La peur de l infériorité
158 pages
Français

La peur de l'infériorité , livre ebook

-

158 pages
Français

Description

L'espace social est devenu le lieu d'une comparaison intense entre individus ou groupes, qui s'observent et s'évaluent incessamment. La conjonction des principes égalitaires et des processus de distinction exacerbe cette comparaison sociale, rendant toute forme d'infériorité de moins en moins supportable. La moindre différence est accueillie comme hiérarchie potentielle et les esprits sont contraints d'assumer cette tension particulière. Dans un tel contexte, tout contact humain devient menace d'infériorité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2005
Nombre de lectures 160
EAN13 9782296407237
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La peur de l'infériorité
Aperçus sur le régime moderne
de la comparaison socialeLogiques Sociales
Collection dirigée par Bruno Péquignot
En réunissant des chercheurs, des praticiens et des essayistes, même
si la dominante reste universitaire, la collection Logiques Sociales
entend favoriser les liens entre la recherche non finalisée et l'action
sociale.
En laissant toute liberté théorique aux auteurs, elle cherche à
promouvoir les recherches qui partent d'un terrain, d'une enquête ou
d'une expérience qui augmentent la connaissance empirique des
phénomènes sociaux ou qui proposent une innovation méthodologique
ou théorique, voire une réévaluation de méthodes ou de systèmes
conceptuels classiques.
Déjà parus
Jean STOETZEL, Théorie des opinions, 2005.
Gheorghe FULGA, Connaissance sociale et pouvoir politique,
2005.
Audrey ROBIN, Une sociologie du « beau "sexe fort" ».
L 'homme et les soins de beauté, de hier à aujourd'hui, 2005.
Yves de la HAYE, Journalisme, mode d'emploi. Des manières
d'écrire l'actualité, 2005.
Monique ROBIN et Eugénia RATIU (dir.), Transitions et
rapports à l'espace, 2005.
Mariana LUZZI, Réinventer le marché? Les clubs de troc face
à la crise en Argentine, 2005.
P. NICOLAS-LE STRA T, L'expérience de l'intermittence dans
les champs de l'art, du social et de la recherche, 2005.
P. CADOR, Le traitement juridique des violences conjugales:
la sanction déjouée, 2005.
V. CHAMBARLHAC, G. UBBIALI (dir.), Épistémologie du
syndicalisme, 2005.
M. FALCOZ et M. KOEBEL (dir.), Intégration par le sport:
représentations et réalités, 2005;
L. OLIVIER, G. BÉDARD, J. FERRON, L'élaboration d'une
problématique de recherche. Sources, outils et méthode, 2005.
Stéphane BELLINI, Des petits chefs aux managers de
proximité, 2005.
Jean-Marc POUPARD, Les centres commerciaux, de nouveaux
lieux de socialité dans le paysage urbain, 2005.Alexis Rosenbaum
La peur de l'infériorité
Aperçus sur le régime moderne
de la comparaison sociale
L'Harmattan L'Harmattan Hongrie L'Harmattan ltalia
5-7,rue de l'École- Kossuth L. u. 14-16 Via Degli Artisti, 15
Polytechnique 10124 Torino1053 Budapest
75005 Paris HONGRIE ITALIE
FRANCEDU MÊME AUTEUR
L'ordre sacré. Les représentations hiérarchiques en
philosophie. Desclée de Brouwer, Paris, 1999.
Regards imaginaires. Essais préliminaires à une écologie
visuelle. L'Harmattan, Paris, 2003.
www.librairieharmattan.com
e-mail: harmattanl@wanadoo.fr
@ L'Harmattan, 2005
ISBN: 2-7475-8881-5
EAN : 9782747588812A DavidIntroduction
Puis-je dire combien de fois par jour je me compare avec
autrui? En lisant un quotidien du matin, je n'ai pu m'empêcher
de me comparer avec la victime d'une grave maladie, me
réjouissant secrètement de ma bonne santé. Au bureau,
j'observe régulièrement les comportements, l'apparence
vestimentaire ou les résultats de mes collègues. Je me renseigne
aussi sur la qualité de leurs vacances pour les comparer aux
miennes. Dès que je pratique un sport, je suis amené à me
comparer avec mes adversaires, leurs gestes, leurs
performances, leur corps. Je sais qu'il m'arrive de comparer l'ampleur
de mes projets à ceux de mon épouse, les notes de mes enfants à
celles des enfants de mes amis, les caractéristiques de mon
appartement avec celui de mes voisins... Certaines de ces
comparaisons sont intentionnelles, réfléchies et minutieuses,
d'autres sont involontaires, spontanées et fugaces. Je me
compare souvent parce que je doute que mes opinions soient
correctes ou que mon comportement est approprié. Je me tourne
alors vers les autres pour m'informer, apprendre des règles de
comportement ou me fixer des buts réalistes. Dans un
