Une caserne au soleil
143 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Ce n'est pas sans émotion que j'ai relu mon manuscrit écrit au cours de mes 27 mois de guerre d'Algérie. J'en ai retiré quelques pages personnelles et inutiles et j'ai ajouté un "15 ans après". A travers le dérisoire, l'humour ou le drame, c'est un texte brut, écrit avec le coeur et les tripes, du récit d'une guerre qui en a tant meurtris. C'est aussi un cri d'espoir, témoignage oublié d'un beau pays au soleil trop chaud. Qu'il apaise tous nos silences.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2009
Nombre de lectures 247
EAN13 9782296926684
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

UNE CASERNE AU SOLEIL

SP 88469
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-08161-1
EAN : 9782296081611

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Alexandre TIKHOMIROFF


UNE CASERNE AU SOLEIL

SP 88469


L’Harmattan
du même auteur

Le sel sur les lèvres
Poèmes

Éditeur : P.J. Oswald

La tasse de thé
Récit

Éditeur : L’Harmattan

à paraître

Poèmes du réséda et de l’acacia
à Michel, Daniel et à ceux des S. P.
Le silence des trois millions de soldats
qui sont allés en Algérie,
ce sont le désarroi et le refus
d’une littérature dans laquelle
ils ne se sont pas reconnus.
Ce que j’ai raconté,
c’est ce que j’aurais aimé lire,
parce que je l’ai vécu.
1 – LA ROUTE DE L’OUEST
Ce fut un émerveillement. Après ces quelques journées de grisaille qui nous avaient conduits de Paris jusqu’ici, là, sous le soleil froid de cette fin de novembre, durant plus de cent kilomètres, il y avait des orangers, encore des orangers. Je n’en avais jamais vu auparavant. C’était la route d’Alger à Cherchell.

Sur la droite, les lopins de cultures vivrières protégées du vent de la mer par des haies de roseaux séchés. Sur la gauche de la route côtière de l’ouest d’Alger, des orangers à n’en plus finir. On oubliait, tant ce paysage était beau, que notre convoi avançait, protégé par des engins militaires. La luminosité donnait une couleur vive aux oranges qui ressortaient sur le fond vert sombre et brillant de leurs feuilles.

C’est ce paysage, cette terre que certains ne voulaient pas quitter, ce sont les profits, ces orangers, que certains ne voulaient pas abandonner et nous, on nous envoyait là-bas au bout de cette route. Pour combien de temps ? On ne savait pas, et pour certains, sans retour.

Quelques jours avant, en 1956, un 11 novembre, date de l’armistice de la fìn d’une guerre, qui serait aussi le jour du début de la mienne, j’étais incorporé à Vincennes pour prendre un train de nuit qui nous conduira à Marseille à la caserne Sainte-Marthe où grouillaient quelques milliers de militaires. Tous attendaient d’embarquer pour Alger.
Alger la Blanche, vue du pont de notre navire, le « Ville d’Alger », avait plutôt une couleur kaki, car nous étions 500 000 à avoir traversé la grande bleue pour venir jusqu’ici.
Ce fut le début du cauchemar.

La guerre d’Algérie ; il y avait ceux qui étaient pour et ceux qui étaient contre. Parmi les pour, il y en avaient qui se prenaient pour de nouveaux bâtisseurs d’empires qui allaient connaître aventures et gloire dans le sable chaud mais ombragé des chemins menant au bar de la plage.

Il n’était pas évident, sur les 60 militaires de notre groupe, de savoir ce que chacun pensait. L’adjudant allait nous y aider.
Au bout de la route, en descendant du camion, il nous a fait aligner et s’est adressé à nous :
Soldats, vos fringues civiles sont dégueulasses. Tous ceux qui feront un pas en avant auront un uniforme et un fusil immédiatement pour aller monter la garde. Quant aux autres, ils resteront en civil pendant au moins trois jours. Actuellement nous sommes en alerte double zéro et on n’a pas le temps de s’occuper d’eux.

Ils furent 5 ou 6 à faire un pas en avant. Pas très fiers les gars, car ils durent monter la garde pendant plusieurs jours, sans cartouches dans leur fusil, ce qui était normal puisqu’ils ne savaient pas tirer… Quant à moi, ce fut le début de mon initiation à la pratique des différents jeux de cartes en usage dans l’armée française.

