Le culte des Musées
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Description

Comme jamais auparavant, le musée s’est popularisé, partout à travers le monde. Du temple réservé aux initiés il y a encore cinquante ans, il s’est largement ouvert à la société et se définit maintenant à partir du rôle qu’il peut jouer en son sein. Alors que les enjeux économiques se sont immiscés dans le débat, la notion même de patrimoine (industriel, naturel, immatériel...) se déploie dans des perspectives totalement inédites.

Partant d’une recherche sur l’histoire de l’institution et d'une observation constante de ces lieux depuis de nombreuses années, l’auteur s’interroge sur les similitudes que l’on peut observer entre la fréquentation des musées et celle des églises ou des temples : similarité de l’architecture, expérience initiatique, chemins de pèlerinage, rapport au sacré... Quels liens le musée entretient-il avec le religieux ? Existerait-il une religion spécifique, dont le musée serait le seul lieu de culte ?

François Mairesse est Professeur d’économie de la culture et de muséologie à l’Université de Paris 3 – Sorbonne nouvelle. Il est rattaché au Centre de recherche sur les liens sociaux et enseigne également la muséologie à l’École du Louvre. Ancien directeur du Musée royal de Mariemont (Belgique), il est président du comité international pour la muséologie du Conseil international des musées (ICOM). Ses recherches portent sur la définition de la muséologie et l’exploration des frontières du champ muséal, la gestion des musées et, notamment, la logique du don. Il a été élu membre de la Classe Technologie et Société de l’Académie royale de Belgique en 2009.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 14
EAN13 9782803103980
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE CULTE DES MUSÉES
François Mairesse
Le culte des musées
Académie royale de Belgique
rue Ducale, 1 - 1000 Bruxelles, Belgique
www.academieroyale.be
Informations concernant la version numérique
ISBN : 978-2-8031-0398-0

© 2012, Académie royale de Belgique
Collection L’Académie en poche
Sous la responsabilité académique de Véronique Dehant
Volume 34
Diffusion
Académie royale de Belgique
www.academie-editions.be
Crédits
Conception et réalisation : Grégory Van Aelbrouck, Laurent Hansen, Académie royale de Belgique
Illustration de couverture : Montage, Académie royale de Belgique
Publié en collaboration avec
Bebooks - Editions numériques
Quai Bonaparte, 1 (boîte 11) - 4020 Liège (Belgique)
info@bebooks.be
www.bebooks.be

