Les récits de nos vies atteintes
312 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Les récits de nos vies atteintes , livre ebook

-

312 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Ces récits sont à la croisée de l'autobiographie où le sujet, narrateur-acteur raisonne sur sa trajectoire et construit une identité narrative en mobilisant du document historique, et du récit ethnographique recueilli, en élaborant un roman familial dans la pénombre du souvenir. Ici, les récits de nos vies encombrées d'impératifs et d'injonctions de nos parents à la voix étranglée, exilés de l'extrême ou orphelins, ont tenté de délier des mouvements narratifs sur l'inimaginable du génocide de 1915.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2013
Nombre de lectures 12
EAN13 9782336332833
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Copyright























© L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-68293-8
Titre
Du même auteur
Du même auteur
Les Arméniens et leurs territoires , Autrement, 1995.
Le lien communautaire. Trois générations d’Arméniens , Armand Colin, 1992 (rééd. L’Harmattan, 2007).
Dédicace


À mes témoignants
À ma mère
Remerciements
Mes remerciements s’adressent aux étudiants de l’INALCO inscrits aux Études arméniennes pour leur confiance en la parole de la mémoire.
Je tiens également à remercier Ata Ayati (directeur de la collection « L’Iran en transition » à L’Harmattan et coordinateur de la revue EurOrient) pour son suivi éditorial, ainsi que mon fils Julien Denieuil (doctorant moniteur à Paris XIII) pour la conception de la maquette de couverture.


