Être étranger en terre d accueil
250 pages
Français

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Description

Les étrangers en tant que personnes, ou même considérés comme groupe indistinct, intéressent peu ceux qui n'ont pas dans leur entourage quelqu'un venu d'ailleurs. Leur vie est sans cesse soumise à une menace latente, à des difficultés et à des dangers qu'on peine à imaginer. Ce recueil multiplie les angles de vue pour révéler les réalités du quotidien des étrangers, mais aussi mettre en perspective les politiques d'immigration d'hier et d'aujourd'hui.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2014
Nombre de lectures 5
EAN13 9782336336367
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Copyright
© L’Harmattan, 2014
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris

http://www. harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

EAN Epub : 978-2-336-68646-2
Titre
Points de vue
Collection dirigée par Denis Pryen

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INTRODUCTION
Un jour d’été, vers midi, le jeune Victor Hugo passait sur la place du Palais de Justice de Paris. "Il y avait là une foule autour d’un poteau. Je m’approchai. A ce poteau était liée, carcan au cou, écriteau sur la tête, une créature humaine, une jeune femme ou une jeune fille. Un réchaud plein de charbons ardents était à ses pieds devant elle, un fer à manche de bois, plongé dans la braise, y rougissait, la foule semblait contente. Cette femme était coupable de ce que la jurisprudence appelle vol domestique et la métaphore banale, danse de l’anse du panier. Tout à coup, comme midi sonnait, en arrière de la femme et sans être vu d’elle, un homme monta sur l’échafaud ; j’avais remarqué que la camisole de bure de cette femme avait par derrière une fente rattachée par des cordons ; l’homme dénoua rapidement les cordons, écarta la camisole, découvrit jusqu’à la ceinture le dos de la femme, saisit le fer dans le réchaud, et l’appliqua, en appuyant profondément, sur l’épaule nue. Le fer et le poing du bourreau disparurent dans une fumée blanche. J’ai encore dans l’oreille, après plus de quarante ans, et j’aurai toujours dans l’âme l’épouvantable cri de la suppliciée. Pour moi, c’était une voleuse, ce fut une martyre. Je sortis de là déterminé - j’avais seize ans - à combattre à jamais les mauvaises actions de la loi 1 ".
Combattre les mauvaises actions de la loi, s’indigner contre la violence d’État et entrer en dissidence, les occasions ne manquent pas, surtout si l’on est proche d’étrangers en quête de titre de séjour. La scène de rue qui a transformé la vie du jeune homme était, en un sens, banale : une domestique avait chapardé, elle devait être marquée à vie, c’est la loi : l a foule semblait contente . De même, qui s’inquiète de la vie réelle des étrangers au travail sur les chantiers, dans les cuisines, dans les champs, qui accepte de voir la précarité que leur impose la loi en leur refusant un titre de séjour ?
***
A l’égard des étrangers, la peur de l’autre, le sentiment d’impuissance ou de culpabilité, ou bien encore la peur de la contagion du malheur peuvent construire l’indifférence, voire l’hostilité, le rejet et, au bout du compte, la violence directe ou déléguée.
Les étrangers, en tant que personnes, ou même considérés comme groupe indistinct, intéressent peu ceux qui n’ont pas dans leur entourage proche quelqu’un venu d’ailleurs. Mais si un proche ou un ami vient à subir la violence de l’État qui l’empêche d’accomplir son projet de vie, alors peut se produire un déclic, la prise de conscience d’une injustice incompréhensible, bien que légale.
Pour aller chercher l’attention, il faut des faits, bien sûr, mais pour accrocher l’imaginaire ou la curiosité, quelques retours sur le passé, quelques théories "autour", permettent de créer un effet de halo. Essayer de dire la proximité est un autre pari : pourquoi l’incandescence, le rêve, l’aventure, le désir de nouveau, l’appel du voyage seraient-ils réservés aux poètes ?
Il sera plusieurs fois renvoyé à ces paradoxes apparents que Freud désigne comme l’inquiétante étrangeté (ou étrange familiarité) et le mot d’esprit dans leur relation avec l’inconscient ou encore dans les deux faces du même phénomène que constituent "le savoir déporté" et "une connaissance inutile". Car la rencontre ici et maintenant avec l’étranger d’ici et d’ailleurs met en jeu des éléments beaucoup plus profonds et complexes que l’intérêt, la désolation ou la solidarité.
***
Malgré le changement de majorité politique survenu dans notre pays en mai 2012, force fut de constater que la politique envers les étrangers n’a pas été réorientée vers un traitement répondant aux réalités personnelles et sociales de cette population. Les quelques modifications de réglementation introduites depuis l’été 2012 n’apportent pas de nouveautés significatives. La circulaire du 28 novembre 2012 ou la loi sur l’immigration professionnelle et étudiante prévue en 2014 proposent des réponses très partielles à la variété des problèmes qui se posent, en laissant de côté des questions particulièrement graves : l’emploi illégal de travailleurs privés de droit au séjour, qui est à la fois une atteinte aux droits des travailleurs et une maladie de notre système économique ; l’absence de protection des jeunes étrangers isolés, avant comme après leur majorité ; les couples franco-étrangers soupçonnés, empêchés, séparés. Quant à ceux qui sont malades et ont besoin de soins, ils doivent faire face à des difficultés croissantes d’accès au droit de séjour, avec les conséquences qui en découlent sur leurs conditions de vie, leurs droits et leur état de santé.

Il faut se rendre à l’évidence : c’est l’ensemble du dispositif d’accueil des étrangers qui doit être reconsidéré. Évoquons ici quelques réformes qui semblent indispensables pour rétablir une politique de l’immigration qui soit digne. Résultat d’un glissement progressif des institutions depuis plusieurs décennies, à peu près tout ce qui concerne les migrations se trouve rattaché au ministère de l’Intérieur. De ce fait, les étrangers sont considérés d’abord comme des délinquants potentiels. Ils devraient relever du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Les migrants qui viennent en France seraient alors intégrés dans le circuit de la dynamique du corps social par leur travail et par leur contribution à l’impôt et aux cotisations sociales. Le rattachement récent de l’asile et de l’octroi des visa au ministère de l’Intérieur, responsabilités qui relevaient du ministère des Affaires étrangères, rattachement effectué par le truchement de l’éphémère ministère de l’Immigration, a transformé les demandes d’asile ou de visas en problèmes de police, alors que ces questions relèvent de la solidarité internationale et d’une réflexion géopolitique. Ces domaines devraient faire retour au ministère des Affaires étrangères

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