Lectures bibliques
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Lectures bibliques , livre ebook

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Description

« La Bible a été mon premier texte. Sa langue est ma langue. Elle m’a nourri et plus tard elle a nourri toute mon œuvre. Je donne ici des exemples de l’usage que j’en ai fait depuis une quarantaine d’années. Je tente d’éclairer les acuités symboliques de ce livre immense : elles vont au-delà de ce que je pense des religions, elles concernent une façon d’être et de penser. » D. S. De la Genèse à la Sortie d’Égypte, en passant par Caïn et Abel, Noé, Abraham, Moïse, Jonas ou Job, les grandes figures, les grands épisodes de la Bible décryptés par le regard à la fois personnel et érudit du psychanalyste. Introduction à la pensée et à la démarche originales de Daniel Sibony, cet ouvrage est aussi une invitation à une lecture réfléchie de ce pilier de notre culture qu’est la Bible. Daniel Sibony est psychanalyste. Il a publié une trentaine de livres, parmi lesquels Don de soi ou partage de soi ? Le drame Levinas.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 octobre 2006
Nombre de lectures 10
EAN13 9782738188595
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DANIEL SIBONY
LECTURES BIBLIQUES
Premières approches
 
© Odile Jacob, octobre 2006 15, rue Soufflot, 75005 Paris
ISBN : 978-2-7381-8859-5
www.odilejacob.fr
Table

Introduction
I. CRÉATION DU MONDE
1. Genèse
2. Adam
3. Où (en) es-tu ?
4. Ève, la « première » femme
5. Caïn – Abel
6. Le poète tueur
7. Noah
8. Babel
II. RACINES D’ISRAËL
1. Abraham
2. Isaac
3. Jacob
4. Joseph
III. CRÉATION D’UN PEUPLE
1. Moïse et la Sortie d’Égypte
2. Les Dix Paroles* Nous avons repris le texte des Trois Monothéismes, car c’est une « lecture biblique » qui a plus sa place ici que dans un livre sur les religions.
3. Repenser la Loi
4. Autres lois essentielles
5. La révolte de Qoré « Qu’a-t-il de plus que nous ? »
6. Autres effets symboliques
7. Le Temple portatif ou la Tente du Rendez-vous
IV. L’ÊTRE DIVIN
Chapitre 3
V. L’ÉPREUVE DU PARTAGE D’ÊTRE
Jonas
I. Transmettre ce qu’on n’a pas
II. L’effet Jonas : un remède à la jalousie ?
VI. LA RUPTURE DE CAUSALITÉ
Job. I
II
III
VII. ANATOMIE D’UN MIRACLE
Esther
VIII. DÉCRYPTER L’OUBLI DU RÊVE
Daniel
En guise de pause
ANNEXES
1. La passion de Rachi
2. L’étude
3. L’Autre-lumière et l’arc-en-ciel
Introduction
 
Que la question du divin « travaille » nos contemporains, même – et surtout – les incroyants, est clair. La Bible y joue un rôle bizarre, d’attrait et de rejet. Le fait que le Coran s’en soit mêlé depuis peu, sur le marché occidental où il n’était pas arrivé, ne gâche rien ; même pour ceux qui ne découvrent que grâce à lui les thèmes bibliques – qu’ils ignoraient 1 . Mais restons-en à la Bible, au Livre hébreu ; c’est le plus vieux monument vivant , on en parle et on en lit des bribes depuis près de trente siècles, sous des formes variées. (Y compris sous les formes chrétiennes ou islamiques qui s’y réfèrent si souvent 2 …)
Que peut-on faire aujourd’hui de cette Bible écrite en hébreu 3  ? Or on la lit, on en parle, que l’on soit religieux ou pas ; car elle parle à beaucoup. Elle en agace aussi plus d’un. Je reçois des lettres de lecteurs qui questionnent : « Et la loi du talion,  il pour  il ?, comment l’entendez-vous ? Faut-il crever un  il ? » « Et l’homosexuel, faut-il le tuer ? le “retrancher” de son peuple ? » « Et celui qui viole le shabbat, faut-il l’éliminer ? » Parfois on y met plus d’humour : « De quelle façon dois-je tuer mon voisin qui est dans ce cas ? par lapidation ? ou par le feu ? » Questions piquantes, perverses ou naïves – c’est souvent la même chose. On s’en doute, les lois bibliques sont plus faites pour être pensées, interprétées, que pour être appliquées mot à mot. Pourtant certaines sont increvables, comme celles des Dix « Commandements » : « Ne convoite pas » ; ou « Marque un jour d’arrêt » (appelé shabbat, dans la religion) ; « Respecte tes parents 4  »… Mais des pans entiers de cette Bible nous sont devenus opaques : que signifie tel sacrifice ? Pourquoi un taureau et un bélier ? Pourquoi brûler tout un taureau et au contraire découper le bélier avant… de le brûler tout entier ? Pourquoi un handicapé ne doit-il pas toucher l’autel de sacrifices et doit-il en passer par le prêtre ? Que signifie l’interdit de se venger, alors que la Bible semble bien décidée à venger l’injustice ? Que peut signifier pour nous cet appel : « Celui qui troue [qui maudit] le nom de YHVH ( hwhy ) de mort mourra » ?
Ce flot foisonnant d’appels semble tracer des lignes de vie, lignes de possibles et d’impossibles à vivre. À l’origine, ces traces archaïques étaient des actes réels, physiques : tuer les contrevenants faisait partie du pointage de la faute. Mais aujourd’hui, cette idée inscrite dans la mémoire se transmet sous une forme bizarrement simple : ceux qui piétinent ces appels, qui méritaient qu’on les tue, se « tuent » eux-mêmes à leur façon en piétinant leur vie.
Le Texte biblique est essentiel comme connaissance sur les religions – celle que fonde la Torah dont tant d’autres ont dérivé –, mais surtout comme potentiel symbolique , qui concerne aussi les non-religieux : il a transmis jusqu’à eux ses effets singuliers, effets de la parole sur les corps – personnels ou collectifs ; effets de lien et de liberté ; d’emprise et de distance. D’autres disciplines ont souligné ces effets symboliques (ethnologie, psychanalyse, psychothérapies variées) ; cela n’empêche pas, au contraire, de les retrouver ici à l’ uvre, depuis des millénaires, avec une précision inouïe. Mais voici un fait curieux : aujourd’hui, nul n’exprimerait publiquement un doute sur l’intérêt de tel rite africain ; j’ai vu des anthropologues citer avec minutie un texte fétichiste, bambara ou dogon, en même temps qu’ils citaient tel épisode biblique – cette fois avec un flou étrange, une ignorance bizarre, comme si la Bible faisant partie de leur « héritage », ils pouvaient la croire donnée, disponible sans effort, et la traiter négligemment, avec gêne, condescendance ou agacement : comme une affaire de famille qui viendrait perturber le travail rigoureux.
Bien sûr, la traduction fait problème ; mais il est insoluble, donc chacun va au Texte comme il peut. Ce livre-ci peut y aider ou même y inciter. Pour ma part, la Bible hébraïque a été mon premier Texte. Je la lis en hébreu depuis l’âge de 5 ans. Sa langue est ma langue (en même temps que l’arabe, ma langue maternelle, et avant le français puis d’autres langues). Ce Texte-langue m’a nourri, puis a nourri toute mon  uvre. Si je réfléchis sur un mot, ma mémoire me branche aussitôt sur son équivalent biblique, avec ses occurrences, ses variations, les orbites qu’il parcourt ; il m’en revient alors un souffle qui m’inspire, une lumière d’ailleurs.