« Ne t’envole pas dans ta propre parole
ne t’évanouis pas dans celle des autres
mesure le sang de ta pensée (…)
orphelin
est le lutteur de classe
souverainement orphelin »
Abdelkebir Khatibi
Le lutteur de classe à la manière taoïste
Avant-propos
Ma proximité avec le champ anthropologique du groupe, mes incursions géographiques et mes nombreuses pratiques d’entretien et d’observation donnant lieu à des rencontres fabuleuses ont fortifié la certitude d’une connaissance enfouie en attente d’un « dire », d’un savoir sensible en attente d’une transmission.
L’aventure sur la mémoire-ci relève d’une traduction d’expériences intérieures bien éloignées de la stratégie identitaire et qui ne sont pas négociables. Cette aventure a délaissé l’interprétation des cadres mémoriels. Car autrefois, aux récits d’exil, nous avions insisté simultanément sur les enjeux de la patrimonialisation et des rituels commémoratifs, sur l’édification de lieux religieux ou de monuments, sur la concrétisation d’un projet muséal, sur toutes sortes de marqueurs qui viennent inscrire une temporalité singulière et des récits d’épopées pour conférer un sens collectif et produire du lien social dans les communautés arméniennes nées de la dispersion 1 . Il s’agissait aussi de rendre compte d’une reconnaissance sociale pour l’inscription d’une éthique du souvenir 2 concernant la réalité du génocide arménien commis en 1915 sur les territoires identitaires.
L’exil avait été travaillé dans une perspective de fait social total, y compris dans nos analyses du concept de diaspora.
Nous nous sommes lancées cette fois pleinement dans la mémoire réfléchie qui interroge « qui est le qui » ? 3 dans le voyage de la flèche du temps. Ces récits de mémoire à géométrie variable, outre de parler d’ancrage dans une culture spécifique naviguent d’une culture à l’autre en raison d’expériences d’exil et du déplacement. Ces expériences déploient un paysage d’une intériorité tourmentée sous bien des aspects et que l’on ne peut imaginer si l’on s’applique au strict exercice monographique.
Ces récits sont à la croisée de l’autobiographie où le sujet, narrateur-acteur raisonne sur sa trajectoire et construit une identité narrative en mobilisant du document historique, du récit ethnographique recueilli, en élaborant un roman familial dans la pénombre des souvenirs. Le sujet apparaît à la fois comme lecteur et comme scripteur de sa propre vie, sans cesse refigurée par toutes les histoires véridiques ou fictives et la sculptant comme un tissu d’histoires racontées. Ces fragments déployés dans la longue durée dépassent les limites du récit discursif tant les chuchotements qui les entourent, les ratures, les chutes de tissu de la couturière ajustant une pièce à monter ont participé à l’élagage de la parole. Bien souvent en effet, j’ai pensé au travail lent de l’artisan.
Un texte a été rédigé à un moment particulier de cette écriture et j’y explique des errances qui reviennent sur une rencontre précoce avec un incompréhensible. Texte parallèle à celui-ci, habité par la solitude de ces voix jaillissantes où j’ose prodiguer pourquoi je me suis engagée dans une quête interminable 4 en exposant les raisons de mes déplacements sur une mémoire arménienne qui glisse. De façon improvisée, j’avais tenté de comprendre dans l’exercice de l’oral, les raisons de ces glissements d’un niveau à l’autre en suivant le fil de mes investigations successives, des places occupées puis abandonnées. Disons, qu’il s’est produit un défilé métonymique où des partitions susceptibles de produire un Tout se sont superposées dans la recherche de raccords et inviter ainsi le lecteur à comprendre comment à travers la façon dont on traite une question, on a l’ampleur de la question elle-même.
D’une certaine manière, mes parcours accumulant des matériaux me convient à revenir sur cette existence d’un trou béant de la Catastrophe, principe de forclusion énoncé dans le Lien communautaire 5 qui a été porté par le récit de vie d’Haroutioun, rescapé du génocide de 1915, né en 1910 à Stanoze, à trente kilomètres de la ville d’Ankara. Trou impossible à combler n’étant que substance du trou, fissures, clivages et qui produisent des mosaïques de mémoire, des tentatives de couture des fragments 6 .
Ici, chacun s’est engagé dans la confrontation tout en délaissant la tentation narcissique d’être le détenteur de la vérité, le sauveur réparateur. Au sein du monde arménien, ces positions entretenues par l’épreuve du déni 7 a donné lieu à des relations interpersonnelles tendues, à d’immenses malentendus.
Au cours de notre expérience, chacun a contribué à l’élaboration d’un partage et chaque place n’éclipsait pas l’autre mais telle une chorale s’élaborait dans un ensemble, à la frontière de l’autre. L’espoir.
Et l’apparition de cet espoir est lié à l’irruption d’un langage aimable et tinte dans la musique des paroles, transforme les ombres menaçantes et leurs ravageuses conséquences en échanges. Il existe une économie de la dépense dans certaines formes de discours oral, sorte de don à l’autre, hors de toute clôture. Dans le flot de paroles, la trace, c’est l’autre qui la marque, affirme Edmond Jabès 8 .
L’appartenance racontée à une histoire singulière, à travers le passé des parents, a levé des interrogations existentielles à contre-courant de tout forme fixiste d’assignation identitaire. Ici, les récits de nos vies encombrés d’impératifs ont moulé un mode optatif : que souhaitons-nous dire de nous-même à travers ces fissures, ces dissociations, ces décalages, ces adhésions à une histoire de l’anéantissement, de la dispersion et de l’exil ? Est-il possible d’exprimer des instants d’heureuse exaltation ? Et c’est là l’essence de nos essais de parole : rendre compte des pleins et des déliés, souligner des oscillations, des ondulations, des pics et des trous d’où émergent des mouvements narratifs comme autant de voix prolongeant les corps. Réintroduire des intonations de voix, de l’étoffe temporelle, de l’empathie, de l’effervescence, de la litanie et de l’étonnement au sein de notre assemblée.
Le collectif ne fut pas une visée, surtout pas, mais un symptôme turbulent à apprivoiser, à rendre aimable compte tenu du démantèlement violent dont il a été la cible bien que nous ayons relativisé le poids explicatif du collectif pour la compréhension des choix individuels car la souffrance et le chagrin personnels ne coïncident pas toujours avec la souffrance et le chagrin collectifs 9 .
Mais des enjeux se sont situés dans cette reprise du collectif, là, où il est apparu comme une masse conflictuelle, contraignante, violente, synonyme d’égarement ou au contraire comme une référence structurante dans le mode générationnel.
Le mode générationnel et « l’arménité »
Les faisceaux de récits redessinent un mode générationnel et l’enjeu de ce mode est d

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents