Gratry - Sa philosophie
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Gratry - Sa philosophie , livre ebook

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Description

Depuis Lamennais, dans les cinquante dernières années du XIXe siècle, la philosophie chrétienne n’a pas eu, en France, de représentant plus distingué que Gratry. Son œuvre est très complète, puisqu’elle traite de toutes les questions qui sont l’objet de cette science : Dieu, l’homme et le monde, avec les rapports qui relient ces trois termes des choses. Elle est suffisamment connue, et nous ne voulons pas en donner ici une analyse détaillée.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346072293
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Jean-Antoine At
Gratry
Sa philosophie
GRATRY
SA PHILOSOPHIE
Depuis Lamennais, dans les cinquante dernières années du XIX e siècle, la philosophie chrétienne n’a pas eu, en France, de représentant plus distingué que Gratry. Son œuvre est très complète, puisqu’elle traite de toutes les questions qui sont l’objet de cette science : Dieu, l’homme et le monde, avec les rapports qui relient ces trois termes des choses. Elle est suffisamment connue, et nous ne voulons pas en donner ici une analyse détaillée. Mais elle présente un certain nombre de caractères, qui en font une œuvre originale et personnelle.
Ce sont ces caractères que nous nous proposons d’exposer dans cette étude.

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Premier caractère : l’intégralité
L’intégralité, qu’on pourrait appeler encore « le principe de continuité », Gratry la formule dans cette pensée, qu’il répète souvent : « Chercher la vérité avec l’âme tout entière ». On devine de suite une réaction heureuse contre un préjugé de la philosophie moderne, devenue séparatiste et fragmentaire, qui demande la vérité à tel critérium ou à tel autre, évitant par système de former le faisceau de tous ces critériums, qui représentent les forces de l’âme humaine réunies. Ainsi le matérialiste ne croit qu’aux sens ; l’idéaliste et l’ontologiste à la raison pure, le moraliste à la raison pratique, le subjectiviste au sens intime, le fidéiste à la tradition ou au consentement unanime des peuples. Or, l’exclusivisme est une des sources les plus fécondes des erreurs qui déshonorent la philosophie, et la compromettent aux yeux d’un grand nombre d’hommes. Un trait commun à toutes ces écoles — une seule exceptée — c’est l’exclusion systématique donnée à la religion en matière de philosophie.

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Gratry rompt en visière avec cette fausse méthode ; non seulement il additionne dans sa philosophie les lumières de la foi avec celles de la raison — ce qui n’étonne personne — mais il évite l’isolement des facultés de l’âme, qu’il fait conspirer ensemble pour découvrir la vérité, en se prêtant un mutuel appui : la raison individuelle, la tradition, l’entendement, la volonté, l’imagination, l’amour marchent de front dans sa méthode. Peut-être a-t-il poussé un peu loin l’unité des forces de l’âme en prêtant à certaines de ses facultés des fonctions qui ne leur appartiennent pas, comme nous verrons un peu plus loin.

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Chercher la vérité avec l’âme tout entière c’est le procédé de la nature. Dans l’acte externe, quoiqu’on ne voie qu’avec les yeux, qu’on n’entende qu’avec les oreilles, qu’on ne touche qu’avec les mains, qu’on ne marche qu’avec les pieds, tous les sens s’entr’aident, et concourent directement ou indirectement à l’accomplissement de l’acte. L’acte interne est soumis à la même loi. Ce procédé en philosophie fut suivi dans l’antiquité par les écoles qui se rapprochèrent le plus de la vérité, sans éviter des erreurs lamentables. Pour les Grecs, les pères de la philosophie considérée comme science, on peut se fier au témoignage de Cousin, peu suspect en cette matière, lui, séparatiste forcené : « Dans les poètes, la religion est au service de l’imagination ; dans les philosophies, elle se laissait en quelque sorte exploiter par la raison et la science, qui mettaient à contribution les traditions, et y puisaient avec respect et indépendance » 1 . Non seulement les traditions humaines, mais la religion proprement dite, les mystères étaient mis à contribution par les chefs des écoles. « Platon, dans l’antiquité, est le dernier artiste philosophique 2 . » Mais dans Le Phèdre, « le grand artiste est à son début ; la fusion de la religion et de la philosophie par l’art est encore mal opérée. La religion occupe trop de place, et les idées philosophiques, trop mêlées aux formes religieuses, manquent de lucidité 3 . » Cousin est encore plus explicite en analysant le commentaire du Phédon par Olympiodore : « Platon aborde cette question (le suicide) et il la résout par des arguments empruntés à la raison, et aussi en se référant à la religion et aux maximes enseignées dans les mystères 4  ». Et encore : « Platon, dans le passage en question, en appelle à l’autorité des mystères. Olympiodore nous apprend que les mystères étaient ceux d’Orphée 5  ». Inutile d’ajouter que Cousin en était scandalisé, et qu’à son avis le divin Platon retardait. Lui devait changer tout cela.

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Chez les Romains, Cicéron, héritier des traditions de l’Académie, les continue dans ses traités philosophiques. On peut s’en convaincre en parcourant le De natura Deorum, et les deux appendices : De divinatione  —  De fato. Dans le dernier de ces deux appendices, Cicéron défend le « surnaturel », c’est-à-dire les prodiges de la divination et autres, ce que nous appelons « miracles » dans la langue chrétienne. A l’appui de sa thèse il cite l’autorité des peuples, des philosophes et des poètes ; il tire un argument des attributs de Dieu. Qu’importe pour la question que les prodiges de la divination fussent diaboliques 6  ?
Dans la I re Tusculane, il disserte sur la mort et sur l’immortalité de l’âme. Il invoque en faveur de son sentiment — qui était le bon — l’autorité de toute l’antiquité 7 . Dans l’épilogue, il atteste les dieux, qui ont enseigné aux hommes la doctrine de la survivance des âmes, et le témoignage des héros morts pour la patrie. En somme, Cicéron se montre ici autant théologien que philosophe ; et il demeure un tenant de la méthode intégrale : « Chercher la vérité avec l’âme tout entière ». Quand on sait l’influence de la méthode en philosophie, on s’explique pourquoi ce païen illustre a émis tant de vérités traditionnelles, que les Pères de l’Eglise ont pu dégager des ronces qui les enveloppaient.

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Il est presque inutile de citer l’école d’Alexandrie. Elle excella dans les amalgames, où les éléments les plus antagonistes étaient étonnés de se rencontrer. Elle débuta par l’éclectisme — qui ne fut mené à bien que par Clément d’Alexandrie et par ses disciples — et s’abîma dans un syncrétisme hideux, d’où l’harmonie était exclue en réalité, malgré la prétention de ses maîtres à l’unité : à moins d’y chercher l’harmonie du cahos, deux mots qui hurlent l’un à côté de l’autre. Depuis les jours de Protagoras et d’Hippias, aucune philosophie ne se rapprocha davantage de la doctrine de l’identité des contraires.

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