Encore un enfant ?
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Encore un enfant ? , livre ebook

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Description

Des enfants, Siffreine et Fabrice Hadjadj en ont eu neuf, avec une inconscience telle qu’elle paraît friser le surnaturel. Aussi les accuse-t-on d’activer le "suicide de la planète" et de "ne pas penser aux générations futures", car y penser, bien entendu, c’est éviter de les faire naître. Jusqu’ici l’auteur répondait en aggravant son cas : "Dès le premier enfant, nous étions complètement dépassés... C’est pourquoi nous nous sommes dit que nous pouvions en avoir d’autres..." L’éditeur l’a enjoint d’étoffer son argumentation. Voilà pourquoi il s’explique, dans les deux sens du terme : querelle et éclaircissement.

Dans une première partie, il a une explication avec ses détracteurs, et s’abaisse jusqu’à considérer la démographie, son empreinte carbone familiale, la "pilule d’or" selon sœur Sourire et le "suicide occidental" selon Michel Houellebecq…

Dans une seconde partie, non plus diatribe, mais essai, il ose expliquer que le problème renvoie à une question beaucoup plus radicale : "Pourquoi donner la vie à mortel ?" C’est un peu comme si, après la course, il se tirait une balle dans le pied. Comment en aurait-il été autrement ? Ses éclaircissements ne pouvaient que le reconduire au mystère de la vie, dans sa gratuité dramatique, oscillant sans cesse entre l’aberration et la grâce.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 mars 2022
Nombre de lectures 1
EAN13 9782728932726
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

