Eau, capitaux et pauvreté
250 pages
Français

Eau, capitaux et pauvreté , livre ebook

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250 pages
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Description

Les populations qui se trouvent en amont des deux villages Bafou et Bangang ne souffrent pas encore des conséquences du "déficit hydrique". En aval de ces villages où se trouve une grande population agglomérée, ce manque d'eau est déjà bien accentué. Parce qu'ils vivent trop loin des zones de dégradation, les gros utilisateurs d'eau en amont n'arrivent pas à situer leurs actes dans la chaîne d'une dégradation irréversible de l'écosystème mondial.


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Publié par
Date de parution 01 juillet 2015
Nombre de lectures 10
EAN13 9782336386799
Langue Français
Poids de l'ouvrage 14 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

JeanEmet NODEM
EAU, CAPITAUX ET PAUVRETÉ
dans le versant sud des monts Bambouto
Eau, capitaux et pauvreté dans le versant sud des monts Bambouto
Jean-Emet NODEM
Eau, capitaux et pauvreté
dans le versant sud des monts Bambouto
Du même auteur Vente de médicaments à la sauvette à l’Ouest-Cameroun, Paris, L’Harmattan, 2009. © L’Harmattan, 2015 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-04899-4 EAN : 9782343048994
A la mémoire de Chindji Kouleu Ferdinand et Jean Mfoulou
AVANT-PROPOS
1 Les investissements capitalistes ne se méfient plus del’insécurité. Le degré d’engagement dans le processus démocratique des pays« fertiles » en capitaux est également relégué au second plan. La pauvreté et l’ignorance sont ainsi devenues des intrants importants pour la fructification des capitaux. Les milieux pauvres qui regorgent en plus de ressources exploitables sont de véritables 2 paradis pour les investisseurs capitalistes. Schiller (1989) souligne cette option devenue une prédilection pour lesdits investisseurs :multinationales« Les choisissent de s’implanter là où la main-d’œuvre est relativement bon marché et inorganisée ».La quête du profit les transforme finalement en véritables 3 bulldozers. Ziegler relève ce caractère envahissant et destructeur :
[…] L:es monopoles ont une tendance naturelle l’expansion, la maximisation du profit, la croissance continue sont leurs règles. Les monopoles conquièrent le monde. Partout, ils font reculer les modes de production pré-capitaliste. Ils raflent des marchés sur les cinq continents, occupent les régions productrices de matières premières et détruisent des univers entiers. Bref, ils font un monde à leur image.
Parallèlement à cette expansion des multinationales, la plupart des pays dits pauvres sont bâtis sur des disparités et des contrastes sociaux énormes ; on y 4 retrouve souvent une minorité de riches qui étouffent et exploitent une majorité
1  E. E. Hagen (1982 :184) définitl’investissement commedépenses destinées à produire« les l’équipement matériel de la future production». 2 Schiller, I. 1989, « Faut-il dire adieu à la souveraineté culturelle ? » inLe monde diplomatique, août 1989, p.10. 3 J. Ziegler, 1976.Une Suisse au-dessus de tout soupçon, Paris, Editions du Seuil, pp.15-16. 4  Une telle exploitation est le détournement du fruit de la croissance qui aurait dû réduire les disparités sociales. Nlend, D. 1999, pointe un doigt accusateur sur l’un des mécanismes courants de l’enrichissement facile de la minorité des nantis des pays dits pauvres.« Les vraies causes de l’indigence des populations sont ailleurs, et souvent tues. Il y a, en effet, quelque chose qui ne tourne pas rond. Dans un pays comme l’ex-Zaïre, où l’on estime que la fortune de l’ex-dictateur Mobutu suffisait à elle seule pour rembourser la dette de ce vaste et pauvre pays, […] l’argent prêté atterrit quelquefois dans des comptes en Suisse ou ailleurs, dans des paradis fiscaux, ou alors, quand il arrive dans les pays concernés, il sert parfois à construire des châteaux pour les puissants, et non pas des dispensaires et des écoles pour les faibles ». « La dette, bouc émissaire de la mauvaise gestion. Qui est pauvre ? Qui est riche ? » inLa Nouvelle Expressionn° 533 du 28 juin 1999, pp.3-11. Il est donc important de comprendre que les conquérants capitalistes se distinguent par l’origine de leur richesse. Les uns forgent leur statut à partir d’un travail pénible et honnête d’accumulation decapitaux et les autres partent du rapt ou de la ponction minutieuse des biens d’autrui ou publics. C’est ce dernier groupe qui constitue la fondation du mal développement du Tiers-monde. Plusieurs capitalistes des pays dits développés s’accommodent rapidement dans les pays pauvres et accélèrent la descente de ces derniers dans l’enfer de l’indigence instantanée.
écrasante de pauvres. Tout comme les multinationales, cette minorité réussit avec brio à créer dans ces environnements indigents un monde qui s’appauvrit à un rythme par eux imprimé.
Le Cameroun est une illustration claire de ces contradictions. Les pouvoirs 5 6 publics « se battent » en vain pour réduire la pauvretésur l’ensemble du territoire et notamment en milieu rural. Les concepts qui dénotent un regain d’intérêt pour les paysans comme« seigneurs » ont été pendantde la terre longtemps à la mode au Cameroun ; les hommes politiques ne manquaient pas d’exprimer une telle option lors des grandes rencontres politiques. Les lignes qui suivent présentent une partie importante de ces ambitions. Il s’agit de créer […] des formes de développement rurales avec les impératifs de l’évolution démographique et avec les rythmes possibles de la croissance économique générale. Il s’agit d’opérer une rénovation complète du milieu rural de l’intérieur, rénovation qui peut fournir les éléments d’une 7 amélioration indispensable des conditions de vie […].
