Trophée des plumes 2022 - Mon Avenir ou Ma Famille

Cheikh Seye

Description

Un dimanche,comme à l'accoutumée d'un repas de midi sénégalais,mon père et moi,assis à même le sol,étions sur le point d'achever le plat de ''Thiébou Dieune'' que j'avais préparé.Les cuillères se précipitaient à tour de rôle dans les avaloirs dans un climat impavide.De temps à autre,on pouvait ouïr les cris des bambins qui jouaient sur le terrain vague se situant en face de notre demeure.A cet effet,j'allais détacher mes fesses de la nappe étalée pour lui procurer de l'eau quand,j'entendis le son de la voix de celui-ci qui heurta tous les autres bruits de la pièce: ''Attends Katy,j'ai appelé ta tante Ouleye et j'ai à vous parler tous les deux''.Il le disait d'une voix à la fois assez sérieuse et tendre.Ce fut ainsi une sousciance nostalgique qui s'était tout d'un coup déclenchée au niveau de ma boite craniène car mon père avait ce caractère problématique mais avait rarement l'habitude d'aborder une concertation familiale,ou s'il venait à le faire c'était pour une raison très importante.Je levai la tête vers lui puis l'acquiesçai.

Informations

• Publié par: Buur
• Date de parution: 01 juin 2022
• Nombre de lectures: 28
• Langue: Français

Extrait

Trahie, reniࣱe, dࣱnigrࣱe, aucun mot qui aurait pris naissance de ma langue et qui effleurerait mes lࣰvres n'aurait suffi à qualifier la tristesse et la dࣱception que j'ai eu à subir ce jour là.Grandie avec ma grand-mࣰre au Cameroun, j'ࣱtais ce genre de filles qui, aimࣱe de tous de par mon humour, ma bonne humeur, mon amour du travail bien fait; j'ࣱtais toujours souriante et là où je passais, se faisait sentir le bonheur que je transportais.

Un dimanche,comme à l'accoutumࣱe d'un repas de midi sࣱnࣱgalais,mon pࣰre et moi,assis à mࣲme le sol,ࣱtions sur le point d'achever le plat de ''Thiࣱbou Dieune'' que j'avais prࣱparࣱ.Les cuillࣰres se prࣱcipitaient à tour de rôle dans les avaloirs dans un climat impavide.De temps à autre,on pouvait ouïr les cris des bambins qui jouaient sur le terrain vague se situant en face de notre demeure.A cet effet,j'allais dࣱtacher mes fesses de la nappe ࣱtalࣱe pour lui procurer de l'eau quand,j'entendis le son de la voix de celui-ci qui heurta tous les autres bruits de la piࣰce: ''Attends Katy,j'ai appelࣱ ta tante Ouleye et j'ai à vous parler tous les deux''.Il le disait d'une voix à la fois assez sࣱrieuse et tendre.Ce fut ainsi une sousciance nostalgique qui s'ࣱtait tout d'un coup dࣱclenchࣱe au niveau de ma boite craniࣰne car mon pࣰre avait ce caractࣰre problࣱmatique mais avait rarement l'habitude d'aborder une concertation familiale,ou s'il venait à le faire c'ࣱtait pour une raison trࣰs importante.Je levai la tࣲte vers lui puis l'acquies࣯ai.

Mon pࣰre avait eu quelques soucis avec la loi pour une histoire de drogue.Oui! Mon pࣰre ࣱtait accro au cannabis et devenait parfois violent sans sa dose de la journࣱe.Il ne travaillais que pour sa consommation s'il dࣱcidait de le faire.Ce qui m'avait valu mon retour au Sࣱnࣱgal.Je n'avais que dix-sept ans à cette ࣱpoque et n'avais pratiquement aucune civilisation sࣱnࣱgalaise.Je trouvais cela parfois mࣲme trࣰs marrant mais des gens ne se privaient nullement d'ࣱclats de rire lorsque je m'exprimais en wolof,la langue nationale.Je finis par comprendre que c'ࣱtait mon accent camerounais qui leur faisait s'esclaffer.Mon pࣰre me for࣯ais à travailler contre à l'idࣱe que maman et moi partagions à savoir terminer mes ࣱtudes par prࣱtexte qu'il n'avait pas les moyens.C'ࣱtait l'excuse parfaite à lui pour ne pas trouver du travail.Par la suite je travaillais comme aide mࣱnagࣰre chez une dame qu'on conseilla à ma mࣰre.Par contrat de travail,je devais rester chez la dame et ne pouvait rentrer chez moi que par quinze jours.Je partais le samedi soir et reprenais le travail le lundi dans la matinࣱe.Madame Diouf a toujours ࣱtࣱ aimable avec moi et m'avait beaucoup aidࣱ.Elle me permettait mࣲme parfois de prolonger d'une ou de deux journࣱes mon sࣱjour chez mes parents.Elle m'aimait bien mais pas plus que son fils.Issa et moi ࣱtions tombࣱs amoureux.Le courant passait tel un flash.Dࣰs la premiࣰre fois qu'on s'ࣱtait vu,nos regards s'ࣱtaient automatiquement accouplࣱs.Depuis que je le connaissais,ma vie avait changࣱ. Il ࣱtait ma carte chance.Il s'ࣱtait approchࣱ un jour de moi et m'avait dit:

-J'aimerais te parler de la conversation que j'ai eu avec ma mࣰre

-Ah oui! De quoi aviez-vous parlࣱ?,je lui rࣱpondis essuyant la sueur qui dࣱbordait de mon front

-On a beaucoup discutࣱ mais le dࣱbat te concernait en particulier...

Sans qu'il puisse terminer sa suite de mots que je sortis mes mains de l'eau et me levai.

