Les femmes détenues en Algérie
314 pages
Français

Les femmes détenues en Algérie , livre ebook

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Description

Quel sens les acteurs (prisonniers et personnel pénitentiaire) confèrent aux notions de peine et de réinsertion ainsi que sur les moyens mis en oeuvre pour atteindre cet objectif. Les femmes incarcérées arrivent souvent dans des situations de précarité sociale et sanitaires importantes, comme population déjà marquée par une forte stigmatisation. L'auteure a mené des entretiens dans des établissements pénitentiaires afin de mettre en évidence la trajectoire de réinsertion, les stratégies identitaires, les profils de détenues.

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Date de parution 01 décembre 2017
Nombre de lectures 32
EAN13 9782140053795
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Re v u eIn t e r n a t i o n a l e d’AnthropologieCognitive
Fadhila MOUZAOUIKOUDJIL
LES FEMMES DÉTENUES EN ALGÉRIE
TRAJECTOIRES ET STRATÉGIES IDENTITAIRES
e Année2017– 4 trimestreN°4
Maison des Sciences de l’Homme Université de Tlemcen
Les femmes détenues en Algérie Trajectoires et stratégies identitaire
© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-13614-1 EAN : 9782343136141
RevueInternationale d’Anthropologie Cognitive Fadhila MOUZAOUI-KOUDJILLes femmesdétenues enAlgérie Trajectoires etstratégies identitairesAnnée20174èmetrimestre N° 04 Maisondes Sciencesde L’Homme Université de Tlemcen
Introduction générale Autrefois, la prison avait pour fonction d’enfermer les coupables de divers délits dans l'attente d'une véritable peine : supplice, exécution, bannissement ou tout simplement enfermement à perpétuité. L’institution carcérale telle qu’on l’entend aujourd’hui est une institution importante, créée en vue de protéger la société contre les transgresseurs des règles de droit fixées par cette société. Dans son évolution, elle est passée d’un lieu centré sur la punition ou la peine, à une institution certes disciplinaire où le détenu subit une surveillance discrète de tout instant et où cependant tout est mis en œuvre en vue de lui permettre de se réinsérer sans heurt dans la société. Avec cette nouvelle vision et les nombreuses réformes qui l’ont accompagnés, la prison répond aujourd’hui à une nécessité sociale dont la règle est certes de punir mais sans déshumaniser ni désocialiser. En ce sens, le système carcéral et les fonctions du personnel pénitentiaire ont évolué pour faire de la prison un endroit de la deuxième chance. Les lieux d’incarcération et les conditions de détention sont l’objet de nombreuses réformes internationales, régionales et nationales qui font de la réinsertion de l’ex-détenu dans la société, un objectif à atteindre. La prison elle-même s’est vue attribuer une double fonction qui consiste à garder les personnes en transgression avec la Loi et à les réhabiliter. Aujourd’hui, les politiques et les spécialistes semblent trouver les raisons probables aux pires comportements des délinquants et cherchent les explications dans la sociologie, la psychologie, la médecine, etc. L’éducation, la formation et le suivi psychologique sont donc associés au système carcéral comme étant des besoins incontournables pour une bonne réinsertion sociale. Le changement devient une nécessité, même si sa mise en œuvre sur le terrain se heurte à la permanence d’obstacles de toutes natures : institutionnels, administratifs, professionnels, culturels, et psychologiques avec la prédominance persistante du rôle sécuritaire. La politique d’humanisation des établissements pénitentiaires et l’amélioration des conditions de détention qui l’accompagnent s’avère
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prometteuse. Malgré ses échecs ou ses imperfections, elle confirme l’importance de l’approche globale et des réformes nouvelles pour faire évoluer le système carcéral. Actuellement, des changements sont engagés 1 avec l’adoption de nouvelles lois . Lesquelles portent sur la réinsertion sociale et professionnelle des détenus et la mise en pratique d’une politique carcérale aux normes internationales. L’application de la volonté politique et la réalisation des objectifs de réinsertion qu’elle proclame, rencontrent des difficultés et des contraintes d’ordre organisationnel et politique. La plupart des articles nécessitaient des arrêtés règlementaires pour entrer en vigueur. De plus, l’implication sur le terrain est parfois plus facile à exprimer qu’à réaliser. En effet, les infrastructures des prisons sont souvent peu adaptées pour accueillir des 2 classes de formation ou des ateliers . La mise en application de la loi est également confrontée à priori de tout un chacun – la société, le personnel pénitentiaire, mais aussi les détenus eux-mêmes – qui rendent l’organisation de formations plus compliquées que celle du travail en milieu carcéral. De plus, le système politique n’est pas toujours là pour en faciliter la mise en œuvre. Les compétences en matière de sécurité et de peines sont gérées par l’administration pénitentiaire, tandis que l’aide aux détenus et ex-détenus relève beaucoup plus desassociations de réinsertion qui sont peu nombreuses. Dans le cas des femmes incarcérées, notamment en Algérie, la question de l’enfermement et de la réinsertion est complexe. Traditionnellement les femmes étaient cantonnées dans un espace privé et intime avec peu d’accès à l’espace public ; leur émancipation et l’accès à un métier exercé dans l’espace public rendent plus perméables les frontières qui leurs permettent de se définir. Cette gestion des frontières au cœur de la dynamique identitaire devient centrale lors d’un emprisonnement et lors d’une réinsertion et on conçoit qu’il est particulièrement important de s’y intéresser. Le point de départ pour poser la question des trajectoires et des stratégies des détenues vers la réinsertion consistera à mener une recherche et adoptera une approche globale du public des femmes incarcérées. D’abord elles sont minoritaires et, en prison, dans un monde d’hommes en détention, les
1 Reste à souhaiter que la réforme du système pénitentiaire soit entendue par les politiques en pouvoir et que tous s’engagent vraiment dans l’intérêt du détenu et de sa réinsertion. C’est pour cette raison d’ailleurs que plusieurs associations s’investissent afin de contribuer active-ment à la mobilisation des personnes de bonne volonté afin que le détenu puisse se recons-truire et se réinsérer à nouveau dans la société. 2 Des informations recueillies auprès du personnel pénitentiaire.
