Sexe, race et mixité dans l aire anglophone
254 pages
Français

Sexe, race et mixité dans l'aire anglophone , livre ebook

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Description

L'obsession de la « race » et la peur du mélange « racial » qu'exprimait Disraeli au XIXe siècle se retrouvent au fil des ans, tant en Grande-Bretagne qu'en Australie, en Amérique ou en Afrique du Sud. La « race » est théorisée, mise en spectacle (comme dans les exhibitions londoniennes dignes de la Vénus noire ou lors du carnaval de la Nouvelle-Orléans). Ces onze contributions illustrent les débats passionnés qui font rage du XIXe siècle à nos jours autour des questions de sexe, de race et de mixité.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2011
Nombre de lectures 11
EAN13 9782296475571
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sexe, race et mixité dans l’aire anglophone
CollectionRacisme et eugénisme Dirigée par Michel Prum La collection "Racisme et eugénisme" se propose d'éditer des textes étudiant les discours et les pratiques d'exclusion, de ségrégation et de domination dont le corps humain est le point d'ancrage. Cette problématique du corps fédère les travaux sur le racisme et l'eugénisme mais aussi sur les enjeux bioéthiques de la génétique. Elle s'intéresse à toutes les tentatives qui visent à biologiser les rapports humains à des fins de hiérarchisation et d'oppression. La collection entend aussi comparer ces phénomènes et ces rhétoriques biologisantes dans diverses aires culturelles, en particulier l'aire anglophone et l'aire francophone. Tout en mettant l'accent sur le contemporain, elle n'exclut pas de remonter aux sources de la pensée raciste ou de l'eugénisme. Déjà parus : Michel Prum,Métissages,2011. Amélie ROBITAILLE-FROIDURE,La liberté d’expression face au racisme. Etude de droit comparé franco-américain, 2011. John WARD,Le mouvement américain pour l’hygiène mentale (1900-1930) ou Comment améliorer la race humaine, 2010. Catherine UKELO,Les prémices du génocide rwandais. Crise sociétale et baisse de la cohésion sociale, 2010. Claude CARPENTIER et Emile-Henri RIARD,Vivre ensemble et éducation dans les sociétés multiculturelles, 2010. Dominique CADINOT, Michel PRUM et Gilles TEULIE (dir.), Guerre et race dans l’aire anglophone, 2009. Michel PRUM (dir.),Ethnicité et Eugénisme, 2009. Michel PRUM (dir.),Regards surrace ». La Fabrique de la « l’ethnicité dans l’aire anglophone, 2007. Lucienne GERMAIN et Didier LASSALLE (sous la direction de), Les politiques de l’immigration en France et au Royaume-Uni : perspectives historiques et contemporaines, 2006. Xavier YVANOFF,Anthropologie du racisme, 2005. Jean TOURNON et Ramon MAIZ (Sous la dir.),Ethnicisme et Politique,2005. Michel PRUM (dir.),L’Un sans l’Autre, 2005.
Sous la direction de Michel Prum Groupe de recherche Sur l’eugénisme et le racisme Sexe, race et mixité
dans l’aire anglophone
Ouvrage publié avec le concours de l’Université Paris Diderot L’Harmattan
Du même auteur Aux Editions L’Harmattan Métissage,2011.Guerre et race dans l’aire anglophone,2010. Ethnicité et eugénisme,2009. L’Afrique du Sud à l’heure de Jacob Zuma,2009. Race et corps dans l’aire anglophone,2008. De toutes les couleurs. De l’ethnicité dans l’aire anglophone, 2007. Changements d’aire. De la race dans l’aire anglophone,2007.retrouvez tous les ouvrages de Michel Prum sur http://www.editions-harmattan.fr© L’HARMATTAN, 2011 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-56624-8 EAN : 9782296566248
INTRODUCTION
Michel Prum
Benjamin Disraeli, le Premier ministre conservateur et écrivain britannique, fait dire à un de ses personnages, dans son roman Tancred: “ (1847) All is race; there is no other truth, and every race must fall which carelessly suffers its blood to become 1 mixed” . En France, à peu près au même moment, Gobineau fait paraître le premier tome de sonEssai sur l’inégalité des races humainesla phobie de larace »,  (1853). L’obsession de la « « mixité » sont alors dans l’air du temps. Robert Knox (1791-1862), qui, à la même époque queTancred, écrit presque la même phrase : “Race is everything”, est peut-être le « véritable fondateur 2 du racisme britannique » . Pourtant cet Écossais est peu connu aujourd’hui en France, et son ouvrage