-T'as parlࣱ à ta mࣰre de notre liaison?Pourtant on s'ࣱtait entendu qu'on ne dirait rien mࣲme si t'as envie de crier sur tous les toits que tu m'aimes

-Loin de là chࣱrie!Ce dont nous parlions concerne tes ࣱtudes et ton avenir

-Comment ࣯a mon avenir ?Mon avenir c'est de travailler,pouvoir aider mes parents et justement de t'aimer toi.

Je restais digne car cela me suffisait amplement pour vivre dans le bonheur mais il avait de plus rࣱussi à convaincre sa mࣰre de m'aider à poursuivre mes ࣱtudes.C'etait une merveilleuse nouvelle qu'il m'annon࣯a.Je me croyais parfois ࣲtre dans un film de tࣱlࣱ novelas.Si j'osais bien, je dirais que je vivais le bonheur absolu.Tout semblait ࣲtre avec moi ou que c'ࣱtait tout juste une bࣱnࣱdiction du bon Dieu.Hࣱlas! La dࣱception est un sentiment qui ne dࣱ࣯oit jamais et elle ne manque jamais l'occasion de se prࣱsenter.Le lendemain,je me mis en route afin de faire une visite surprise à mes parents et par la mࣲme occasion de leur annoncer la nouvelle.Mais ma trouvaille ࣱtait odieuse.Nul ne pouvait se douter de cette affreusetࣱ. J'arrivais de loin, avec un grand sourire. A mon arrivࣱe,aprࣰs avoir toquࣱ à la porte,j'avais remarquࣱ que celle-ci n'ࣱtait pas fermࣱe à clࣱ.Lorsque j'entrai,une cacophonie dans la chambre parentale m'interpella aussitôt.Ma mࣰre cachait à tout le monde que mon pࣰre la battait et moi je venais juste d'en faire la dࣱcouverte. Ce qui suscitait plus ma douleur et me troublait aprࣰs les faits ࣱtait la mort de ma mࣰre.J'ࣱtais persuadࣱ que Maman ࣱtait morte à cause des nombres de coups incalculables qu'elle recevait par jour.Mais ils en fassent une histoire familiale.Ma bien aimࣱe ࣱtait partie pour de bon et cela chamboula ma vie.Cela m'avait pris ࣱnormࣱment de temps pour m'en remettre et mon seul espoir restait Issa qui ne se lassait jamais de me consoler.

Ma tante arriva,mon pࣰre finit sa priࣰre et vint ensuite nous rejoindre au salon.Il s'assit en face de nous, rangea son chapelet .Il toussota et se mit à parler: ''J'ai à vous annoncer une trࣰs bonne nouvelle,c'est une bࣱnࣱdiction'', disait mon pࣰre.Je restait sidࣱrࣱe car je n'avais aucune idࣱe de ce que pouvait ࣲtre entrain de parler le vieux.Je tournais la tࣲte par moment afin de regarder ma tante qui semblait ne pas vouloir intervenir dans le dࣱbat et qui me fuyait parfois du regard.Puis il ajouta :

-Tu vas enfin nous sortir de la souffrance que nous vivons chaque jour.Katy ma fille,il est temps que tu te maries

-Me marier?

-Oui un trࣰs bon et riche ami à moi a dit qu'il voulait faire de toi sa seconde ࣱpouse.J'en ai dࣱjà parlࣱ avec ta tante et c'est excellent n'est-ce pas?

-Jamais de la vie je vous dis et je le connais mࣲme pas cet homme.N'aviez-vous pas pensࣱ à mes ࣱtudes?

-C'est un ami d'enfance de ton pࣰre et apparemment il est trࣰs gentil et trࣰs riche ma chࣱrie tu n'auras plus besoin d'ࣱtudier, rࣱpliqua ma tante

-Apparemment j'en aime une autre et c'est avec lui que je veux terminer ma vie.Je ne vais jamais ࣱpouser un homme qui a l'age de mon pࣰre.Je suis dࣱsolࣱe mais je refuse de faire ce sacrifice

-Je suis ton pࣰre Katy,ici c'est ma maison tu l'ࣱpouseras de grࣱ ou de force et ce sont mes derniers mots

-Je prࣱfࣰre m'en aller,terminer mes ࣱtudes que d’ࣲtre ton esclave et rappelez vous bien de ࣯a ''je ne suis pas ma mࣰre!''

Je me retirai et commen࣯ai à ranger mes affaires.Qu'avais-je fait pour mࣱriter un pࣰre comme lui?Me revoilà à faire un choix ou devrais-je dire à essayer de trouver l'ࣱquilibre parfait entre mon avenir et ma famille.J'avais passࣱ un coup de fil à Issa pour lui mettre au courant de la situation et par la mࣲme occasion j'avais quelque chose à lui annoncer.Je lui demandais de me retrouver dans notre endroit favori,là où il avait l'habitude de m'emmener pour qu'on puisse en discuter.Mes larmes ne cessaient de couler,assise sur un banc me souvenant des bons moments passࣱs avec Issa.Mais Issa n'ࣱtait jamais venu.Il avait dࣱjà tracࣱ la fin de notre histoire.Tout compte fait l'avenir ne se trouvait pas en notre possession.Les bonheurs d'aujourd'hui seront les malheurs de demain.Nul n'est à l'abris des manœuvres de la souffrance.Quelques heures plus tard à attendre,je re࣯us un appel de sa mࣰre en pleurs. Le comble arriva.Issa avait eu un accident et y avait perdu la vie.La seule personne qui me restait ࣱtait partie sans savoir que je portais son enfant.J'ࣱtais enceinte,anࣱantie avec personne pour me consoler et nulle part où aller.J'avais le choix entre continuer de larmoyer ou d'avancer.Dieu m'avait offert une source de motivation,je me sentais encore en mesure de braver les misࣰres de la vie.