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femmes souffrent davantage. Elles manquent de moyens pour s’entretenir sur tous les plans moral, psychologique et matériel. Les femmes ne représentent, dans les pays d’Europe, que 4 % des détenus. En Algérie elles sont moins de 2 % du nombre de détenus (près de 55 000) : « Le nombre de femmes avoisine les 820 à travers le territoire national. Les crimes pour lesquels elles sont dans la majorité des cas condamnées sont liés au crime d’honneur, au délit d’escroquerie, l’adultère, 3 la prostitution et la consommation de drogues » . Sans doute, elles souffrent donc relativement moins directement de la surpopulation qui affecte les prisoniers masculins. Mais leurs conditions de vie sont difficiles pour d’autres raisons. Comme par exemple le manque d’activités culturelles et sportives. Et lorsque ces femmes commettent un délit, elles ne s’exposent pas seulement aux peines prévues par le code pénal, mais peuvent être marginalisées à vie par la société et surtout par leur famille : c’est ce qu’on pourrait définir comme la double peine. Celle-ci connaît deux formes distinctes : judiciaire et sociale. 4 La femme détenue est une femme privée de sa liberté, une femme qui subit la peine à laquelle elle est condamnée avant la sortie et surtout c’est une personne qui souffre d’un isolement affectif et qui ne trouve pas le soutien attendu dans son entourage social et familial. Les événements familiaux (le divorce, les conflits dans le couple ou avec les enfants) et les événements professionnels (la perte d’un emploi…) peuvent être éminemment traumatisants et constituer des facteurs qui aggravent la situation de ces femmes. Les femmes détenues sont soumises au régime de la catégorie pénale à laquelle elles appartiennent (prévenues, condamnées, placées sous contrainte judiciaire...). Cette période de détention est considérée comme passagère, plus ou moins longue mais avec des changements, des mutations vers une
3  Ces chiffres ont été dévoilés, par le directeur général de l’administration pénitentiaire, Mr M. Felioune dans un document interne (Ministère de la justice 2010). 4 Les femmes sont détenues dans les quartiers spéciaux aménagés dans les établissements de rééducation ou de réadaptation pour hommes. Au point de vue de régime pénitentiaire, elles sont soumises aux mêmes règles de détention que les hommes. Concernées autant que ces derniers par l'action rééducative, elles bénéficient du régime progressif, du travail pénal, de la formation professionnelle et de l'enseignement général. Dans le cadre de l'action sécuritaire, elles ne peuvent être fouillées que par un personnel de leur sexe. Le personnel de surveillance exerçant dans les quartiers qui leur sont réservés est de sexe féminin. Les femmes enceintes ou allaitantes bénéficient d'un régime alimentaire amélioré. En matière de l'ajournement provisoire de l'exécution des sentences pénales les femmes enceintes bénéficient de cet ajournement provisoire de l'exécution de la peine, ainsi que la mère d'un enfant âgé de moins de vingt quatre (24) mois art 16 du c.o.p.r.s.d. Les détenues qui se trouvent en état de grossesse sont transférées au moment de l'accouchement, à l'hôpital ou à la maternité la plus proche de l’établissement (la direction des prisons).