­Chatov marmonnait des mots sans lien, brumeux, exaltés. ­­C’était comme quelque chose qui remuait dans son esprit, et qui, de soi-même, sans ­qu’il le veuille en rien, ­s’épanchait de son âme.
— ­Il y avait deux êtres, et, ­d’un seul coup, un troisième, une nouvelle âme, complète, achevée, comme pas une main humaine ­n’est capable ­d’en former ; une nouvelle pensée, un nouvel amour, ça fait peur, même… ­Et il ­n’y a rien au monde de plus haut !
— ­Hou là là ! les grandes orgues ! ­Tout simplement, la suite du développement ­d’un organisme, et il ­n’y a rien, là-­dedans, aucun mystère, riait sincèrement et joyeusement la sage-femme ­Arina ­Prokhorovna. ­À ce train-là, ­n’importe quelle mouche est un mystère. ­Seulement, voilà : il y a des gens qui ne devraient pas naître. ­­D’abord, reforgez tout, pour que personne ne se retrouve en trop, et après ça, mettez-les au monde. ­Sinon, celui-là, après-demain, il faut le mettre à ­l’hospice…
­Dostoïevski , ­Les ­Démons, ­I­I­I, 5, ­V­I.
À nos parents
qui nous ont bien eus
­À nos enfants
que nous avons bien eus
Avant-propos
Encore un livre
« Encore un enfant ? » Je ne suis pas certain que cela puisse être dit sur le même ton que : « Encore un verre ? » Bien sûr, il ne faudrait pas sous-estimer cette dernière question. Les campagnes de sécurité routière nous ont familiarisés avec sa gravité. Prendre le volant après avoir pris un verre de trop peut mettre en péril votre vie ainsi que celle ­d’autrui (presque autant que prendre soin de votre grand-mère sans masque FFP2). Il ­n’en reste pas moins que les intonations apéritives ou digestives sur lesquelles on prononce : « Encore un petit… pour la route ? » ne seraient pas forcément bien reçues ­d’une femme à qui ­l’on suggère de devenir mère à nouveau, et pas seulement à cause des campagnes de sécurité planétaire.
Pour mieux indiquer le ton juste, nous aurions pu aligner la littérature sur ce que la bande dessinée ­autorise, et ponctuer ce titre avec trois sortes de points : ­d’interrogation, ­d’exclamation et de suspension… De fait, à partir de notre quatrième marmot, et peut-être avant, nous avons souvent entendu, ma femme et moi, des personnes bien intentionnées, qui se souciaient sincèrement de notre couple, ­s’exclamer : « Encore un enfant ?! » À partir du septième, ce furent même des catholiques, qui en avaient eu six ou moins, comme ­s’il y allait ­d’une compétition et ­qu’on eût dû nous disqualifier pour dopage.
La forme interrogative, en se doublant de ­l’exclamative, avait la tournure du reproche. Nous étions des inconscients. Ce que je ­n’osais contester. Au contraire, ­j’aggravais mon cas : « Comprenez-nous… Déjà, avec le premier, nous étions complètement ­dépassés… ­C’est pourquoi nous nous sommes dit que nous pouvions en avoir ­d’autres… »
Je ne suis même pas sûr que nous nous le soyons dit. Il ­n’y eut jamais entre nous de « projet parental ». Nous ­n’avons jamais visé la famille nombreuse. Nous nous sommes simplement étreints, sans inviter dans notre couche les laboratoires pharmaceutiques ni les industries du latex. Et nous étions trop désorganisés pour respecter la méthode Billings, bien que la glaire cervicale ­m’intéressât beaucoup.
Programme ou promesse ?
Vincent Morch, éditeur chez Mame, a estimé que cette justification était insuffisante. Les dénatalistes se faisaient de plus en plus nombreux (sans pour autant se multiplier eux-mêmes) – et de plus en plus déchaînés. Il ­m’a enjoint de me défendre davantage. Je ne me suis pas défendu, ou pas assez ; ­j’ai donc accepté de le faire. De là ce petit livre double. ­J’y ai repris et développé une conférence que ­j’avais donnée à Vérone, la ville de Roméo et Juliette, et dont je ­n’étais pas trop mécontent. ­J’y ai adjoint, en première partie, une diatribe, pour ne pas dire un pamphlet, puisque la meilleure défense est encore ­l’attaque.
Deux textes, donc, dans deux styles différents. Le premier très circonstancié, selon la loi du genre, sans notes en bas de page ; le second plus spéculatif, pour ne pas dire plus sérieux, où ­j’ai même ­l’air de me tirer une balle dans le pied après avoir pris les néomalthusiens en ligne de mire. On ne se refait pas. ­J’aime bien la bagarre, mais ­j’aime mieux le questionnement, plus spécialement cette bascule dans la réflexion où ­l’on ­n’y comprend tellement plus rien que ce questionnement tend à se changer en prière. Ainsi, après ­m’être attaché à défendre le fait ­d’avoir plusieurs enfants, je me demande ­s’il est bon ­d’en avoir même un seul. ­Qu’est-ce qui nous fonde, en effet, à engager ­l’aventure de la mortalité pour un autre ?
La promesse de Dieu à Abraham : Je te bénirai et multiplierai ta postérité, comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est sur le bord de la mer (Gn 22, 17), apparaît à beaucoup ­aujourd’hui comme la planification ­d’un attentat suicide. Les arguments ne sont pas dérisoires qui plaident en faveur ­d’une telle vision. Leur faiblesse, sans doute, est de penser en termes de planification et non de promesse, au point de confondre promesse et programme. Cette remarque nous emmène au-delà de la conjoncture actuelle. Il était donc nécessaire ­d’être plus radical que ­l’objection environnementale, et de creuser le problème à fond, comme on creuse une tombe, avec ­l’éventualité de tomber sur un trésor enfoui (­c’est ­l’exemple proverbial de ­l’heureux événement dans les textes de Thomas ­d’Aquin : Fodiens sepulcrum invenit thesaurum ) .
­J’en suis arrivé à la critique ­d’une morale fondée exclusivement sur le calcul et ­l’anticipation des conséquences. Je fus surtout obligé de quitter le champ éthique pour aller vers la philosophie de la nature et la métaphysique, et aboutir à cette affirmation ultra-nietzschéenne : notre chair est en avance sur notre esprit, notre rationalité doit accueillir ­l’élan de notre animalité pour être vraiment rigoureuse. Toutefois, pour que cet accueil puisse ­s’opérer sans aveuglement « vitaliste », il convient ­d’admettre que notre animalité est très spirituelle ( ­L’âne connaît la crèche de son maître, alors ­qu’Israël ne connaît rien – Is 1, 3 ), et ­qu’en elle la promesse de la vie ­n’est pas tout à fait vaine. Par conséquent, le surnaturel (espérer) nous est nécessaire pour accomplir lucidement ce ­qu’il y a de plus naturel pour les autres vivants (engendrer). Enfin, vous verrez bien…
Faire, avoir, procréer, enfanter… un enfant
Le titre a quelque temps fait débat. De façon provisoire, la maison ­d’édition lança dans ses tuyaux un ­ Pourquoi continuer à faire des enfants ? ­J’y fus tout de suite hostile, notamment à cause des deux verbes. ­C’est au reste curieux : nous semblons ne pas disposer du vocabulaire adéquat pour exprimer la chose la plus ordinaire et la plus vivante. On parle de faire ou ­d’avoir, là où il ne ­s’agit ni ­d’avoir ni de faire à strictement parler.
Le verbe glissant vers son sens propre, on finit par faire des enfants comme on fait la cuisine, un livre ou des affaires, ­c’est-à-dire comme ce ­qu’on pourrait aussi bien choisir de ne pas faire du tout (en raison des affaires, du livre ou de la cuisine). Le problème ­n’est pas ­d’hier. Il date de la plus haute antiquité. ­L’enfant, en grec, se dit teknon, de même racine que teknè, la technique. Les Anciens confessaient par là une propension à ­l’eugénisme.

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