Informations concernant la version numérique
ISBN 978-2-87569-135-4

A propos
Bebooks est une maison d’édition contemporaine, intégrant l’ensemble des supports et canaux dans ses projets éditoriaux. Exclusivement numérique, elle propose des ouvrages pour la plupart des liseuses, ainsi que des versions imprimées à la demande.
Introduction
C’est une curieuse pratique qui s’est répandue au sein de notre monde actuel. Son origine est ancienne ; elle semble avoir pris son envol il y a environ un quart de millénaire, mais elle n’a jamais connu une expansion aussi remarquable que ces dernières années.
Le phénomène de la visite des musées a bien changé au cours des siècles ; cette pratique qui de nos jours est ouverte au plus grand nombre diffère largement de celle que l’on pouvait encore observer il y a cinquante ans dans la plupart de ces établissements. Le musée est devenu populaire : près de soixante millions de visiteurs se pressent dans les 1 218 musées de France et des statistiques comparables peuvent être observées partout dans le monde. On peut s’interroger sur les raisons qui poussent une si grande part de la population à pousser les portes de ces établissements. Nombreux sont ceux qui ont interrogé leurs publics, questionnant leur niveau social, observant leurs déplacements à travers les salles, mesurant leur temps d’arrêt devant les objets ou testant les connaissances acquises… La littérature sur les visiteurs de musée, en l’espace de quelques décennies, s’est très largement développée, au point d’atteindre plusieurs milliers de références 1 . Mon propos n’entre pas dans cette catégorie d’études. À partir d’une recherche sur l’histoire de l’institution et une observation constante de ces lieux depuis de nombreuses années, je m’interroge ici sur les similitudes que l’on peut observer entre la fréquentation des musées et celle des églises ou des temples. Un tel parallélisme n’est guère original. Tout observateur avisé aura déjà remarqué la similarité de l’architecture de nombre de musées avec d’autres établissements cultuels (temples ou églises). Wallach et Duncan, dans un article célèbre – Le Musée d’art moderne de New York comme dernier rite du capitalisme tardif 2 – évoquaient déjà, au cours des années 1970, l’expérience quasiment initiatique que le profane était amené à effectuer à travers le labyrinthe des salles avant de pouvoir apprécier la quintessence de l’art moderne, à l’époque les tableaux de Pollock. On retrouve cette même idée du sacré et du pèlerinage chez Jean Clair 3 , évoquant les foules qui se pressent dans les expositions ainsi que le tourisme muséal qui s’est développé de manière si importante ces dernières années.
L’un des textes les plus remarquables conduisant à de tels rapprochements est celui d’Aloïs Riegl, Le culte moderne des monuments (1903), décrivant les transformations du patrimoine à la fin du XIX e siècle 4 . Dans cet ouvrage, Riegl s’attarde essentiellement sur les monuments historiques dont il avait accepté de présider la commission nationale autrichienne un an plus tôt, mais son analyse inclut également des témoignages mobiliers (chartes et autres documents), intégrant en quelque sorte le monde des musées. Quoi qu’il en soit, le « culte » que décrit (sans vraiment définir la notion) Riegl, diffère fondamentalement de celui que nous connaissons de nos jours. Car s’il est aisé pour l’historien de l’art viennois de souligner la tendance, tout au long du XIX e siècle, à s’assurer de la préservation des monuments et à valoriser la notion de patrimoine, le culte de la préservation et les valeurs qui lui sont associées (valeur de document, valeur artistique, valeur d’ancienneté) ne semblent plus réellement constituer le principal enjeu du musée – dont le périmètre d’activité s’est fortement élargi à notre époque, intégrant aussi bien les centres de science que les musées de société. La relation entre le musée et ses visiteurs s’est radicalement transformée au cours du XX e siècle : le musée qui semble avoir longtemps dédaigné le peuple, au profit d’un public de professionnels ou de spécialistes, s’est largement ouvert à la société et se définit maintenant à partir du rôle qu’il peut jouer en son sein. Les enjeux économiques se sont immiscés dans le débat, tandis que la notion même de patrimoine (industriel, naturel, immatériel…) se déploie dans des proportions inenvisageables avant la Première Guerre mondiale.
La question du culte patrimonial peut être posée ; je voudrais me restreindre à celle des musées, à première vue plus précise. À première vue seulement, car le champ muséal, s’il embrasse essentiellement la notion de patrimoine mobilier, s’inscrit quant à lui dans un ensemble de fonctions plus vaste dont la préservation patrimoniale, chère à Riegl, ne constitue que l’un des aspects. Le musée, pendant longtemps, se présente comme lieu de recherche (ce que demeurent souvent, prioritairement, les grands muséums), puis de plus en plus, comme un lieu de communication, un média à part entière destiné à un public toujours plus large, composé notamment par des touristes venus du monde entier. Ces derniers, sans le vouloir, bouleversent le regard que peuvent avoir nombre de décideurs sur l’institution, qui voient dans leur venue une source de revenus potentiels et dans l’institution un outil économique, contribuant aux politiques de développement local tant à l’échelle interne (la ville créative) qu’externe (le tourisme culturel).
Si ce questionnement n’apparaît donc pas comme original, il mérite cependant d’être poursuivi : l’idée d’un culte du musée ne constitue-t-elle qu’une figure de style, ou peut-on réellement y déceler une pratique liée à un système de croyances spécifique ? La notion-même de culte, si elle est parfois évoquée pour le musée, a par ailleurs rarement été précisée. On la sait proche des notions de rituel, de liturgie et de religion ; comment ces notions s’articulent-elles dans le cas qui nous intéresse ? Je m’attacherai ainsi, dans les deux premiers chapitres, à décrire le dispositif muséal et la pratique du musée comme pourrait le faire un ethnologue confronté à un culte et à ses rites. La question du culte ou plus largement du rituel déborde cependant largement le plan religieux, on l’évoque dans le sport ou autour de certaines personnalités (stars, politiques), mais aussi en psychologie, à partir des rituels plus ou moins compulsifs, notamment fétichistes, que nous développons dans nombre d’aspects de notre vie quotidienne. Si le lien entre le musée, le fétichisme et le collectionnisme n’est plus à établir 5 , la question qui demeure en suspens porte sur les liens au religieux, voire à l’existence d’une religion spécifique dont le musée serait le lieu de culte ; idée apparemment incongrue que je me proposerai, dans le troisième chapitre, d’interroger à partir des liens entre musée et religion.
Chapitre 1
Le culte du musée : objet, lieux, participants
Si, a priori , la notion de culte semble aisée à circonscrire, il demeure nécessaire de la comprendre dans ses relations avec d’autres notions qui l’accompagnent, comme celles de rite et de liturgie. Il convient également de préciser ce que l’on entend ici par « musée ». La définition la plus courante est celle donnée en 2007 par le Conseil international des musées : « une institution permanente sans but lucratif au service de la socié

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