Un Homme peau noire peau rouge
69 pages
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Un Homme peau noire peau rouge , livre ebook

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Description

Le livre testament de Gérald Bloncourt
Gérald Bloncourt reprend la chronique des événements de 1946, ces moments intenses qui ont marqué sa vie. Il y porte un regard nostalgique et tendre. Ses amis de l’époque sont devenus des personnages un peu lointains. C’est son testament pour dire encore une fois son attachement inaltérable à sa terre d’Haïti.
Extrait
J’ai vécu longtemps (quatre-vingt-douze
ans) ayant été fidèle aux conceptions de liberté, d’égalité et de fraternité qui m’ont animé toute ma vie. Je suis, comme la plupart d’entre vous, meurtri par les violences, les inégalités, le racisme et la misère qui sévissent dans le monde. Je suis particulièrement fier d’être un transmetteur de mémoire des événements que j’ai vécus et de m’être rendu utile.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 novembre 2018
Nombre de lectures 37
EAN13 9782897126148
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mémoire d’encrier reconnaît l’aide financière du Gouvernement du Canada, par l’entremise du Conseil des Arts du Canada du Fonds du livre du Canada et du Gouvernement du Québec par le Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres, Gestion Sodec.
Mémoire d’encrier est diffusée et distribuée par : Diffusion Gallimard : Canada DG Diffusion : Europe Communication Plus : Haïti
Dépôt légal : 4 e trimestre 2018 © 2018 Mémoire d’encrier inc.
Toutes les oeuvres reproduites sont de Gérald Bloncourt Tous droits réservés
ISBN 978-2-89712-614-8 ND308.B56A2 2018 759.97294 C2018-942749-3
Corrections : Monique Moisan
Mise en page : Virginie Turcotte
Couverture : Étienne Bienvenu
MÉMOIRE D’ENCRIER
1260, rue Bélanger, bur. 201 • Montréal • Québec • H2S 1H9
Tél. : 514 989 1491
info@memoiredencrier.com • www.memoiredencrier.com

