Le baluchon et le jupon
207 pages
Français

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Le baluchon et le jupon , livre ebook

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Description

Le 12 août 1889, Madeleine L., garde-barrière à Cressier, écrit à l’ambassadeur suisse à Paris une lettre le suppliant de lui renvoyer sa fille, Marguerite, arrivée dans la capitale française quelques jours plus tôt. Comme elle, des milliers de Suissesses sont parties pour la ville Lumière. En effet, entre 1880 et 1914, les Suissesses représentent l’une des principales populations féminines étrangères de la capitale. À rebours des clichés qui font de la Confédération helvétique un pays de cocagne, se dégage de cette étude une émigration oubliée aussi bien dans le pays de départ que dans le pays d’arrivée. Ces migrantes sont bien souvent domestiques, mais les sources révèlent que l’argument économique n’est pas la cause principale de cette migration. Celle-ci s’avère avant tout une affaire d’opportunité professionnelle ou d’une migration d’un type nouveau : les migrations gestationnelles, de quelques mois, qui ont pour but d’accoucher à Paris et d’échapper ainsi aux rumeurs qui entourent les grossesses naturelles. Par leurs itinéraires, ces femmes montrent qu’elles savent saisir ou provoquer des opportunités, dévoilant ainsi toute leur capacité à être actrices de leur destin. À Paris, les Suissesses se retrouvent au sein d’une colonie helvétique très bien organisée, consciente du regard que la population locale porte sur l’Autre et actrice de cette réputation. Au carrefour de plusieurs champs historiographiques (histoire de l’immigration, histoire des femmes, histoire du travail, histoire de la ville et enfin histoire de la Suisse), ce travail, soutenu par des sources originales, dévoile des destins jusqu’alors méconnus.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782889300792
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0165€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre

A NNE R OTHENBÜHLER







L E BALUCHON ET LE JUPON
L ES S UISSESSES À P ARIS , ITINÉRAIRES MIGRATOIRES ET PROFESSIONNELS (1880-1914)









É DITIONS A LPHIL -P RESSES UNIVERSITAIRES SUISSES
Copyright



© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2015 Case postale 5 2002 Neuchâtel 2 Suisse





www.alphil.ch

Alphil Diffusion
commande@alphil.ch

ISBN 978-2-88930-079-2

Ce livre a été publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique dans le cadre du projet pilote OAPEN-CH.

Illustration de couverture : Anker Albert, Junge Bäuerin nach rechts, im Hintergrund der Neuenburgersee, 1909. © SIK-ISEA, Zurich