Mais ces détails ont peu d’importance, même s’ils étaient le quotidien de notre vie. Ce qui importait, ce qui déterminera l’attitude des uns et des autres c’était, déjà, l’idée qu’ils se faisaient, et de la vie en général et de cette guerre en particulier.
Pour les uns, c’était la recherche de la « bulle », c’est-à-dire, comme l ’Homo economicus, obtenir le maximum de satisfaction pour le minimum d’efforts. Pour d’autres, qui réfléchissaient plus, c’était la situation la plus difficile avec ses questions lancinantes : pourquoi suis-je ici, et pour quoi faire ?
Au fil des mois, ils furent de plus en plus nombreux à se poser ces questions.

C’était le temps où Guy Mollet, socialiste SFIO, avait dit : « Je vais faire la paix ». Le Parti Communiste en doutait ; Guy Mollet fut élu, et il envoya Lacoste, autre SFIO, en Algérie… pour intensifier la guerre. Ces écrits qui vivaient en moi, un jour, ont jailli. J’avais senti le besoin de raconter autrement cette guerre qui ne s’appelait pas comme cela.

Cette histoire n’est pas pleine de morts et de sang ; elle est pleine d’amertume certainement, mais aussi pleine d’espoir, comme cet espoir que nous avions, les soirs d’été, en regardant la mer et, derrière elle, cet horizon où était notre pays, le pays où nous avions tous quelqu’un qui nous attendait.

Cette chronique témoigne.
Notes du 10.12.56


SP 88469
Notes du 10 décembre 1956

La pluie s’est abattue sur Cherchell mais les orages ne sont pas trop violents, du moins pour l’instant. J’ai du mal à admettre qu’il faut que je reste encore ici. J’étais à Paris il y a encore si peu de temps et pourtant cela me semble bien lointain.
En cet instant, je pense à ma première soirée militaire à Vincennes, un 11 novembre. Curieux, d’habitude on fête la paix le 11 novembre ! Jamais je n’avais eu autant le cafard. Une salle immense avec plein de types, 200,500 ou peut-être plus, ou peut-être moins. Quelques-uns étaient ivres, quelques autres pleuraient, tous avaient le cafard.
Après les émeutes des rappelés, on nous avait transportés sur un quai sombre de Bercy, devant le train noir. Les casques des CRS qui nous gardaient brillaient, leurs armes aussi. Stupidité d’un monde fou. Nous étions parqués, nous les inoffensifs, les libérateurs, les guerriers pacifistes.
On mangeait sans faim les casse-croûte qui sentaient encore bon la maison qu’on venait de quitter. Il pleuvait ce jour-là. Il ne pouvait pas ne pas pleuvoir.
Et c’est alors qu’a commencé la Bérézina à l’envers. J’ai tout envie de croire maintenant et de rêver à l’avenir, mais pourquoi mon esprit s’y refuse-t-il ? Peut-être parce que la vie n’est qu’un jeu, un jeu de cartes. Si on a les mauvaises au départ, tout est cuit, tout est fini. C’est un jeu où il n’y a pas de revanche. On n’efface pas tout pour recommencer. Roi de trèfle, c’est bon. Dame de pique, c’est fini. Mais, c’est fini. Les jeux sont faits.
Ce n’est qu’un jeu. Un jeu terrible. Le jeu des petits soldats… On ne te demande pas si tu veux ; on te dit : il faut y aller.
2 – BONNE ANNÉE !
Les pieds dans la boue remplacèrent vite les orangers sous le soleil. Nous étions logés dans des baraques de bois aux planches disjointes et je constatais que les nuits d’hiver étaient glaciales en Algérie, surtout sans chauffage.

Pour compenser, nous avons eu l’accueil chaleureux des anciens. Aucune brimade pour nous les « bleus », c’est-à-dire les nouveaux arrivés, bien au contraire, de nombreuses visites attentionnées de leur part et des questions, un peu toujours les mêmes ; on venait du pays, il fallait raconter, encore et sans cesse ; comment était-ce maintenant dans tel quartier ? Avait-on fini de construire tel bâtiment et tel autre ? Et, comme il fallait faire plaisir et que nous ne connaissions pas tous ces coins de Paris et de la banlieue, alors, nous brodions un peu. Broder, ce n’est pas mentir, c’est tout simplement enjoliver.

Le premier café que nous avons bu, un matin avant l’aube (et moi je suis plutôt du soir), c’était un ancien qui nous l’avait apporté au lit dans un grand bidon étamé. Il était franchement dégueu ce café, mais il me réchauffe encore mes souvenirs.

Évidemment, pour le réveillon de cette année 57, un mois et quelques jours après notre arrivée, c’était la bleusaille, c’est-à-dire les nouveaux venus, qui allait monter la gar

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