Mémoire d’encrier remercie l’Association Haïti-Futur pour sa contribution dans la diffusion de cet ouvrage.
PRÉFACE
2016. L’homme qui, de la terrasse de l’hôtel Montana, allume une cigarette pour regarder Port-au-Prince, qui « saigne à mort de tous ses bidonvilles », est celui qui a traversé le siècle pour revenir dans ce lieu où il a appris à exercer l’âme et l’œil.
Avec les bruits, les rires, les voix de la ville, soixante-dix années remontent et submergent Gérald Bloncourt. Tony-Claude de Moyencourt vient à la rencontre de Gérald et ils se confondent, fusionnent dans cette ultime quête de réponse. Parce qu’il y a le temps des horloges et des montres qui s’égrène inexorablement et celui qui nous a planté un arbre juste à l’endroit du cœur et qui ne passe pas. Tony-Claude de Moyencourt s’assied sous son feuillage attendant que le vieux vent Caraïbe fasse entendre dans sa voix le souffle de Jacques. Jacques aimait les peuples et les arbres. Les peuples sont des arbres, a-t-il écrit. Ils fleurissent à la belle saison.
On peut rationaliser la mort mais que faire d’une absence ? Que faire ? Sinon écrire… Pour un écrivain, témoin si intime, c’est l’unique manière de traverser les paradoxes, les ambiguïtés, la souffrance, les silences afin que les mots se fassent chant et rituel. Afin qu’ils deviennent linceul pour ceux, comme Jacques, ensevelis sans sépulture et que la mort a ravis trop tôt.
1946. Autour de Jacques le groupe s’est constitué « sans failles, main dans la main, épaule contre épaule, toutes et tous prônent cette véritable vérité qu’un monde nouveau est à bâtir ». Tony-Claude de Moyencourt est à l’âge où l’on mise tout sans compter, sur un rêve. Avec René et son ami Baker, ils fondent la revue La Ruche . Césaire de passage dans l’île les enflamme par son intelligence et sa sensibilité de caribéen, de Nègre total, Mabille organise l’ouverture de l’Institut français qui devient un foyer qui irradie, Louis Jouvet joue L’annonce faite à Marie , Breton de passage durant ces années trouve aussi dans l’île une terre d’une fertilité créatrice exceptionnelle et est porté par la vitalité de Port-au-Prince. Lam en immersion avec les Peintres du centre d’art peint ces premiers « hommes arbres ».
Mais c’est surtout la Révolution qui intéresse Jacques et Tony-Claude et ceux regroupés autour de la revue La Ruche . Ils caressent le rêve d’aller « là où le rouge ne peut pas mourir ». Alors, sous l’impulsion de Jacques, ils préparent minutieusement une insurrection générale et « le son des tambours dégringole de la montagne. Au loin, des feux de la Saint-Jean. Le groupe est là. Au complet. Sur la plage. Dans des dodines ou des chaises longues. On mange du crabe et des avocats. Deux bouteilles de Barbancourt sont déjà à moitié vides. Juste un quart de lune permet de s’entrevoir. La rencontre a lieu à Jacmel. On pourrait causer librement. Mais Jacques recommande la prudence. En fin de compte on chuchote ».
Et puis ce furent les Cinq Glorieuses, cinq jours d’insurrection au cours desquels se joindront à eux le Parti communiste de l’autre Jacques, Jacques Roumain, comme ceux du Parti Démocratique Populaire de la Jeunesse haïtienne. Pour clore un cycle exceptionnel. L’épiphanie aura été de courte durée. Tony-Claude de Moyencourt est arrêté puis envoyé en exil.
Il passera par Saint-Domingue en se faisant violence au souvenir des 20 000 Haïtiens massacrés par Trujillo en 1937, puis la traversée jusqu’en Martinique où Glissant, des intellectuels et des camarades solidaires de la lutte l’attendent. Et puis ce sera le voyage jusqu’en France en compagnie de Breton, expulsé lui aussi.
Et puis il y a l’enfance, cette patrie première. Après Bainet ce fut Jacmel, cette ville que la mer semble tenir du bout des doigts. Cette ville dont les pieds ont cédé lors d’un tremblement de terre, cette maison où les goûters étaient des festins, où Diogène le mendiant proposait des voyages avec les personnages fabuleux et drôles, des contes pour quelques centimes à la tombée de la nuit. Et la disparition de Diogène un jour où une main hideuse et cruelle l’a forcé au silence. Ce jour-là, il comprit que l’injustice pouvait tuer et qu’il serait de ceux qui toujours lui feraient face.
Une femme rejoint Tony-Claude à l’hôtel et lui parlera de ce qu’elle tient de Moïse et qui lui semble être la petite lueur dans la très dense nuit des questions sans réponse autour de la mort de Jacques. Sous le feuillage, Jacques a mêlé sa voix au vieux vent Caraïbe et lui a soufflé : « ta quête camarade est le gage d’une fraternité sans faille, comme je les aime. Va en paix ».
Tony-Claude de Moyencourt est toujours porté par ce même rêve, ce même amour de l’île, de la terre entière, des femmes et des hommes. Et malgré les nuages qui s’amoncellent à l’horizon, Gérald nous demande dans ses mots-testament de continuer la longue marche vers « la belle amour humaine ».
Yanick Lahens
Au peuple haïtien
À Jacques Stephen Alexis, frère de luttes et d’espérances
À Isabelle Repiton-Bloncourt, mon amour, ma compagne de vie
À Sandra, Ludmilla, Morgane, mes filles chéries
À Saïda et Daniel
Les peuples sont des arbres.
Ils fleurissent à la belle saison.
Jacques Stephen Alexis
Le jour se lève. Six heures du matin. L’île de la Gonâve barre l’horizon. Nimbée de brumes.
Port-au-Prince, tuiles, fer-blanc, tôles rouillées à l’infini, saigne à mort de tous ses bidonvilles. Occupe tout l’espace, vu de l’hôtel Montana.
Majestueux, imposant, le bâtiment domine la région.
Il succède à la précédente construction, avalée goudougoudou, en une bouchée, par le tremblement de terre affamé du 12 janvier 2010.
Sept étages gobés en quelques secondes, avec ses occupants. Quelques rares survivants.
Tony-Claude de Moyencourt allume une cigarette.
S’assoit.
Contemple ce qu’il n’arrive plus à reconnaître.
Les cicatrices de béton grouillent de vie.
Les marchandes installées dans les moindres recoins vantent leurs produits et couvrent les éclats de rires qui en disent souvent plus long que tous nos discours.
Des chants de coqs, par séquences, s’égrènent dans le paysage.
Des bruits de voix inaudibles, miettes sonores, poussières de mots, s’éparpillent, recouvrant la désespérance des masures blotties les unes contre les autres, dans cette immensité qu’il faut bien appeler ville .
La cathédrale expose ses ruines.
Le Palais national, disloqué, démantibulé, se cache à la vue des passants sous de gigantesques panneaux. Honte ? Sans doute. Une injure du destin.
Le portable de Moyencourt sonne. Une voix de femme.
— Je suis là dans vingt minutes.

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