environnement dont l'évolution est rapide, la comparaison est utile
pour me situer et progresser puisque l'incertitude et le
mouvement engagent à chercher sans cesse des informations sociales.
Il arrive aussi que je me compare avec les autres pour situer mes
capacités ou mes performances par rapport aux leurs. J'engage
alors un processus d'évaluation qui donne lieu à des réactions
plus affectives. Je pourrais envier telle personne parce que je lui
attribue une supériorité désirable, dédaigner telle autre parce
que je lui prête de médiocres qualités. Je pourrais également
éviter de fréquenter la première pour ne pas devoir me mesurer
à elle ou rechercher la compagnie de la seconde pour me sentir
supérieur à bon compte. En somme, «me comparer» signifie
examiner certains de mes traits et ceux d'autres individus non
9seulement en vue d'y découvrir ressemblances ou
dissemblances, mais aussi afin d'en connaître la valeur relative.
Pour décrire les mécanismes mentaux et comportementaux
selon lesquels les individus s'évaluent les uns par rapport aux
autres, la psychologie sociale dispose depuis un demi-siècle
d'un concept: celui de comparaison sociale. Depuis le travail
pionnier de Léon Festinger (1954), qui conféra d'emblée à cette
forme de comparaison un statut théorique et opératoire, de
nombreux expérimentateurs se sont attachés à examiner
concrètement ses caractéristiques, causes et conséquences. Leurs
recherches ont permis de mieux comprendre pourquoi et
comment les individus jugent leurs attributs et leurs
performances relativement aux autres, quelles sources
d'information ils choisissent (car bien entendu, on ne se compare pas
avec n'importe qui), dans quelles situations ces comparaisons
sont utiles ou néfastes, selon quels paramètres elles influencent
la production de l'uniformité sociale ou de la différenciation
individuelle. Ces recherches sont nombreuses et ont déjà leur
histoire, leurs polémiques, leurs chapelles. Elles ont été
conduites pour la plupart, reconnaissons-le, dans des
laboratoires anglo-saxons, au point de constituer
outreatlantique une sorte de sous-discipline de la psychologie
sociale. Existerait-il des affinités particulières entre la société
nord-américaine, terre de compétition socio-économique, et ces
préoccupations plutôt savantes? C'est aussi vraisemblable que
difficile à démontrer car, expérimentales par principe, ces
études ne s'autorisent pas d'un véritable recul historique ou
culturel. Les moissons de résultats n'ont laissé jusqu'à présent
que peu de place à une prise en compte des conditions sociales
qui pourraient en préciser la portée. On peut le regretter. Car si
la comparaison sociale au sens large a certes toujours et partout
existé, ses formes et ses manifestations ne sont ni éternelles ni
universelles. Il est vraisemblable que la façon dont les individus
se comparent les uns aux autres dépend en partie de conditions
économiques, sociales ou technologiques. Songeons par
exemple que plusieurs penseurs, à commencer par Tocqueville,
ont décrit l'inflation des jalousies qui caractérise tout
particulièrement le développement des démocraties, ainsi que
10les effets de ce phénomène sur la subjectivité moderne.
L'extension de l'envie ou du ressentiment, souvent notée,
n'atteste-t-elle pas que l'espace social est devenu le lieu d'une
comparaison plus intense entre individus et groupes sociaux,
qui s'observent, se jaugent et évaluent de façon plus précise ou
plus attentive ce qui les sépare les uns des autres?
Nous ne manquons certes pas d'analyses sociologiques qui
éclairent le cadre et les mécanismes de cette comparaison. La
façon dont les statuts et les positions relatives sont perçus,
négociés et entretenus dans l'espace social a fait l'objet
d'investigations pénétrantes. Comme l'ont notamment montré les
travaux de Bourdieu (1979), chaque individu est porteur de
classifications qui reflètent symboliquement la stratification
sociale tout entière. A travers la manière dont chacun acquiert,
intériorise et transmet ces classements sociaux se dévoile et se
reconduit la répartition de certains pouvoirs, répartition qui se
projette sur de nombreuses dimensions, des biens de
consommation à l'éloquence verbale en passant par les pratiques de
table ou les jugements de goût. La cartographie de ces
ordonnancements symboliques s'avère être un excellent
indicateur de forces sociales

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents