La Mer de Sable
157 pages
Français

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Description

"La Mer de Sable étendait ses ondulations au sommet de la dune... Cet ondoiement à la sauvagerie muselée terminait sa course sur la plage par une impressionnante cascade figée". De cette matrice de sable, l'auteur a été le témoin privilégié "des événements d'Algérie" qui ont marqué les dix premières années de sa vie. J.-P. Costagliola témoigne, avec lucidité et poésie, de cette période douloureuse et tragique de l'histoire de ce pays.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2008
Nombre de lectures 270
EAN13 9782336253114
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Mer de Sable

Jean-Pierre Costagliola
© L’HARMATTAN, 2008
5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296057968
EAN : 9782296057968
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Dedicace CHAPITRE I - La maison sur la plage CHAPITRE II - Les îles CHAPITRE III - La Mer de Sable CHAPITRE IV - La guerre CHAPITRE V - Les rêves blancs CHAPITRE VI - Les jeux bleus CHAPITRE VII - La guerre à nouveau CHAPITRE VIII - L’indépendance CHAPITRE IX - Le refuge CHAPITRE X - L’exil CHAPITRE XI - Le retour de la mémoire CHAPITRE XII - Epilogue Remerciements
A ceux qui se reconnaîtront...
Et à
Gislhaine ma femme pour son amour et sa compréhension
Guillaume et Elise mes enfants pour qu’ils connaissent cette histoire
Mes parents et ma famille qui ont tant pleuré
J’ai voulu écrire ce livre pour le bonheur dans une époque qui semble cruellement l’ignorer.
J’ai écrit ce livre pour ceux qui se reconnaîtront : famille, proches et pieds-noirs de tous bords.
Je suis sans complaisance pour ces derniers et je regrette de n’avoir pas mieux connu le peuple arabe.
J’ai un immense respect pour les deux.
A chacun ses douleurs, à chacun son destin.
Dommage qu’ils se soient déchirés en ces lieux, en ce temps.

Dans la mer de sable, s’enfoncent les souvenirs de mon enfance...
Je me décrirais comme un homme quelconque, si l’expérience n’apprenait qu’il n’y a pas d’homme quelconque.
Marguerite Yourcenar (Archives du Nord)

Qui a dit qu’on ne guérit jamais de son enfance ?...
CHAPITRE I
La maison sur la plage
ORAN, ALGERIE, à partir de l’été 1955...

Les classes terminées, en ce début d’été, nous attendions impatiemment, maman, ma sœur et moi, mon père parti tôt le matin chercher la voiture de grand-père.
Je me rappelle la marque : c’était une Dauphinoise, issue des chaînes mythiques des usines Renault.
Quel magnifique vaisseau ! Arborant la couleur des mers du Sud avec des vitres partout qui permettaient de ne rien perdre du paysage pendant tout le temps du voyage.
Cette sorte de petite fourgonnette servait mon grand-père à exercer son métier de limonadier.
Elle sentait la bière, le vin, les légumes frais, les jus de fruits ou encore le tabac.
L’odeur ambiante dépendait de la dernière marchandise transportée.
C’était la plus capiteuse, la plus musquée, la plus fruitée qui l’emportait sur les autres.
Ce véhicule avait la réputation de décoller sur deux roues à chaque virage.
Et ce n’était pas là une vue de l’esprit ou encore une sensation illusoire.
Etroit et long, il n’avait pas l’assise ou la tenue de route des véhicules d’aujourd’hui.
La sinuosité du trajet emprunté offrait de mettre à l’épreuve cette réputation.
La chaleur était dense, le soleil déjà haut et les valises prêtes.
Maman fouillait partout dans la maison, de-ci de-là, à la recherche de quelque oubli.

Papa était parti dès l’aube à pied vers la gare routière pour prendre le car de la Société Oranaise des Transports d’Autobus de la Côte (la S.O.T.A.C.).
Ces bus desservaient la Corniche qui menait aux plages du littoral, haut lieu de villégiature des Européens d’Oranie.
Nous habitions en effet une banlieue éloignée de la mer et de notre lieu de vacances. Il fallait un moyen de transport conséquent pour acheminer nos affaires pour deux mois.
Papa devait donc ramener la voiture pour conduire toute la famille vers cet endroit merveilleux où nous allions séjourner, cet endroit magique à mes yeux d’enfant qu’était le Cap Falcon.