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reconstruction d’une nouvelle identité et d’un avenir meilleur. Mais derrière l’élan à l’intérieur de l’institution pénitentiaire la détenue se retrouve en situation de fragilité, de malaise et d’angoisse. On s’attend à ce que cette période modifie son comportement. Pas plus qu’à l’extérieur des murs, la femme en prison n’est considérée comme une personne ayant une personnalité propre et légitime ; elle est vue comme un être coupable, faible et mauvais, comme avant son incarcération. Par conséquent, elle y est traitée comme une mauvaise personne. Et même à la fin de la détention la punition la suit toujours. De ce point de vue la réinsertion n’est prise en compte que tardivement. Sortir de prison est l’avenir et la perspective de chaque détenue, s’en sortir une fois à l’extérieur est bien plus complexe. Depuis il est question de la recherche d’équilibre entre la sanction et la réinsertion dans la société.Comment la réinsertion est-elle possible ? Quels processus psychologique et social sont mis en œuvre pour atteindre cet objectif ? Le projet de recherche prendra donc comme point départ une interrogation sur cette femme en détention afin de voir comment elle vit sa situation et prépare ou non son avenir. Cette démarche mettra l’accent sur la façon dont les détenues prennent ou non une stratégie de reconstruction identitaire. Comment se fait-il que certaines se réinsèrent facilement alors que d’autres ne se réinsèrent pas ? Répondre à cette question implique de saisir ce qui caractérise la vie en prison par rapport à l’extérieur, à examiner les trajectoires de vie, les modalités identitaires mises en place pour préparer la sortie. Dans quelle mesure une prison peut –elle être considérée comme totalitaire ? La prison en tant qu’institution punitive constitue un univers de vie et de travail tout à fait particulier, qui ressemble à bien peu d’autres lieux sociaux, sauf peut-être aux institutions psychiatriques ou autres établissements caractérisée par l’enfermement. 5 On remarque aussi dans l’œuvre de Goffman (1968) la notion d’institutions totalitaires est majeure pour désigner les institutions d’enfermement, qu’elles soient psychiatriques ou de détention. Ces institutions totalitaires représentent, selon cet auteur, un« mixte social, à la fois communauté résidentielle et organisation réglementaire »ayant comme particularité de soumettre les individus à des traitements et obligations communs dans un même cadre et sous une même autorité.
5 Ouvrage dans lequel E. Goffman analyse différentes interactions en milieu clos, à partir d’un hôpital psychiatrique, en combinant micro en macrosociologie, E. Goffmanélabore des grilles d’interprétation concernant l’ensemble de ce qu’il appelle des « institutions totales ».
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La prison totalitaire, elle est aussi pour Foucault (1975, p92), “le moindre crime attaque la société”.Celle-ci doit donc se défendre, se protéger, exclure ce qui la menace. Pour cela, elle a des lois que “le citoyen est censé avoiracceptés une fois pour toutes, [...], celle-là même qui risque de le punir”. En effet, il s'agit du principe du “sujet juridique donnant aux autres le pouvoir d'exercer sur lui le droitqu'il détient lui-même sur eux” (Foucault, 1975, p310). Ainsi, dans notre société, l'auteur d'un acte réprimé par la loi doit passer devant un tribunal où il sera jugé par ses pairs, qui décideront, au nom de l'ensemble de la société, de la peine à appliquer. Cette application du jugement peut notamment se traduire par une peine d’emprisonnement. D’une part, l'incarcération représente un “châtiment égalitaire” (Foucault, p234)car la liberté est un acquis universel face auquel nous sommes tous égaux, on peut affirmer que “sa perte a donc le même prix pour tous”. D'autre part, la prison a aussi l'aspect d'un “appareilà transformer les individus”(Foucault, p235). La mise à l'écart du sujet déviant permet d'envisager un travail sur les faits qu'il a commis, afin de le rendre meilleur aux yeux de la société, avec l’objectif de se réinsérer.Si l’incarcération transforme les personnes détenues, le fait- elle dans le sens des tentatives réformatrices qui leur permettront une grande autonomie vers une réinsertion, la prison oppose toujours la figure d’une institution subordonnée aux impératifs de sécurité. La vie en prison est complètement 6 gérée par l’administration pénitentiaire . Cela facilite son organisation, mais entraîne aussi une déshumanisation des personnes incarcérées. C’est en effet, le principe d’une institution dite totalitaire selon E. Goffman, (1968, p 41) qui est «un lieu de résidence et de travail, où un grand nombre d’individus, placés dans la même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées. Les prisons constituent un bon exemple de ce type d’institutions». L’individu incarcéré est passé d’un système dit « libre » à un système dit « fermé » (Abdellaoui, 1997). Il se trouve alors, subitement et totalement, soumis à une autorité judiciaire et carcérale qui lui dicte les règles à suivre. 6 L'ensemble du personnel carcéral bénéficie de certains avantages, mais il doit se soumettre à des conditions strictes de travail sous réserve de sanction d'ordre administratif et parfois pénal. A- droit et obligation : Aux termes des articles 20, 21 du décret N°91-309 du 7 septembre 1991, les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, décédés en service commandé ou a l'occasion de l'exercice de leur fonction, peuvent bénéficier, à titre posthume, d'une promotion au grade supérieur, et ils bénéficient de la protection lorsque ces derniers font l'objet de menaces, outrage, injures, diffamation ou attaque de quelque nature que ce soit, pendant l'exercice de leurs tâches. 1/ obligation envers l'administration carcérale : Le personnel pénitentiaire doit accomplir sa mission au sein de l'établissement en application de l'article 8 du décret précédemment mentionné avec le port obligatoire de l'uniforme de service à l'exception des contrôleurs d'établissement carcéral et directeurs de ces institutions, le port des armes est obligatoire aussi pendant l'exercice de leurs fonction.
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