Le mystère du château de Chamblas
212 pages
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Description

Pierre Bouchardon (1870-1950)



"On dînait tôt au Puy en 1840. Le mardi 1er septembre, Jérôme Pugin, tailleur pour ecclésiastiques, et sa femme Victoire Vidal se mirent à table comme de coutume à cinq heures. Leur repas achevé, ils s’acheminèrent par les rues en pente vers la vieille église des Templiers et poussèrent jusqu’au pont de la Borne, mais ils ne s’y attardèrent guère, car le froid commençait à se faire sentir. L’automne s’annonçait précoce, et, ce soir-là, le vent soufflait avec violence dans les gorges de montagnes qui encerclent la capitale du Velay. Ils revinrent à petits pas, pendant que le jour baissait. Les marchands de chapelets et d’images de la Vierge Noire rentraient les vitrines accrochées dehors, mettaient les volets de leurs boutiques, et, de toute part, les promeneurs se rapprochaient frileusement de leurs logis.


La rue de l’Ancienne-Préfecture où demeuraient les Pugin est située dans la haute ville, au pied même de la cathédrale. Comme noyée dans l’ombre immense du magnifique édifice roman, elle en a le silence et le mystère. Jérôme et sa femme entraient chez eux par la rue Saint-Georges, mais leur appartement, en façade sur l’autre rue, faisait presque vis-à-vis au vieil hôtel de Chamblas. Ils verrouillèrent leur porte et, avant de se coucher, s’installèrent au premier derrière les croisillons de l’une de leurs fenêtres. C’est là, par excellence, le poste d’observation dans une ville de province. Tout en jetant de-ci de-là un coup d’œil dans la rue, ils s’occupèrent à confectionner des rabats de prêtres."



Affaire criminelle.


Le 1er septembre 1840, au château de Chamblas, alors qu'il prend son repas avec ses domestiques à la cuisine, M. de Marcellange est abattu. Son assassin a tiré à travers la fenêtre... Pourquoi et qui ?

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782384420308
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le mystère du château de Chamblas


Pierre Bouchardon


Février 2022
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-38442-030-8
Couverture : pastel de STEPH’
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 1028
Préface

J’ai connu dans mon enfance un ancien notaire et une vieille institutrice qui avaient assisté à tous les débats du procès de madame Lafarge. Tulle, où ils s’étaient rendus d’un département voisin, leur avait fait l’effet d’une ville en état de siège. De place, nulle part. Ils avaient dû se loger aux environs et parcourir à pied chaque matin les trois ou quatre kilomètres qui les séparaient du palais de justice. Je me souviens que l’un était « lafargiste » et l’autre « antilafargiste », mais j’étais trop jeune pour m’intéresser à leur controverse, d’ailleurs sans issue.
Un peu plus tard, un conseiller à la Cour d’appel de Riom me raconta l’histoire du crime de Chamblas. Il avait été procureur au Puy, quand le souvenir de l’affaire n’était pas éteint et que vivaient encore la plupart de ceux – magistrats, avocats – qui avaient joué un rôle au procès. Il possédait le don d’évocation et savait à merveille situer ce drame mystérieux dans le site sauvage qui lui servit de cadre. Il avait visité le château et s’était assis dans la cuisine, sous le manteau de la cheminée, à la place même qu’occupait M. de Marcellange à la seconde de sa mort.
Mes impressions furent si vives que j’en rêvai la nuit. Et puis, elles s’atténuèrent et elles sommeillaient dans mon cerveau, quand, l’an dernier, l’aimable et érudit procureur de Guéret les réveilla brusquement. Ayant longtemps habité le Velay dont il est originaire, M. Ravoux connaît les coins sombres de l’affaire et il a réuni une documentation dans laquelle il a bien voulu me permettre de puiser. J’ai eu la curiosité d’examiner ce vieux procès en « président d’assises ». C’est là l’origine de ce livre. Puisse-t-il garder à la lecture un peu de l’intérêt que j’ai trouvé à le composer !
I
Un bruit de porte dans la nuit