Ma famille n’était pas riche à cette époque.
Papa, après avoir longtemps pratiqué divers métiers dont celui de tourneur sur métaux, venait de décrocher une place dans l’Administration.
Entrer dans l’Administration, dans cette colonie, était le but recherché par tous ceux qui ne possédaient pas la terre.
Une telle place vous garantissait à vie contre tous les aléas de l’infortune et vous positionnait dans la société européenne en situation de réussite.
On y entrait coopté par des amis ou des personnes de la famille et, de fait, les places étaient principalement et majoritairement octroyées aux petits blancs.
Mon père travaillait depuis peu en qualité de civil pour le ministère de la Marine.
Petit métier de standardiste, moyen plus sûr d’assurer l’avenir que confortablement payé.
Le fourgon de mon grand-père était donc le seul moyen de transport collectif en dehors de l’autocar.
Seul papa possédait un engin motorisé individuel. Un bel engin gris de marque Mobylette qui lui permettait d’aller chaque matin travailler.
En cette époque, les déplacements étaient rares et chacun d’entre eux revêtait un caractère d’épopée.

L’attente s’éternisait. Nous jouions en attendant. Ma sœur, plus calme, se laissait progressivement envahir par l’effervescence du départ au fur et à mesure que la journée avançait.
Je guettais constamment l’automobile turquoise qui devait surgir au coin de la rue.
Je n’avais qu’une idée en tête : PARTIR.
C’était mon obsession, ma quasi-raison de vivre du moment.
Quitter le quotidien contraignant, cette école sévère, ces cours de mathématiques ennuyeux, ces leçons mal apprises.
Ce futur départ me mettait en joie.
J’allais en quelque sorte tourner une page pour ouvrir un autre livre. Et quel livre ! ...
A vrai dire ma scolarité n’était pas brillante.
L’ombre du figuier, qui trônait au fond du jardin, inspirait bien plus mes rêves que les ânonnements de la table de multiplication.

Nous vivions dans un quartier périphérique situé au sud-est de la ville que ses bâtisseurs avaient baptisé Les Castors .
Ce quartier, construit dans les débuts des années cinquante par les propriétaires eux-mêmes, était un quartier neuf composé de petites villas cubes bien alignées.
De couleur ocre ou blanche, ces habitations s’intégraient parfaitement au paysage des terres rouges environnantes.
En quelques années, grâce à une irrigation et un arrosage intensifs, les désertiques terrains vagues s’étaient transformés en de véritables havres de verdure, et, par endroits, en de petites portions d’Eden.
C’était, sautant aux yeux émerveillés, une éclatante palette de lauriers-roses multicolores, de bougainvilliers délicats, de pergolas fleuries, de palmiers au vent, de bananiers échevelés, d’arbousiers au feuillage vert intense, de pins maritimes majestueux, de lauriers-sauce odorants, de mandariniers sucrés, de citronniers embaumants, de pêchers miraculeux...
Aux couleurs éblouissantes, s’ajoutaient toutes les senteurs méditerranéennes.

L’idée des Castors était simple.
Elle reposait un peu sur la même philosophie que celle du Kibboutz.
Pour alléger leur investissement les futurs propriétaires, généralement salariés de l’Administration ou de petites entreprises, s’étaient regroupés en société.
Ils avaient acheté les matériaux de construction des maisons au prix de gros et avaient décidé de donner un certain nombre d’heures de leur temps de loisir pour construire ensemble plus de cinq cents maisons.
C’était le type de solidarité coopérative issue de quelque réminiscence crypto-proudhonienne qui faisait l’originalité de ces réalisations collectives.
Chacun participait non pas à la construction de sa propre maison, mais à l’édification de la cité entière.
Cette idée généreuse contrastait quelque peu avec l’esprit colon qui avait animé la conquête de l’Algérie à la fin du XIX e et au début du XX e siècle.
La mise en valeur des terres s’entendait ici au sens collectif et pour le bien de tous.
Il fallait voir la ruche active que fut le chantier.
L’enthousiasme de ces hommes prenant en main leur avenir était communicatif et je revois mon père qui, après avoir absorbé une collation, partait très tôt le dimanche matin en sifflotant sur sa motocyclette.
Il revenait tard le soir, rompu de fatigue, mais avec dans le regard ce bonheur étincelant des nouveaux bâtisseurs.
Le chantier résonnait de coups sourds, du grince

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