L enfant de Seno
138 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Il n'est ni noir, ni jaune. Partout exclu. D'abord abandonné par son père "tirailleur sénégalais" venu guerroyer pour les Français en Indochine, puis délaissé par sa mère vietnamienne, L'Enfant de Seno grandit au Laos mais, à treize ans, il est rapatrié en France, pays qui lui est parfaitement étranger. Sa vie d'enfant de la rue, bousculée toujours, desespérée souvent, Laby la raconte avec une candeur désarmante.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 mars 2011
Nombre de lectures 65
EAN13 9782296457300
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’ENFANT DE SENO
Autres ouvrages de Nadine Bari :


Éditions Centurion :
Grain de sable – les combats d’une femme de disparu – 1983
Noces d’absence – 1986

Éditions Karthala :
Chroniques de Guinée – 1994
Guinée, les cailloux de la mémoire – 2003

Éditions Tabala :
L’œil du héron – 2005


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54443-7
EAN : 9782296544437

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Nadine BARI
et
Laby CAMARA


L’ENFANT DE SENO
Écrire l’Afrique
Collection dirigée par Denis Pryen

Dernières parutions

Aboubacar Eros SISSOKO, Une mort temporaire , 2011.
Édouard Elvis Bvouma, L’amère patrie. Nouvelles , 2011.
Roger FODJO, Les Poubelles du palais , 2011.
Jean FROGER, La Targuia , 2011.
Pierre LACROIX, Au chevet de l’Afrique des éléphants. Fable , 2010.
Jeanne-Louise DJANGA, Le gâteau au foufou , 2010.
Dina MAHOUNGOU, Agonies en Françafrique , 2010.
Elise Nathalie NYEMB, La fille du paysan , 2010.
Moussa RAMDE, Un enfant sous les armes et autres nouvelles , 2010.
Raymond EPOTÉ, Le songe du fou , 2010.
Jean René Ovono Mendame, La légende d’Ébamba , 2010.
Bernard N’KALOULOU, La Ronde des polygames , 2010.
Réjean CÔTE, La réconciliation des mondes, A la source du Nil , 2010.
Thomas TCHATCHOUA, Voyage au pays de l’horreur , 2010.
Eric-Christian MOTA, Une Afrique entre parenthèses. L’impasse Saint-Bernard (théâtre), 2010.
Mamady KOULIBALY, Mystère Sankolo , 2010.
Maxime YANTEKWA, Survivre avec des bourreaux , 2010.
Aboubacar Eros SISSOKO, Moriba-Yassa. Une incroyable histoire d’amour , 2010.
Naïma BOUDA et Eric ROZET, Impressions et paroles d’Afriques. Le regard des Africains sur leur diaspora , 2010.
Félix GNAYORO GRAH, Une main divine sur mon épaule , 2010.
Philippe HEMERY, Cinquante ans d’amour de l’Afrique (1955-2005) , 2010.
Narcisse Tiburce ATSAIN, Le triomphe des sans voix, 2010.
Hygin Didace AMBOULOU, Nostalgite. Roman , 2010.
Mame Pierre KAMARA, Le festival des humeurs , 2010.
Je n’ai jamais rien étudié, mais tout vécu,
et cela m’a appris quelque chose.
Antonin Artaud


Chaque corps est un port d’amertume.
Pierre Drachline


Je dédie mes mémoires à mes enfants : Julie, Virginie,
Mélissa, Thomas, Salomé et Natacha,
ainsi qu’à mes petits-enfants, Diego et Mateo.

Laby Camara
AFRIQUE ** Mon père
CHAPITRE 1

J’ai éraflé le ventre des étoiles.
(Tombe de Sarenpout à Assouan)
Vol Bruxelles-Conakry – avril 2008
Chez moi, l’action est presque toujours la petite sœur du rêve. C’est pourquoi je suis dans cet Airbus voguant – comme mon esprit – sur une mer de nuages de crème Chantilly, entre deux mondes. J’aime cette idée. J’ai toujours été moi-même entre deux mondes, et même trois : celui des blancs, celui des jaunes et maintenant celui des noirs !

Car je vais atterrir en Guinée, le pays de mes ancêtres côté paternel, en tout cas celui qui m’a donné mon nom – Camara – et aussi mon prénom, même si ma mère, au téléphone, l’aurait écorché, en comprenant Laby au lieu de Naby, conseillé par mon père. C’est du moins ce que prétendait Mme Bari lorsque j’ai fait sa connaissance à Bruxelles.

C’est votre première fois de venir en Guinée ? demande mon voisin avec curiosité.

