Routes
317 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Voici le parcours d'une femme engagée dans quelques-uns des combats émancipateurs du XXe siècle. Situé aux confins du récit de vie, de l'Histoire et de la fiction, l'ouvrage fait revivre une histoire collective vue à travers le prisme d'histoires singulières. Il recueille des fragments de notre histoire proche tels qu'ils ont été vécus tant au niveau personnel que général et collectif par des témoins ou acteurs engagés : les luttes de libération, la mouvance de Mai 68, le mouvement des femmes à son orée, la Conférence des femmes de Pékin, l'Espagne et le Chili sous dictature...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2008
Nombre de lectures 315
EAN13 9782336277028
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sommaire
Page de titre Page de Copyright Dedicace Dedicace 1 — Prénom volé 2 — Le rêve se brise 3 — Enfant de « rouge » 4 — Dévotions 5 — Voix de l’exil 6 — Rendez-vous au Palais-royal 7 — Du Temps perdu à la Joie de lire 8 — Mémoires partagées 9 — Éros, Hélios... 10 — Souviens-toi des nuits d’étoiles 11 — Glissements progressifs 12 — Quelle vie, quelle fête ! 13 — Filles d’amour et de combat 14 — Depuis la nuit des temps... 15 — Terre des hommes 16 — Et le ça dans tout ça ? 17 — Au pays des Araucans 18 — Ombre portée 19 — Posée sur le zafu 20 — Un festival underground à la maison 21 — Nouvelle thébaïde 22 — Terre de Palestine 23 — Femmes à Pékin 24 — Vers le campement des hommes bleus 25 — Labourer la mer 26 — Juste un geste 27 — Tourner la page ? 28 — Un nom de vent du sud Remerciements
Routes
Une histoire d'engagements

Acacia Condes
Illustration de couverture : Anne-Marie Adda Photo quatrième de couverture : Attrait portrait
© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanado.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296073074
EAN : 9782296073074
A Sébastien et Sybille A Louise
Sous l’histoire, la mémoire et l’oubli. Sous la mémoire et l’oubli, la vie. Mais écrire la vie est une autre histoire. Inachèvement
Paul Ricoeur ( La Mémoire , l’histoire, l’oubli )
1 — Prénom volé
Le jour est enfin arrivé. En ce début du mois d’octobre, le quatre pour être exacte, je suis convoquée au Tribunal. Cela fait des mois et même des années que je l’attends cette convocation, parce que la justice est comme la tortue de la fable, elle va son train de sénateur. Et par une orchestration secrète du hasard, j’ai reçu quelques jours auparavant la nouvelle de ton arrivée. Alors, le jour même, j’ai décidé de commencer ce récit.
Tu arrives. La vie qui n’est pas avare en surprises va prendre un virage inattendu. Mon cœur s’est mis à battre follement dans ma poitrine. J’ai débarrassé le bureau, branché l’ordinateur et, fouette cocher, les affaires du monde peuvent attendre ; ce récit, je te le dois et je l’entreprends sur-le-champ, avec dans la tête le diagramme étoilé de la rose des vents pointé vers mille directions.
Pour que je te raconte il va falloir que je puise dans mon coffret à mémoire, car le temps conserve tout, et pas seulement la saveur des madeleines. Le temps, oui, mais la mémoire, elle, c’est une autre affaire ; elle est oublieuse, c’est même à cela qu’on la reconnaît, c’est son poinçon, sa marque de fabrique. Elle est sauvage, il faut l’apprivoiser. Tu m’accordes ta confiance, toi qui me lis maintenant, j’y suis sensible, et je m’efforcerai d’en être digne en étant fiable dans mon récit.
Mais tous ces souvenirs qu’il va falloir convoquer. Ils sont tout embrouillés, comme des cordages entremêlés dans une hélice. Il faudra que je démêle patiemment l’écheveau à ton intention. Certains paradent sur le devant de la scène dans un habillage flatteur, sous un éclairage qui donne bonne mine. D’autres se cachent derrière des paravents d’où il faudra les débusquer pour les ramener à la lumière. Sans parler de ceux, les plus malchanceux ou les plus brûlants, qui sont tombés carrément dans les oubliettes. Et, va les tirer de là. J’essaierai tout de même ! Alors, séance tenante, tu vois, je me mets à la tâche : je dois terminer le gros œuvre et même davantage avant ton arrivée. Et puis, je te parle d’un siècle révolu, le vingtième, ça va chercher loin, il faut remonter quelques décennies en arrière et ça... c’est un long voyage...