On dînait tôt au Puy en 1840. Le mardi 1 er septembre, Jérôme Pugin, tailleur pour ecclésiastiques, et sa femme Victoire Vidal se mirent à table comme de coutume à cinq heures. Leur repas achevé, ils s’acheminèrent par les rues en pente vers la vieille église des Templiers et poussèrent jusqu’au pont de la Borne, mais ils ne s’y attardèrent guère, car le froid commençait à se faire sentir. L’automne s’annonçait précoce, et, ce soir-là, le vent soufflait avec violence dans les gorges de montagnes qui encerclent la capitale du Velay. Ils revinrent à petits pas, pendant que le jour baissait. Les marchands de chapelets et d’images de la Vierge Noire rentraient les vitrines accrochées dehors, mettaient les volets de leurs boutiques, et, de toute part, les promeneurs se rapprochaient frileusement de leurs logis.
La rue de l’Ancienne-Préfecture où demeuraient les Pugin est située dans la haute ville, au pied même de la cathédrale. Comme noyée dans l’ombre immense du magnifique édifice roman, elle en a le silence et le mystère. Jérôme et sa femme entraient chez eux par la rue Saint-Georges, mais leur appartement, en façade sur l’autre rue, faisait presque vis-à-vis au vieil hôtel de Chamblas. Ils verrouillèrent leur porte et, avant de se coucher, s’installèrent au premier derrière les croisillons de l’une de leurs fenêtres. C’est là, par excellence, le poste d’observation dans une ville de province. Tout en jetant de-ci de-là un coup d’œil dans la rue, ils s’occupèrent à confectionner des rabats de prêtres.
L’hôtel semblait endormi sous la garde de la tête de Méduse artistement sculptée dont s’enorgueillit la pierre de son fronton. Il servait alors de demeure à la comtesse de Larochenégly de Chamblas qui en était propriétaire et à sa fille madame de Marcellange. Un prêtre du Puy, Antoine Cartal, prenait logement chez ces dames, et trois domestiques complétaient la maison : d’abord la servante de l’abbé, Marion Roux, d’âge canonique, puis Jeanne-Marie Boudon et Jacques Besson, tous les deux au service de ces dames et bien plutôt traités en confidents qu’en simples valets.
L’abbé Cartal, qui ne sortit pas de la soirée, monta de bonne heure à son appartement. À huit heures, la porte de l’hôtel s’ouvrit devant madame de Marcellange qui allait retrouver sa mère chez sa tante, madame de Larochenégly, dans le salon de laquelle se rencontrait la société du Puy. On sait ce qu’étaient, il y a quatre-vingts ans, dans une préfecture lointaine, ces petits cénacles, très fermés d’ailleurs : bavardages, préjugés, mais en même temps, traditions et saine raison du pays. Les femmes apportaient leur ouvrage : des tricots, de la dentelle, des tapisseries à la main ; les hommes faisaient un boston ou un whist, ou bien, se groupant autour de la cheminée, devisaient de tout, c’est-à-dire de rien. Puis, les domestiques commençaient à arriver dans l’antichambre pour chercher leurs maîtres, et, au premier coup de neuf heures, c’était le grand remue-ménage du départ, qui cherchant sa canne, qui son manteau, qui sa lanterne.
Les braves Pugin, qui n’avaient pas quitté leur fenêtre, assistèrent au retour de madame de Chamblas et de sa fille. La comtesse passa hautaine et majestueuse, étonnamment jeune malgré ses cinquante-six ans bien sonnés, l’œil vif, les lèvres pincées, des boucles de cheveux du plus beau noir – artifice ou persistante jeunesse – dépassant sa capote de soie. Madame de Marcellange avait peine à la suivre, les pieds endoloris à la suite d’une variole récente. Elle ressemblait d’étrange façon à sa mère, mais la nature l’avait modelée d’une main moins délicate, et la maladie, en lui tuméfiant les lèvres, n’avait fait qu’accentuer sa disgrâce physique.
La porte cochère de l’hôtel se referma sur elles lourdement. Elle grinçait toujours très fort.
– Ces dames qui rentrent, observa Jérôme ! Comment se fait-il que Jacques Besson ne soit pas allé les attendre avec la lanterne ?