principal,The Races of Men (1850), n’est familier que des érudits.Neil Davierevient ici sur cet auteur méconnu et mal jugé, qui a souffert d’être caricaturé par certains de ses disciples, à l’image d’un Darwin qu’on réduit trop souvent au social-darwinisme de Herbert Spencer ou de Francis Galton. James Hunt est en quelque sorte le Spencer de Robert Knox. Là s’arrête la comparaison car Knox, même lorsqu’on laisse de côté les dérives de ses héritiers, reste un théoricien de la race qui souligne la séparation et la permanence des groupes raciaux (alors que Darwin développe une pensée ducontinuumet de l’évolution). Knox, souligne Neil Davie, est parfois proche des thèses polygénistes, même s’il ne les embrasse jamais complètement. On e pourrait dire, en employant un vocabulaire du XXI siècle, qu’il est avant tout un théoricien de la mixophobie. Il rejette la mixité raciale, voulant croire qu’il n’y a pas de vrai mélange quand les « races » qui s’unissent sont proches (Celtes et Saxons, par exemple) une seule des deux races prévalant selon lui dans la
1 Benjamin Disraeli,Tancred, or the New Crusade(1847), Londres, 1850, p.303. 2 Selon l’historien Philip Curtin, cité par Neil Davie,infrap.20.
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descendance, ou que, si mélange il y a, quand des races éloignées s’unissent (Noirs et Blancs), la progéniture, de plus en plus inféconde, est vouée à terme à l’extinction. On sait que « mulâtre » vient de «mulato» (mulet), ce mélange stérile de l’âne et de la jument. Donc pour Knox la pureté raciale est dans les deux cas, au bout du compte, préservée, ce qui pourrait nourrir son optimisme. Or la pensée raciale de Knox est profondément pessimiste, et il prévoit, au-delà des conflits raciaux qu’il croit inévitables, l’extinction de toutes les races, y compris les « races pures ». Mais, se demandera-t-on, cette pensée raciale et mixophobe n’est-elle pas déjà assez extrême pour qu’on puisse encore la caricaturer ? En fait Neil Davie montre bien qu’elle s’accompagne aussi d’une certaine radicalité anticolonialiste et d’« une volonté d’étendre les droits de l’Homme aux non-Européens et aux femmes ». Ce sont ces côtés positifs, par exemple ses attaques contre l’hypocrisie religieuse et l’impérialisme britannique, qui seront gommés par ses disciples infidèles, comme James Hunt, déjà nommé. L’Angleterre victorienne, obsédée comme son Premier ministre par la « race », utilise une partie de son énergie intellectuelle à classer les différentes races, et aussi à les mettre en scène.Fanny Robles consacre sa thèse de doctorat (université de Toulouse le Mirail) à l'impact des « spectacles ethnologiques » sur la littérature et les arts visuels victoriens. Comme elle le souligne ici, la vulgarisation du savoir ethnologique fait apparaître les liens de cette jeune discipline avec la zoologie. On parle aujourd’hui, rappelle-t-elle, de « zoos humains » pour caractériser ces manifestations populaires où étaient exhibés, en Europe ou aux États-Unis, des « spécimens » exotiques de « races » humaines, africaines ou latino-américaines. Il s’agit ici des années 1850, donc de l’époque où paraîtThe Races of MenRobert Knox. Fanny de Robles donne comme exemple les “Aztec Lilliputians”, nom sous lequel on désigne deux enfants enlevés de leur continent (l’Amérique centrale) pour être exhibés à Londres en 1853 dans desfreak shows mais aussi à Buckingham Palace, ou encore les Earthmend’Afrique du Sud. Nous avonsspécimens » ”, autres « récemment vu en France le filmLa Vénus noire (Abdellatif Ketiche, 2010), sur l’exhibition, assez comparable, de Saartjie
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Baartman, la « Vénus hottentote », cette jeune femme Khoïkhoï qui fut elle aussi exposée en Angleterre comme une bête de foire avant d’être examinée à Paris par Geoffroy Saint-Hilaire puis, après sa 3 mort, disséquée par Georges Cuvier . 