Grandeur, sexisme et infortune
104 pages
Français

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Grandeur, sexisme et infortune , livre ebook

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Description

Les femmes sont doublement pénalisées au travail : en tant que salariées dans le contexte de perte de sens du travail, et en tant que femmes. L'auteur, médecin et écrivain, livre ici une approche originale du sujet femme travail dans un texte où se côtoient poésie et matérialité économique. Au fil des témoignages poignants de femmes qui travaillent se dessine sur la toile de fond du sexisme, un portrait de la condition féminine, harcèlement, résistance et talent.

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Publié par
Date de parution 15 janvier 2017
Nombre de lectures 11
EAN13 9782140028373
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marie-José Hubaud
Grandeur, sexisme et infortune
Des femmes au travail
Grandeur, sexisme et infortune
Grandeur, sexisme et infortune
Marie-José Hubaud
Grandeur, sexisme et infortune
Des femmes au travail
Du même auteur
Des hommes à la peineLa Découverte, Octobre 2008.
© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
ISBN : 978-2-343-10997-8 EAN : 9782343109978
« Et les femmes ? », m’ont demandé des femmes. Elles souriaient disant cela, mais il y avait dans leurs yeux quelque chose qui ressemblait à un défi. Je répondais avec légèreté « oui, peut-être… Un jour, j’écrirai sur le travail des femmes… » Je me dérobais, j’avais une bonne raison pour ça. Les métiers féminins ne m’inspiraient pas. Tous les bureaux, les magasins, toutes les infirmeries se ressemblent, rien qui fasse rêver. Au contraire, j’avais fait des visites d’entreprise dans la métallurgie ou le bâtiment qui m’avaient éblouie comme des œuvres d’art, des perfor-mances. J’avais écrit sur le travail parce que j’étais en colère, la colère est une conseillère très stimulante pour écrire. J’étais très en colère de voir le vent de la souffrance au travail balayer tous les secteurs professionnels. Les hommes étaient particulièrement touchés, ils étaient délogés de leur place, atteints dans leur identité. Travail féminin c’est une histoire triste… Avais-je écrit et hop !, je m’étais débar-rassée de l’affaire et j’étais retournée à mes maçons… Si je voulais écrire sur le travail des femmes, il me fallait aller voir du côté sombre de l’histoire, le déno-minateur commun de tous les secteurs professionnels, le support logistique du travail au féminin, le sexisme. Dans le monde du travail, les places sont réservées. Pendant long-temps l’institutrice et l’infirmière ont été les deux figures majeures du travail féminin, les enfants et les malades, le début et la fin de la vie. Les hommes occupaient l’espace de la vie adulte en bonne santé, productive, performante… Les choses ont changé, les métiers se sont féminisés et le taux des femmes qui travaillent se rapproche de celui des hommes, pour autant la reconnaissance sociale n’est toujours pas au rendez-vous. Le sexisme est omniprésent dans le monde du travail, il estdans l’air… Qu’il se manifeste violemment, ou de façon insidieuse, ordinaire, il est délétère. Il ronge la confiance en soi, met sur la défensive, fragilise, dévaste. Le
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sexisme retentit sur le travail des femmes, bloque leur progression, les empêche de se réaliser au plan professionnel, et au final a des répercussions sur leur santé. Qu’il s’agisse de charge physique, de charge mentale ou d’abus de pouvoir, au bout du compte, c’est toujours le corps qui est atteint. Les femmes sont doublement pénalisées, en tant que salariées dans un contexte de déréliction, de perte de sens,eten tant que femmes… Et en tant que femmes,là résidait le défi. Le relever était tentant, j’avais donc fait des tentatives : des nouvelles, une pièce de théâtre (beaucoup de pathos, du lourd), puis tout ce bazar s’était endormi dans le tiroir où je range mes textes. C’est un événement étrange qui réveilla mes belles endormies.
Un jour, en ouvrant mon courrier, je trouve une enveloppe kraft marron, format A4, très banale, avec à l’intérieur une lettre bien étrange et une carte postale.
Chère Marie José, J’entre sans tarder dans le vif du sujet. Je trouve cavalière la façon que vous avez eue de vous débarrasser des femmes en écrivant « j’ai vu aussi beaucoup de femmes en visite, je pourrais écrire un livre, un jour je le ferai peut-être, je le ferai avec des couleurs sombres, travail féminin c’est une histoire triste ». Docteur Hubaud, vous avez bâclé le travail ! Vous avez fait les choses à moitié, repoussant sous le tapis du « peut-être » le gros du chantier. Il faut vous y mettre, et sans tarder. Parler du travail des femmes n’est pas une mince affaire, parce que dans « travail féminin » le terme le plus important n’est pas « travail », mais « féminin ». « L’éternel féminin pendule dans nos inconscients entre la Madone et la Putain… »
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 J’ai des images et des articles sur le sujet, mais ils sont comme des costumes suspendus aux porte-manteaux dans les coulisses d’un théâtre… Vous allez leur donner de la chair…  Est-ce que l’aventure vous tente ? À deux, on est toujours plus tranquilles, on ne marche jamais au hasard quand on est à deux, à deux, on va toujours quelque part.  Il ne servira sans doute à rien que je vous dise de ne pas perdre de temps à essayer de savoir qui je suis, ce que je fais comme travail, si je travaille, ni où et quand nous nous sommes rencontrées, vous ferez bien comme vous l’entendrez, mais sachez que la règle du jeu est celle-là, je resterai dans l’ombre… Je fais le pari que quelque chose va se tisser ainsi, de page en page, vous là-bas, moi ici, comment dire à notre insu, un pas de deux entre ces deux mots-là, femmes, travail. Je fais ce pari, voyez-vous que cela va fonctionner. La seule chose que je vous demande est d’insérer mes lettres dans votre texte.  Je tiens à insister sur un point, il ne s’agira pas d’une correspondance puisque nous n’échangerons pas nos états d’âme, je ne veux rien savoir de votre vie, ni même si votre texte avance ou pas. Le seul objet qui nous occupe, vous là-bas, moi ici, est celui du sujet : femmes-travail, aujourd’hui, maintenant.  Vous ne savez pas quel crédit accorder à mon propos, vous auriez besoin de temps pour considérer ma proposition, en savoir un peu plus sur celle dont vous êtes en train de lire la prose en vous demandant si elle est cinglée ou sincère ou les deux à la fois…  Qu’avez-vous à perdre ? Après tout, si cela ne donne rien, ce livre ne verra jamais le jour, mais si ça marche, vous me donnerez corps dans le corps de votre écrit.  La poésie, le romanesque ne sont-ils pas les plus fidèles témoins de ce qui se passe vraiment et de l’irremplaçabilité des êtres ?
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