par Robert Slimbach en 1990.

Quatre Mélanie et demie a été achevé d’imprimer au Canada sur papier « Enviro 100 » en juillet 2018 sur les presses de Marquis imprimeur à Louiseville, Québec, pour le compte des Éditions Québec Amérique.

Cette première impression a été tirée à 1000 exemplaires.

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Laramée, Justin, auteur
Quatre Mélanie et demie / Justin Laramée.
(La shop)
ISBN 978-2-7644-3645-5 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3646-2 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3647-9 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Shop (Québec Amérique).
PS8623.A744Q37 2018 C843’.6 C2018-941116-3 PS9623.A744Q37 2018

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2018
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2018

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2018.
quebec-amerique.com


à toutes mes demi-sœurs

UNE PETITE MORTE
Une petite morte s’est couchée en travers de la porte.
Nous l’avons trouvée un matin, abattue sur notre seuil Comme un arbre de fougère plein de gel.
Nous n’osons plus sortir depuis qu’elle est là C’est une enfant blanche dans ses jupes mousseuses D’où rayonne une étrange nuit laiteuse.
Nous nous efforçons de vivre à l’intérieur Sans faire de bruit Balayer la chambre Et ranger l’ennui Laisser les gestes se balancer tout seuls Au bout d’un fil invisible À même nos veines ouvertes.
Nous menons une vie si minuscule et tranquille Que pas un de nos mouvements lents Ne dépasse l’envers de ce miroir limpide Où cette sœur que nous avons Se baigne bleue sous la lune Tandis que croît son odeur capiteuse.
— Anne Hébert

MÉLANIE BISSONNETTE
Le syndrome de Bambi

Je suis revenue de plusieurs choses dans la vie, mais je suis jamais tout à fait revenue de Bambi.
Parce que du monde qui tue du monde on comprend ça, on a vu ça mille fois de nos propres yeux même si c’est pas en vrai, on a tous ressenti ce besoin-là, raconte-moi pas que pas toi, surtout après ce qu’on t’a fait, c’est sûr que t’as eu envie de tuer. Peut-être même que c’est pour ça que t’es là devant moi, je sais pas, mais ce que je veux te dire, c’est qu’on a tous eu cette envie-là au moins une fois.
Sauf que tirer sur Bambi ? Tuer quelque chose d’aussi libre et d’aussi beau quand y a de la viande plein l’épicerie, même aujourd’hui j’arrive pas à le digérer.
Y fait rien Bambi, y fait juste vivre sa vie de bambi avec ses amis, y mange du sapinage en apprenant à patiner, par où donc peut venir le désir de vouloir le tuer ?
Le soir où mon père m’a loué Bambi pour mieux enterrer ses bruits de mâle qui se vide de sa semaine pleine, j’avais trouvé ça tellement bébé. « Bambi c’est pour les petits » que j’y avais dit, « moi je suis en sixième année, j’ai envie de sang et de cris. » Mais déjà, y se mettait propre en m’écoutant pas pour celle qui s’en venait le faire venir.
C’était vendredi. Le vendredi soir, j’étais complètement libre, tant que je restais dans ‘cave, tant que je faisais semblant que je l’entendais pas monter sa jument, tant que j’y demandais rien, tant que je restais presque invisible, j’avais tous les privilèges, parce que le vendredi, c’était à lui.
J’aurais aimé ça cet après-midi-là en rentrant de l’école lui expliquer ce qui venait de se passer, les cris et les coups, le sang de ta tête qui se mélange à celui de ton sexe, toi Mélanie, oiseau brisé sur le plancher des toilettes, pas tout à fait femme mais déjà humiliée, mais je pouvais pas, parce que comme j’ai dit c’était vendredi, et que mon père avait mérité son ignorance.
J’ai entendu la crinière bleachée commencer à hennir en faisant semblant trop fort d’aimer ça beaucoup trop, fait que j’ai pesé sur play pour l’enterrer. Mon père m’avait fait chauffer sa spécialité : un stew de gibier. La viande était sèche et goûteuse et comme c’était juste la quatrième fois de la semaine que j’en mangeais, j’étais pas encore complètement écœurée.
Le film a commencé avec son pan de forêt triste pis sa toune qu’on dirait chantée par des anges violés. Pendant que la forêt se réveille le lapin joufflu call « a new prince is born » et là Bambi essaye de se lever avec ses jambes en spaghetti : c’est assez cute merci. Après ça on voit son père faire le fier sur la montagne avec son gros panache de buck. Je l’ai trouvé sexe fait que j’ai continué.
J’aurais vraiment pas dû. Parce que avant la moitié, la mère de Bambi se fait tirer. C’est le printemps elle mange de l’herbe neuve pis paf. Pas longtemps après, des chasseurs en chemise à carreaux envoient leurs chiens sur Bambi. Son père vient à sa rescousse, mais lui avec y mange une balle dans le cœur pis y meurt. Là je trouvais qu’il y allait fort en maudit monsieur Disney.
J’ai regardé le reste du film figée comme mon stew. À la fin, même si Bambi finit par fourrer une petite biche et y faire un autre bambi, ça m’a pas réconciliée avec la vie.
Mon père avait des Bleue tablettes dans la partie pas finie de notre cave semi-finie fait que je suis allée m’en chercher une. J’entendais sa maîtresse dans la chambre d’en haut parler avec une voix de prof de maternelle cochonne. Mon père aimait ça. Je pense surtout que c’est à cause qu’y est pas allé à l’école assez longtemps.
La bière tablette me fait roter comme un ski-doo, fait que je l’ai mise dans le tombeau-congélateur cinq minutes le temps qu’elle devienne presque fraîche.
C’est là que je l’ai vu, dans la boucane de grand froid, mort gelé, découpé sous vide.
Je savais mais je savais pas vraiment tu comprends. J’avais pas réalisé. J’ai lâché un cri sourd-muet et la porte du tombeau est tombée. En reculant lentement pour m’éloigner du cadavre, je me suis rapprochée de la preuve : sur le mur de l’établi, la photo de mon père avec mon oncle Francis, fiers et complices, et dans leurs bras, couché à terre, le papa de Bambi en sang avec la langue sortie. J’avais vu cette photo mille fois avant, mais quand on s’attache à quelque chose, on voit sa mort différemment.
Je me suis écrasée sur le divan, et dans la lumière bleue de la télévision sans son, j’ai vu mon stew de gibier gris, et j’ai crié du vomi.
« Mélanie ! » lâche mon père en interrompant ses devoirs. « Mélanie ! tu me feras quand même pas descendre un vendredi ? » Mon silence laissait entendre que oui. Mais c’est pas lui qui est descendu. C’est elle. Toute nue en plus, comme si c’était pas grave parce qu’on était entre femmes. « Heille chose » que je me suis dit, « c’est pas parce que j’en ai une que je veux voir la tienne. »
« Ça va Mélanie ? Qu’est-ce qu’y a chouchoune ? » Au d

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