Responsable d’édition : Inês Marques
R EMERCIEMENTS
M es premiers remerciements vont à mes directrices de thèse : Nadège Sougy pour son extrême sollicitude et ses précieux conseils lors des moments de doute et Marie-Claude Blanc-Chaléard pour m’avoir ouvert les portes de la recherche historique et pour m’avoir suivie, avec bienveillance, de la maîtrise au doctorat. Je tiens également à remercier Anne-Lise Head-König pour son aide attentive et Sylvie Schweitzer pour ses conseils.
Toute ma gratitude à L’Association Suisse des Femmes des Universités pour leur soutien et leur confiance.
Ce travail n’aurait pas été possible sans l’accueil, chaleureux et professionnel, des archives cantonales de Fribourg, de Genève, du Jura, de Neuchâtel, de Vaud, et du Valais.
Toute ma reconnaissance à M me Therrien, présidente de la Société Helvétique de Bienfaisance, pour sa confiance et son accueil, ainsi qu’à M me Laroche pour sa gentillesse et son aide. Une pensée pour M. Haab de l’École suisse internationale du français appliqué pour avoir exhumé des archives de la cave. Une pensée toute particulière à Sœur Ingrid, qui m’a ouvert, avec générosité, les archives des Diaconesses de Reuilly, à Versailles. J’associe à ces remerciements, M me Elsa Prétôt, pour son accueil et son soutien durant de nombreuses années.
Toute ma gratitude va à mes relecteurs pour leur patience et leur travail : Guillemette Sens-Israël et ma mère, Edith Rothenbühler. Merci à mes parents, Edith et Edgar Rothenbühler, je leur dois tant.
Enfin, merci à Richard pour les éclats de rire et nos voyages réels et imaginaires.
À Bérénice, petite Suissesse à Paris.
I NTRODUCTION GÉNÉRALE
«P aris approchait. On était entré sous une immense halle voûtée, faite de verre et d’acier ; quelques minutes plus tard, je m’étais trouvé immobilisé sur le trottoir qui est devant la gare de Lyon, sous la grande horloge . » 1
Ces mots, sans artifice, où l’impatience de la découverte se mêle à la peur de l’inconnu, sont ceux de Charles-Ferdinand Ramuz, célèbre écrivain suisse né à Lausanne en 1878, arrivé en 1900 dans la « Ville Lumière » pour y préparer une thèse de doctorat.
Ces mots, Julia, 25 ans, née dans un village du plateau jurassien, près de la cité de Porrentruy, aurait pu les prononcer, ou bien encore Jenny, sa compatriote de 19 ans, originaire de Genève, elles qui firent le grand voyage, ce glissement de la fidélité des communautés locales vers le détachement puis l’arrachement. Sans-grade et anonymes du long voyage, invisibles à plus d’un titre – femmes, domestiques et étrangères –, elles seront parmi les héroïnes de cette étude, de ce travail de recherche qui, comme la microhistoire, «  à “la geste des rois” préfère s’interroger sur ce qui a été tu, écarté ou simplement ignoré  » 2 . À la suite d’Alain Corbin quand il livre ses réflexions sur l’individu et «  l’atonie des existences ordinaires  » 3 , nous écrirons une « histoire d’en bas » où, dans les limites imparties par les sources, s’impose la notion historique de l’individu.
Ces femmes ont existé et l’état civil en témoigne. Nous tenterons de réparer hardiment une lacune réelle de l’histoire de l’immigration des Suissesses, celles parties à Paris entre 1880 et 1914, et de sortir du néant leur souvenir, noyé dans la masse des migrants de l’Europe entière arrivés en France pendant le dernier quart du XIX e  siècle.
1880-1914 : MOMENT CLÉ DANS L’HISTOIRE DES MIGRATIONS FÉMININES SUISSES
Siècle des migrations « blanches » selon Philippe Rygiel 4 , le XIX e  siècle voit déferler les grandes vagues migratoires qui poussent les Européens à quitter leur pays et à chercher ailleurs qui un travail, qui une vie meilleure.
Mais cette période est également un moment charnière dans l’histoire des migrations helvétiques : une émigration, majoritairement masculine et/ou familiale, s’intensifie en cette fin de siècle, tant à l’échelle mondiale avec de nombreux départs vers les Amériques ou l’Australie que sous la forme de migrations de proximité vers l’Italie, l’Allemagne ou la France. Ce dernier tiers du XIX e  siècle est également un moment majeur des migrations féminines helvétiques : c’est à partir de 1880 que s’effondre une migration présente depuis le début du siècle, celle des gouvernantes suisses partant pour la Russie.
Cependant, le moment d’étude choisi trouve également sa justification dans l’apparition des premiers recensements publiés tous les cinq ans par le département de la Seine 5 . Grâce à eux, l’on peut avoir un tableau précis de la présence des colonies étrangères à Paris, permettant non seulement une approche résolument comparative entre les différentes nationalités, mais également une lecture sexuée de leur répartition spatiale, à l’échelle du quartier. L’année 1891 offre également la possibilité d’analyser les professions par nationalité et par quartier, avec comme principale faiblesse des statistiques qui ne différencient pas les genres.
Le déclenchement de la Première Guerre mondiale est bien sûr un événement majeur. Les déclarations de guerre provoquent en 1914 la fermeture des frontières et un raidissement des États, la Suisse ne faisant pas exception. Certains ressortissants choisissent de rentrer et la colonie helvétique à l’étranger en ressort diminuée. Autre conséquence de la guerre : la Suisse achève alors sa mutation industrielle et tout est fait pour limiter l’émigration, alors qu’elle avait été jusqu’alors sinon forcée, du moins fortement encouragée par certains cantons. Plus que jamais, les élites cherchent à retenir les migrantes, ce qui explique la chute importante des ­migrations féminines vers Paris à la fin du conflit mondial. Deux raisons à cette évolution : l’accentuation des disparités salariales entre la France et la Confédération, au profit de cette dernière, mais aussi les nouvelles opportunités de travail en Suisse qui s’affirment alors.
La dernière partie du XIX e  siècle est également cruciale pour l’évolution de la condition féminine européenne. Renvoyées dans la sphère privée par la Révolution française et, surtout, par la mise en place du Code civil en 1804 qui consacre leur infériorité, les femmes ont été corsetées dans un système de valeurs qui porte au pinacle la bonne mère et l’épouse attentive. Le travail féminin est certes toléré, mais seulement comme apport secondaire pour aider le ménage et certainement pas comme un facteur d’indépendance. Les années 1850 voient « l’éveil de la liberté », selon l’expression de Michèle Riot-Sarcey 6 , avec l’apparition des premières associations féministes en France et la construction du féminisme protestant incarné par Joséphine Butler ou Émilie de Morsier 7 en Suisse. Ces mouvements ne concernent certes qu’une élite, mais des changements touchent aussi les couches populaires et les vingt dernières années du XIX e  siècle constituent également un moment charnière dans le domaine de l’éducation des femmes en Suisse. En effet, c’est à cette époque que s’ouvrent les premières écoles ménagères chargées d’apprendre aux jeunes filles à tenir un mé

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