Mais trêve de. Me voilà devant le Palais de justice de l’Île de la Cité. La journée est froide et ensoleillée, on entend le frôlement sec des branches et quelques feuilles qui virevoltent dans l’air annoncent déjà l’automne. Je ne suis pas seule devant les grilles. Endiguée par des barrières métalliques qui freinent sa progression, une foule patiente attend l’ouverture des portes. On tarde à ouvrir. Chacun progresse maintenant, par poussées intermittentes, jouant des coudes ou des épaules, sa convocation à la main. Demandes de papiers, régularisations, délits mineurs, faillites, je me demande quels motifs ont conduit jusqu’ici chacun de ceux qui m’entourent, poussés maintenant comme moi vers l’entonnoir du portillon de sécurité.
Je viens, moi, pour que me soit restitué mon prénom. Étrange. Récupérer un prénom, comme un paquet en souffrance que l’on va chercher au bureau des objets trouvés de la rue des Favorites ou à la consigne d’une gare, quand il y avait encore des consignes dans les gares avant la crainte des colis piégés. On m’a ôté une part de moi-même. Le prénom, c’est ce que l’on a en propre, c’est le trait d’union entre la lignée et soi, ce qui fait de vous un être qui, dans la chaîne des désirs, ne se confond pas avec les autres. On n’est pas un objet en série que je sache, un ready-made de Marcel Duchamp. On est singulier et unique avec un nom à soi, avec lequel on fait chair. Le lien intime entre le désir de vos parents et vous. Ou bien on le choisit son nouveau nom si on veut en changer. Comme Isidore Ducasse avait choisi de s’appeler comte de Lautréamont ou Henri Beyle, Stendhal. Comment peut-on vous l’ôter d’office? Eh bien si, un autre prénom qui n’est pas le mien m’a été imposé par les intégristes de l’administration. Ils l’ont inscrit sur les registres de l’état civil. Ma démarche se résume en deux mots : que l’un me soit légalement restitué et que l’autre retombe aux oubliettes.
Désirée Solis, je m’appelle. Mais si Solis est bien mon patronyme, Désirée n’est pas le prénom qui figure (ou il ne figure plus, ou pas encore) sur mes papiers d’identité. Je suis dans un entre-deux, vois-tu. Mon prénom complet est Désirée-Liberté. Tout un programme. Mais ce n’est pas un nom d’emprunt, non, un nom de guerre comme on dit, quoique. C’est bien celui que mes parents m’ont donné à ma naissance et, aujourd’hui encore, sa légitimité n’est pas acquise. On m’a toujours appelée Désirée, ou Désirée Liberté, ou plus simplement Déli, mais comment te dire. Il faut que je t’explique. Je ne suis qu’un dinosaure échappé d’une époque antédiluvienne, et je vais ouvrir à ton intention une fenêtre sur le siècle écoulé pour te raconter des bribes d’histoire. Je suis née sur une autre terre, tu l’as compris, ce qui n’est pas très original au vingtième siècle car nous sommes, les émigrés, les exilés, les personnages emblématiques de ce siècle révolu.
Pourquoi cette démarche aujourd’hui ? m’avait demandé maître Alain Michel, l’avocat que j’ai dû saisir pour instruire ma requête, elle est bien tardive . Je lui ai expliqué qu’il y a toujours eu une tolérance administrative. On m’a toujours permis en effet, sur ma demande, et pour sa valeur d’usage, d’inscrire ce prénom dans mes papiers. Jusqu’à une date récente, du moins, où la suspicion vis-à-vis de ceux qui sont nés ailleurs s’est généralisée. Il fallait une décision de justice. Maître Michel est sceptique. Depuis la loi quelque chose, ils n’aiment pas que l’on touche aux états civils, aux noms. Dit-il. Ils enferment les gens dans leur origine, il faut classer, catégoriser, savoir qui est qui et qui vient d’où. La peur a gagné depuis qu’ils ont fermé les frontières, au lieu de gérer les flux d’immigrés dans l’intérêt de tous, avec ces hordes de natifs du Sud qui arrivent clandestinement et cognent aux portes de l’Europe, comme les gueux dans les temps anciens à la porte des châteaux.
Me voilà dans le saint des saints. Boiseries sombres, hall de cathédrale, les talons claquent sur le sol carrelé. J’accède au comptoir d’accueil. Je montre ma convocation au préposé qui l’énonce, salle d’audience 3, pièce 27, bâtiment H, hall C, escalier F, tout en dessinant d’un feutre rouge de jolies flèches et volutes sur une feuille qu’il me tend : c’est le plan du siège des cours et des tribuna

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