– Il dit qu’il ne peut marcher depuis sa petite vérole, répondit Victoire Vidal. Ma foi, il n’y paraît guère, car voilà plusieurs jours qu’il sort et va même jusqu’à la barrière de Vienne. Mais il ne veut pas être guéri et ne parle que de ses pieds. Il me semble que je l’entends : « Mes pauvres pieds ! Voyez, madame, leur plante s’est soulevée comme deux semelles et la peau de mes jambes se détache comme une écorce d’arbre. » À la fin, il m’ennuie et il ennuie tout le monde, ton Jacques Besson.
– N’empêche, reprit Jérôme, qu’il a été bien malade et que notre promenade de ce soir l’aurait exténué. Au fait, sais-tu ce que m’a appris quelqu’un de Saint-Étienne-Lardeyrol ? M. de Marcellange quitte le pays pour retourner dans le Bourbonnais. Il vient de donner à ferme le domaine de Chamblas. Au fond, je le comprends et je me mets à sa place. Quelle existence que la sienne depuis trois ans ! Sa belle-mère et sa femme, ici, faisant les grandes dames ! Lui relégué tout seul au château, comme un loup dans les bois. C’est cependant un bon homme, pas fier et bien obligeant pour le monde.
– Tout ça, c’est la faute de la comtesse, dit madame Pugin. Le jour où son gendre est allé la chercher à Lyon avec ses deux meilleurs chevaux, il aurait mieux fait de verser l’attelage dans un ravin. Car, tu te rappelles, il faisait bon ménage dans le temps avec sa femme...
– Enfin, leurs affaires ne nous regardent pas », conclut philosophiquement Jérôme ; et la conversation tomba sur cette réflexion qui en valait bien une autre :
« Comme le vent est fort ! Cette nuit, il fera meilleur chez soi que dans les bois de Chamblas. Ma parole ! On dirait que c’est déjà la burle qui souffle. »
Les Pugin se couchèrent. Des pas de promeneurs attardés résonnèrent encore sur le pavé de la rue. Un chien aboya dans le lointain. Dix heures sonnèrent au clocher de la cathédrale. Puis ce fut le silence. Le Puy dormait...
Il était un peu plus de minuit quand Jérôme se réveilla brusquement. Il s’était mis au lit avec un léger mal de dents, et la douleur, avivée par la fraîcheur de la nuit, devenait intolérable. Il se leva d’un bond et courut dans la maison à la recherche d’un moyen de fortune propre à le soulager. De son côté, sa femme s’ingénia à trouver quelque chose. Elle ouvrit maints tiroirs, fureta parmi les boîtes et les flacons. Finalement elle eut l’idée de confectionner une infusion de mauve et s’en vint déposer le pot tout bouillant sur la cheminée de la chambre. Jérôme Pugin se pencha au-dessus pour en aspirer les vapeurs. Tout près de lui, anxieuse, Victoire Vidal s’efforçait de lire sur son visage les effets du remède.
Soudain, un léger bruit leur fit dresser l’oreille. Quelqu’un venait de heurter la porte de l’hôtel de Chamblas. Ils se regardèrent, intrigués au plus haut point, et Jérôme en oublia son mal. S’ils n’eussent pas été tous les deux près de la cheminée, ils auraient pu distinguer la silhouette du visiteur nocturne, car leurs volets n’étaient pas clos. Celui-ci n’eut d’ailleurs pas à attendre. Comme s’il était guetté de l’intérieur, la porte s’ouvrit aussitôt et se referma avec un grand fracas.
Les gens de province ont l’oreille fine et l’observation aiguisée. Au seul bruit d’une porte, ils savent si celui qui rentre apporte la bonne humeur ou la préoccupation : « En voilà un qui est bien content d’être dedans », dit madame Pugin; et cette réflexion répondait si bien aux propres pensées de Jérôme qu’il garda le silence. Sa rage de dents se calmait. Tous les deux se recouchèrent et s’endormirent, sans que leur sommeil fût de nouveau troublé.
Ils ne se doutaient guère alors qu’à huit heures et demie du soir, M. de Marcellange avait rendu le dernier soupir au château de Chamblas, et qu’il pouvait y avoir un lien étroit entre sa mort et ce bruit de porte dans la nuit.
Qui donc alors était revenu ou avait demandé asile, passé minuit, le mercredi 2 septembre 1840, à l’hôtel de Chamblas ? La justice des hommes a essayé de le déterminer, mais la tête de Méduse, plusieurs fois centenaire, qui protège la vieille de

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