UNE Sentinelle sur le rempart

Jean Lemieux

Description

J’ai soixante-trois ans, bientôt soixante-quatre. J’écris ces pages dans la chambre de garde de l’hôpital psychiatrique où je travaille depuis vingt-trois ans. Dans six mois, je quitterai l’établissement pour prendre, sinon une retraite définitive, du moins un long congé après lequel j’évaluerai si j’ai envie de pratiquer quelques heures par semaine la médecine. J’arrive, pour paraphraser Miron, au bout d’un long voyage abracadabrant.
Qu’est-ce qui pousse un jeune sain d’esprit à devenir médecin? Que ressent-on quand on pénètre dans un laboratoire d’anatomie peuplé de 41 cadavres? Quand on entreprend sa première garde d’interne? Quand on doit annoncer à des parents que leur fils est en état de mort cérébrale, à un patient de 44 ans en pleine forme que son échographie révèle une masse au pancréas? Que vit un médecin au quotidien?
Dans un récit intime et émouvant, Jean Lemieux revient sur son parcours d’omnipraticien, de ses débuts aux Îles-de-la-Madeleine jusqu’à ses années de pratique en milieu psychiatrique. Il nous emmène avec lui pendant ses gardes de nuit et dans son combat de chef de service aux prises avec la réforme du système de santé. Ce faisant, il nous livre une réflexion personnelle sur le passage du temps, la vie et la mort.

Sujets

• Personal Memoirs
• Biography
• Travail (band)
• Autobiography
• Société
• Travail
• Maladie
• Santé
• Politique

Informations

• Publié par: Québec Amérique
• Date de parution: 12 septembre 2018
• Nombre de lectures: 2
• EAN13: 9782764436714
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Du même auteur
Adulte
Prague sans toi , Éditions Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, 2013.
La Marche du Fou, La courte échelle, 2000 ; Éditions Québec Amérique, coll. Nomades, 2016.
La Lune rouge , Éditions Québec Amérique, 1991 ; La courte échelle, 2000 ; Éditions Québec Amérique, coll. Nomades, 2016.
LES ENQUÊTES D’ANDRÉ SURPRENANT
Les Clefs du silence, Éditions Québec Amérique, coll. Tous Continents, 2017.
Le Mauvais Côté des choses , Éditions Québec Amérique, coll. Tous Continents, 2015.
L’Homme du jeudi , La courte échelle, 2012 ; Éditions Québec Amérique, coll. Nomades, 2016.
Le Mort du chemin des Arsène , La courte échelle, 2009 ; Éditions Québec Amérique, coll. Nomades, 2016.
Prix littéraire de la Ville de Québec et du Salon du livre de Québec, adulte, 2010
Prix Arthur-Ellis de la Crime Writers Association of Canada 2010
Prix des abonnés de la Bibliothèque de Québec, fiction, 2010
On finit toujours par payer , La courte échelle, 2003 ; Éditions Québec Amérique, coll. Nomades, 2016.
Prix littéraire Association France-Québec/Philippe-Rossillon 2004
Prix Arthur-Ellis de la Crime Writers Association of Canada 2004
Jeunesse
FX Bellavance , vol. 1, La courte échelle, 2010.
Le Chasseur de pistou , La courte échelle, 2007.
Ma vie sans rire , La courte échelle, 2006.
Le Fil de la vie , La courte échelle, 2004.
Prix littéraire de la Ville de Québec et du Salon du livre de Québec, jeunesse, 2005
Le bonheur est une tempête avec un chien , La courte échelle, 2002.
Les Conquérants de l’infini , La courte échelle, 2001.
Pas de S pour Copernic , La courte échelle, 2001.
Le Trésor de Brion , Éditions Québec Amérique, coll. Titan+, 1995.
Prix 12/17 Brive-Montréal 1995
Prix du livre M. Christie 1996
La Cousine des États, Éditions Québec Amérique, coll. Titan, 1993 ; nouvelle édition, 2017.





Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice
Conception graphique : Claudia Mc Arthur
Mise en pages : Andréa Joseph [[e-mail]]
Révision linguistique : Sylvie Martin et Sabrina Raymond
En couverture : Photographie de Madeleine Lemieux
Conversion en ePub : Nicolas Ménard
Québec Amérique 7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l'aide financière du gouvernement du Canada par l'entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d'édition.
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Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d'impôt pour l'édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Lemieux, Jean, auteur Une sentinelle sur le rempart : parcours d’un médecin / Jean Lemieux.
ISBN 978-2-7644-3669-1 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3670-7 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3671-4 (ePub)
1. Lemieux, Jean. 2. Médecins - Québec (Province) - Biographies. 3. Écrivains québécois - 20e siècle - Biographies. I. Titre.
R464.L45A3 2018 610.92 C2018-941805-2
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2018
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2018
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc. et Jean Lemieux, 2018.
quebec-amerique.com


À Paul et à Jeanne

Ce livre est essentiellement autobiographique. Les noms sont toutefois fictifs. J’ai également pris la liberté de transformer ou de fusionner certains faits, notamment pour protéger l’identité des personnes évoquées.