Pour moi, le mot biblique est un lieu d’être et d’appel . Beaucoup de sens y habitent et passent par lui, mais c’est aussi une mémoire d’événements, de passages. Chaque mot a sa constellation, ses échos, sa nébuleuse, ses passerelles vers d’autres. Et chaque mot porte le poids énorme de ce qui s’est dit sur lui au fil des siècles. Bizarrement, cela le rend plus léger, plus mobile. Chaque lettre a son mot à dire dans le mot où elle prend place. Prenons par exemple cette parole de Léa, la première femme de Jacob, lorsqu’elle nomme son fils Juda ; elle dit : « Maintenant, je rends grâce à YHVH 5 . » Sans l’hébreu, on ne comprend pas cette phrase ; impossible de la faire passer dans une autre langue. Et c’est le cas pour toute parole qui touche le don des noms propres, si crucial dans la Bible puisque le nom est une force d’appel qui déclenche un destin. Pourtant, ce que dit Léa est très fort, il suffit d’écrire les deux mots :
Y – H – V – – H ( Yahvé )
Y – H – V – D – H ( Yéhudah )
pour voir qu’elle intercale dans les quatre lettres du nom divin la lettre D qu’elle a prise dans le verbe odéh (je remercie, je rends grâce). Donc elle bâtit ce nom Juda ( Yéhudah ) sur l’idée de « rendre grâce » à l’être divin. Ainsi Juda évoque celui qui remercie et reconnaît l’être divin. Y compris au sens d’être reconnaissant, car dans cette langue, dire merci c’est aussi reconnaître . Or on le sait, Juda est synonyme de traître dans la tradition chrétienne. (Comme, en outre, on ne sait rien sur l’existence historique de ce disciple de Jésus, rien n’empêche de penser qu’on lui a inventé ce nom pour commencer un travail millénaire : avilir ce peuple « judaïque » qui s’obstine à refuser la grâce – chrétienne – et à ignorer que sa Bible même annonçait ce Sauveur ; elle n’était même là que pour ça.) On a là presque un symbole de la différence entre une certaine lecture chrétienne 6 et d’autres lectures de la Bible, dont la nôtre.
Revenons aux mots. En un sens, chaque mot biblique est un poème, mais la Bible est bien plus qu’une poétique. Elle est pour nous comme une réplique de la psyché , dont elle déploie le fonctionnement – souverain et défait, triomphant et désespéré, sublime et abject… En un mot, vivant. La Bible est une Création , à tous les sens du terme, y compris contemporain. Et le monde qu’elle « crée » a tant de liens avec le nôtre, qu’il semble avoir sur lui un effet créateur, qu’il faudra élucider. On a là une parole qui crée, une création qui (se) parle et (se) met en acte ; à travers le moindre mot. Mais il en est qui foisonnent comme des passages obligés, c’est pourquoi j’en nommerai quelques-uns, pas plus de dix, dont la fréquence insiste, qui donnent déjà une idée des forces en jeu.
1. Le mot oui  : kén . Il s’active non seulement pour affirmer, de mainte façon, mais pour dire le lien causal ( `al ken  : c’est pourquoi ; ou la-khén ). Toutes les causalités et leurs cassures passent par là. Ce « oui » désigne l’affirmation fondamentale, le « faire exister » qui est le signe premier de l’être. Mais le même mot prononcé différemment ( kan ), veut dire ici  ; il affirme le lieu d’être, dans l’espace ou le temps. Le mot peut s’adjectiver : « Si vous êtes fiables ( kénim ) », dit Joseph à ses frères 7  : si ce que vous affirmez ne cache pas de refus sournois 8 …
2. Le mot tout  : kol . Il sert à définir des ensembles et des frontières, sur le mode : Tout homme qui fait ceci ou cela ; ou : toutes les fois que… C’est un opérateur d’extrêmes et de limites 9 . Il travaille très fort dans le Texte sans en faire, justement, un texte extrémiste. Car on le verra, l’énonciateur, YHVH, est un mais multiple, comme les effets de l’existence.
3. Le dire  : amar  ; le dire inspiré ou divin ; le dire des hommes qui est mis à l’épreuve d’être. La Bible est le Livre du Dire – qui jouit et souffre de ne pas se dire une fois pour toutes. S’y ajoute le mot davar (parole-chose), ce qui démultiplie l’acte de parole.
4. Fils et fille  : bén et bat . C’est le lien génératif  ; et constructif 10 . La Bible est le Livre de l’engendrement – où, malgré l’échec ou la ruine, il y a toujours un reste constructif. L’être divin s’active entre les époques et fait dans l’histoire des cassures et des liens, presque en même temps.
5. Faire  : assah . C’est un mot

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