4 Les Noirs et les autres « races » non européennes sont alors peu présents sur le sol britannique, du moins par rapport à la e seconde moitié du XX siècle, et ils appartiennent plus à l’imaginaire collectif qu’à la réalité du monde du travail. Pourtant e la crise économique qui sévit à la fin du XIX siècle en Angleterre vient alimenter la xénophobie et renforcer la suspicion à l’encontre des immigrés, soupçonnés de venir prendre le travail des Anglais et de contribuer, en acceptant des salaires de misère, à la chute des taux de rémunération. Mais ces immigrés sont des Européens, des Irlandais et aussi des juifs ashkénazes venus de Russie ou de Pologne. La population juive passe de 25.000 en milieu de siècle à 350.000 à la veille de la Première Guerre mondiale, se concentrant surtout dans certains quartiers pauvres duEast End londonien. L’antisémitisme qui se développe alors est partagé par certains intellectuels. Parmi eux, la « sociologue de terrain » (social investigator) Beatrice Potter est souvent citée, aux côtés de son mari Sidney Webb, comme coupable de ce rejet des juifs.Janie Mortier, qui reconnaît avoir longtemps « apporté spontanément crédit » à ces accusations, s’interroge ici sur le bien-fondé de cette étiquette infamante. Pour répondre à cette question, elle reprend avec rigueur les principaux textes de la célèbre fabienne, dont les journaux personnels qu’elle tenait. Beatrice Potter, pour étudier les pauvres de l’East Endlondonien, était devenue ce qu’on appellera en 1968 une « établie ». On se rappelle ce mouvement maoïste, proche de la Gauche prolétarienne, qui prônait à ses militants de devenir prolétaires et de « s’établir » dans une usine, à l’instar de 5 Robert Linhart, le plus célèbre d’entre eux . Or « l’établie » Beatrice Potter, qui cache ses origines bourgeoises pour se faire embaucher par une patronne juive dans un atelier de confection du
3 Sa dépouille a été restituée à l’Afrique du Sud en 2002. 4  Les Hottentots ne sont pas des « Noirs », contrairement à ce que le titreLa Vénus noirepourrait le faire croire. 5 Voir Robert Linhart,L’Établi, Paris, Éditions de Minuit, 1978.
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ghetto, n’exprime jamais de véritables jugements antisémites, bien au contraire. Cet article est l’occasion pour Janie Mortier de e revenir sur cette question juive à la fin du XIX siècle à Londres, mais aussi d’expliquer pourquoi, au siècle suivant, dans les années 1970, un tel soupçon a été distillé à l’encontre de cette militante socialiste. e L’opposition à l’immigration juive du dernier quart du XIX siècle a joué un rôle central dans les débats qui ont précédé la promulgation du célèbreAliens Act de 1905, comme le rappelle Trevor Harris. Si Beatrice Potter, on l’a vu, évite de stigmatiser la communauté juive, ce n’est pas le cas d’une grande partie de la société anglaise, depuis le publiciste libéral Arnold White, qui cible l’immigration juive, jusqu’à la prestigieuse revueThe Lancet, qui incrimine la « colonie de tailleurs juifs », en passant par les syndicats ouvriers, qui dénoncent la concurrence déloyale de ces nouveaux arrivants sur le marché du travail et déplorent le fait que la Grande-Bretagne soit devenue « le refuge de tous les déchets des pays de l’Europe centrale ». Il faudra de nombreuses années pour que la campagne pour la restriction de l’immigration aboutisse car les « restrictionnistes » rencontrent de solides résistances à Westminster et se heurtent en particulier à l’opposition talentueuse du libéral Charles Dilke, dont Trevor Harris montre l’étonnante évolution. Le Dilke qui se bat contre la futureAliens Act1905 de est « à des années lumières » de ses premiers ouvrages où il exposait son abjection des autres « races ». En quelques années, la notion de « race », centrale au début, est devenue tout à fait secondaire pour lui. Mais on ne peut pas dire qu’au niveau général de la société britannique la question de la « race » s’évacue aussi vite. L’obsession raciale que révélait Disraeli s’exprime dans l’opposition aux autres prétendues « races », Noirs ou Asiatiques, e mais aussi dans la hantise, très prégnante à la fin du XIX et au e début du XX siècle, de voir la « race » blanche (ici britannique) dégénérer et s’éteindre. L’eugénisme, pour employer le terme forgé en 1883 par Francis Galton, cousin de Charles Darwin, exerce une influence considérable sur le monde intellectuel. Edith Ellis (1861-1916), sur laquelleFlorence Binardse penche ici, est eugéniste et lesbienne (même si son lesbianisme n’est pas affiché et qu’elle
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