J’ai fait de plus loin que moi un voyage abracadabrant il y a longtemps que je ne m’étais pas revu me voici en moi comme un homme dans une maison qui s’est faite en son absence
Gaston Miron


1
Le petit gars sur la patinoire
J’ai passé les cinq premières années de ma vie dans un espace rectangulaire dont les dimensions étaient les suivantes : huit pieds de hauteur, quarante-huit pieds de longueur, vingt-quatre pieds de largeur, ces deux dernières mesures étant approximatives.
Le logement est situé à l’étage de la pharmacie Gareau et Lemieux, au coin de la 1 re Rue et de la 5 e Avenue à Iberville, au Québec. J’ai accès au monde extérieur par deux escaliers, donnant sur l’une et sur l’autre des artères principales de la ville. La 1 re Rue et son prolongement, le chemin des Patriotes, longent paresseusement le Richelieu jusqu’à Sorel, au Saint-Laurent, à l’Atlantique et à Paris. La 5 e Avenue est une rivière en crue qui, venue du pont Gouin, coule de Saint-Jean jusqu’aux États-Unis, charriant automobiles, motocyclettes et camions.
Le logement est percé de fenêtres par lesquelles j’observe le passage des nuages, des véhicules et des saisons. Vers l’âge de trois ans, je me signale en taillant à l’aide de ciseaux une lucarne dans le rideau que ma mère vient d’installer devant la fenêtre qui donne sur la station de taxis et le restaurant Chez Mickey. Soumis à la question, je déclare : « Ben, je voulais voir. » Je sais qu’il suffisait de soulever le rideau. J’ai préféré protester en me taillant une vue, ma vue, sur l’univers.
D’après la légende, ma mère ne m’a pas chicané.
Dans le quintuplex des enfants Lemieux, j’occupe aussi l’étage. Au-dessus, un frère, une sœur, un frère. Au rez-de-chaussée, une petite sœur qui me rejoint à peu près au moment où je découpe les rideaux.
J’ai peu de souvenirs de ces premières années. Je dois certainement m’ennuyer ou ennuyer mon entourage puisqu’on m’inscrit à cinq ans et demi dans la classe de première année d’un couvent de filles, question de me faire sauter une année. Mes parents, Paul mais surtout Jeanne, issus de la classe moyenne de Montréal, poussent leurs enfants vers les études. La réussite scolaire n’est pas exigée de façon explicite, elle va de soi. Le logement au-dessus de la pharmacie constitue la chambre de combustion d’une fusée qui nous propulsera, aussi sûrement que celle qui a amené Tintin sur la Lune, vers l’orbite du savoir et de la reconnaissance sociale.
Entre l’école et la famille existe l’espace du jeu. Les deux escaliers nous donnent accès aux trottoirs, lieux dangereux, traversés de vrombissements, sillonnés par des étrangers, clients de la pharmacie, passagers de l’autobus Provincial qui nous mène deux fois par an, via Saint-Jean et Laprairie, à Montréal et à la rue Fabre, où trône dans sa berçante, entouré d’une garde de tantes, d’oncles, de cousins et de cousines, Nephtali, dit Pepère Lapierre, Zeus en personne. Petits, nous n’avons pas la permission de jouer sur les trottoirs. Nous avons plutôt accès, au bout d’un passage fermé par une clôture de bois, à la cour.
Ce bout de terrain, enserré par les deux murs de brique d’un immeuble à appartements, deux maisons et deux hangars, est moins vaste que le logement, mais il s’ouvre sur le ciel. Il est possible, avec beaucoup d’imagination, d’y jouer à la cachette. L’hiver, notre restaurateur de voisin, brave homme, consacre ses fins de soirée à y entretenir une patinoire. La surface glacée ne mesure pas plus de vingt pieds par dix. Les dernières années, nous y disposons de structures d’acier qui ressemblent à des buts et sur lesquelles il est déconseillé de se coller la langue quand il fait au-dessous de zéro.
L’apprentissage du patinage se fait sur le tas, Jeanne nous abandonnant sur la glace, avec les patins trop grands du frère de l’étage supérieur, et nous récupérant, morveux, meurtris et mortifiés, une ou deux heures plus tard. Je persévère, souvent en solitaire. Une fin d’après-midi, sous une neige fine, quand la lumière, rare au fond de ce puits, se retire tout à fait, j’éprouve un bonheur intense. J’ai trouvé le truc. Je peux patiner plusieurs secondes, des minutes, sans tomber sur le derrière. Je tourne, tourne et retourne, à