Pour transformer ces zones rurales pauvres, il s’agissait aussi pour les pouvoirs publics non seulement de retenir les jeunes dans les villages, mais également d’inciter ceux qui sont dans les villes à y retourner. En réalité, ces deux options se sont révélées au fil du temps comme de véritables chimères. L’Étatétant souvent au premier plan de l’expropriation des paysans au nom de l’«utilité publique». Il les exploite aussi, de façon plus subtile, sous le prétexte 8 du «développement rural». Plusieurs citadins en profitent pour réduire les paysans, « propriétaires » terriens, en prolétaires.
5 « Au Cameroun, on grandit excluet souvent, malheureusement, on meurt exclu. Aujourd’hui, on a réduit les Camerounais à une double impuissance :impuissance politique parce qu’ils ne peuvent rien changer à leur destin ;impuissance économique parce qu’ils s’appauvrissent tous les jours des taxes qu’on leur inflige comme une punition. La dernière vague des taxes a fini par convaincre les Camerounais que leur bien-être est le dernier des soucis de leurs gouvernants » in La Nouvelle Expressionn° 1476 du mercredi 11 mai 2005, p.8. 6  La catégorie des pauvres qui est l’objet de notre étude est surtout constituée des exclus. Dominique David (1994 :42) clarifie cette distinction : «La pauvreté n’est pas seulement le manque absolu des besoins de base,mais l’exclusion des biens, services, droitset activités qui forment la base de la citoyenneté. L’éradication de la pauvreté est inséparable de l’inclusion sociale. Le concept de l’exclusion sociale est différent de celui de la pauvreté, qui est plus statique que dynamique et trop exclusivement centré sur la pauvreté « monétaire »[…] Comprendre la pauvreté, et non seulement la mesurer, est le seul moyen de réparer la cassure sociale qu’elle représente » inLe Courrier,n° 143, janvier-février 1994. 7  Rapport de politique générale élaboré par le président national de l’Union nationale camerounaise (UNC), président de la République Unie du Cameroun, Son Excellence Ahmadou Ahidjo au troisième congrès de «la maîtrise ». Bafoussam, 12-17 février 1980, p 66, Paris, Imprimerie Maury/Malesherbes. 8 « La politique de « retour à la terre »adoptée par plusieurs pays pour lutter contre l’exode rural sert de plus en plus de prétexte aux classes sociales bourgeoises pour exproprier les paysans sans
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L’utilisation actuelle du versant sudmonts Bambouto démontre la des difficulté d’une mise en pratique concrète des deux options.zone, très Cette favorable à la culture des théiers, fut rapidement occupée par la Cameroon Development Corporation (CDC) en 1968. Les paysans furent expulsés sur une superficie d’au moins 1660 hectares. Installés aux environs de ce projet, ils ont une fois de plus été repoussés par les élites locales.
Ici, il ne s’agit plusdel’occupationd’un petit espace de terrain aménagé sous forme d’habitation, mais devastes domaines dont l’idéal est d’en tirer un profit financier consistant. L’habitat y est purement secondaire. La prolifération de cette dernière réalité devenue simple anecdote sur le versant sud des monts Bambouto n’a pourtant pas manqué de susciter de sérieuses interrogations:
[…] Le flou qui enveloppe aujourd’hui la notion d’espace participe pour beaucoup dans la détérioration de tous les facteurs humains et conséquemment des facteurs naturels qui ont fait de la campagne de l’Ouest un exemple didactique présent dans tous les livres de géographie et enseigné dans le monde entier. Aujourd’hui, son destin se joue entre la campagne-habitats résidences secondaires [et la 9 ville] .
Ces « résidences secondaires » étaient, certes, une prise en otage des terres cultivables, mais l’incidence réelle se ressentait surtout sur la production agricole. L’occupation anarchique du versant sud des monts Bambouto laisse voir qu’au-delà de l’agriculture, d’autres ressources naturelles comme les sourcesd’eau douce sont fortement anéanties. Les investissements sont à la base de la ruine de ces ressources hydriques, c’est-à-dire des activités dont l’existence et le développement sont liés à l’eau. Au cœur de ces dernières se trouvent les activités agro-industrielles et l’élevage. Les investissements 10 naissent et se développent à cause de l’émergence de la pauvreté en milieu rural. Dans ces conditions, les pêcheurs en eau trouble sont en majorité des citadins.
défense de leurs terres, en les leur achetant à vil prix », J-M Ela, 1982.L’Afrique des villages, Paris, Karthala, p.97. 9  Kuété, M. et Dikoumé, A., 2000.Espaces et sociétés. Groupe de recherche pluridisciplinaire. Presses Universitaires de Yaoundé, p. 149. 10  Noumsi décrit quelques aspects de la misère des paysans au Cameroun. Il dit que « le paysan est parfois obligé de vendre des intrants agricoles pour lesquels il ne bénéficie d’aucune subvention, et de serrer la ceinture pour attendre des lendemains meilleurs, mais qui se font toujours attendre, dans un monde où il est abandonné à lui-même, sauf lorsque des sacs de riz et des cornes de boeufs tombent pour certaines circonstances bien précises », J. Noumsi, 2004. «L’Etat lutte-t-il contre la pauvreté ou contre les pauvres » inL’effort, n°329 du 28 avril 2004, p.7.
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