J’articule un oui laconique, je n’aime pas les curieux et puis, surtout, je n’aime pas trop parler. J’ai toujours vécu en solitaire quel que soit mon entourage et, d’ailleurs, les bavardages m’assomment. Mais l’importun insiste : il dit qu’il est Guinéen, commerçant, qu’il était parti à Dubaï faire des achats d’électroménager pour ses boutiques.

Je m’en fiche et je ne réponds que par un grognement car, de Guinéens, je n’aurais dû en connaître qu’un – mon père – ce salaud qui m’abandonna avant même ma naissance ! Si je le retrouve dans son pays même, je verrai bien alors s’il a osé avouer qu’il avait laissé voici un demi-siècle un enfant en Indochine… C’est trop facile de lâcher sa semence en passant et puis de continuer son chemin alors que le gosse grandira en milieu hostile, parmi des enfants d’autre couleur qui lui jetteront des pierres dans la rue et refuseront de jouer avec ce fils de nègre ! L’amertume me gagne à nouveau et je me demande bien quelle va être sa réaction quand il va me voir en face de lui… s’il est encore vivant. Mais il a sûrement fondé une famille en Guinée et est-ce que ces gens savent qu’il a eu un gosse avec une Asiatique ? Et comment cette famille « normale » va-t-elle m’accueillir, moi le bâtard ? J’ai l’habitude d’être rejeté de partout, mais quand même, ça me fait toujours mal. Je ne m’y suis jamais habitué. Jamais.

Mon bavard de voisin revient à la charge :

Ah ! Je suis content de rentrer chez moi. Vous verrez comme c’est un beau pays, même si les gens y sont pauvres. C’est très beau, vous verrez. Vous allez où ?
A Conakry, dis-je en desserrant à peine les lèvres.

Le bavard sort de son petit sac fatigué une carte de la Guinée, arrachée visiblement à un cahier d’écolier et me montre son « beau pays ». Je trouve bizarre la forme de ce territoire, on dirait un revolver, oui, c’est exactement ça : un pistolet…

Et vous voyez, Conakry, c’est là.

Juste sur la gâchette, pensai-je.

Oh ! N’ayez pas peur, poursuit l’homme comme s’il lisait dans mes pensées. Bien sûr, c’est toujours à Conakry qu’il y a des troubles, comme l’an dernier par exemple, pendant la grève générale de janvier-février 2007. Mais c’est calme, à présent, vous verrez.

Oui, je sais que c’est calme, sinon mon organisation ne m’y laisserait pas passer trois jours avant de ramener en Europe l’enfant à opérer des yeux. Aviation sans frontières {1} , en effet, suit aveuglément l’échelle établie par le ministère belge des Affaires étrangères, genre échelle de Richter pour les tremblements de terre : tous les pays du monde y sont classés de un à cinq. A partir de trois, la situation est réputée trop troublée et ASF ne prend pas le risque de faire transiter une seule nuit ses convoyeurs dans le pays. Or l’organisation a prévu mon retour par le prochain vol de la SN Brussels, dans quatre jours. Cool, donc.

L’angoisse me reprend : quatre jours, c’est peu, aurais-je assez de temps pour retrouver mon père ? Les démarches que j’ai tentées auprès des autorités françaises ont toutes échoué. Je n’ai plus que l’espoir que m’a insufflé cette petite femme rencontrée à Bruxelles, devant les bénévoles convoyeurs d’ASF. Monique, ma nouvelle collègue, pharmacienne à Médecins sans frontières {2} , m’avait parlé de la dame, mariée à un Guinéen disparu sous le régime d’un certain Sékou Touré, et aujourd’hui retraitée en Guinée. Je ne sais pas si c’est l’ambiance cordiale du restaurant éthiopien où elle faisait sa causerie en parlant de ses livres, ou ses propos ardents sur son mari et son pays, mais elle m’avait littéralement subjugué. J’ai tout de suite cru en elle, comme auparavant j’avais sur-le-champ trouvé Monique sympathique. Et ces deux femmes conjuguant leurs efforts m’ont fait rêver : et si j’allais retrouver mon père ? Monique, m’assurant que la persévérance de Nadine portait toujours ses fruits, m’avait enrôlé dans ASF pour aller chercher cet enfant de deux ans en Guinée.

Et vous venez faire quoi, à Conakry ? insiste le curieux.
Chercher un enfant aveugle pour l’emmener se faire opérer des yeux à Marseille, grâce à une association française qui s’appelle Voir la Vie {3} .
Ah ! c’est beau, la solidarité. Le Prophète – Paix et salut sur lui ! – la recommande à ses fidèles.

C’est possible, mais à dire vrai, je ne suis qu’un tout

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