Une société rizicole camerounaise
226 pages
Français

Une société rizicole camerounaise , livre ebook

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226 pages
Français

Description

Les populations impliquées dans le développement de la riziculture ont été embarquées malgré elles dans une aventure pilotée par la SEMRY (Société d'Exploitation et de Modernisation de la Riziculture de Yagoua). La SEMRY a davantage mis l'accent sur la production rizicole, sans apporter de transformations dans le vécu quotidien de ces populations déboussolées dès que manquent les moyens financiers.


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Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2016
Nombre de lectures 21
EAN13 9782140000386
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

JosephDOMO
UNE SOCIÉTÉ RIZICOLE CAMEROUNAISEL’exemple de la SEMRY
Une société rizicole camerounaise
Joseph DOMO
Une société rizicole camerounaise
L’exemple de la SEMRY
© L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-07839-7 EAN : 9782343078397
Introduction
« Vivre et mourir dans l’univers d’une société de développement », tel était le titre initial de ce travail pour paraphraser l’intitulé d’un article : « Exister pour soi ou disparaître ? De la passivité contrainte à la prise d’initiative 1 chez les riziculteurs de Yagoua » . L’histoire se déroule dans le périmètre qui fait l’objet de la présente préoccupation. Les populations impliquées dans le développement de la riziculture ont été embarquées malgré elles dans une aventure dont les tenants et les aboutissants leur sont imposés. Elles ont su s’y adapter à tel point que l’opération de mise en place de la pratique rizicole est devenue si familière qu’elles semblent ne plus s’en passer. Elles se trouvent empêtrées dans une aventure pilotée par une société de développement qu’est la SEMRY (Société d’exploitation et de modernisation de la riziculture de Yagoua). Et l’on entend parler de sociétés de développement, particulièrement dans les pays nouvellement « indépendants ». Que représentent-elles ?
Sociétés de développement par-ci, missions de développement et autres par-là, que développent-elles au juste ? Pourquoi et pour qui ? Qu’entendent-elles par développement ? Une observation même furtive de ces sociétés dites de développement permet de constater : - qu’il s’agit généralement d’organismes chargés de la diffusion d’un type de culture : coton, café, canne à sucre, palmier à huile, hévéa et autres ; - que dans la majorité des cas, les cultures (à développer localement) proviennent d’autres contrées où elles ont été 1  L’article peut être lu dans l’ouvrage collectif sous la direction de Georges Courade, Le désarroi camerounais à l’heure de l’ajustement, Paris, Karthala, 1994, pp. 264-270.
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essayées avec succès, leur expansion y est à son apogée et les possibilités d’assurer une production importante sont limitées ;
- ces cultures ne visent pas directement la population locale. Elles constituent pour certains produits tels que le cacao, le coton, etc., une source d’approvisionnement pour les initiateurs des projets, basés dans les pays développés. Le financement de départ est presque entièrement consenti par eux ou, autrement dit, ils financent plus facilement leurs projets tandis que les cultures vivrières traditionnelles n’en bénéficient pas ;
- l’apport le plus important des populations locales, perçu par les promoteurs, reste le travail ou plus adroitement, l’adoption et l’appropriation de ces cultures pour leur pérennisation, donc leur développement dans les zones concernées ;
- l’importance des cultures ou plantations pour l’environnement social impliqué dans le processus n’est pas prioritaire. Leur impact devra se faire par les conséquences nées de leur implantation, etc.
À cette énumération non exhaustive, j’ajoute que seules les disponibilités physiques (qualité des sols, fréquence des pluies, facilité d’évacuation) entrent en ligne de compte pour le choix du site, même si la considération d’une mobilisation facile de la main-d’œuvre est un facteur incitatif sans toutefois omettre de citer un élément de taille : la récupération assurée du capital investi. Aucun capital ne peut être mobilisé uniquement pour les beaux yeux des populations locales. Il est souvent affirmé qu’elles en sont les premières bénéficiaires, mais les faits ne plaident pas en leur faveur. Nous allons retrouver tout au long du travail des pistes qui prouvent le contraire. Les populations locales ne récoltent que des broutilles face aux faramineux gains encaissés par le grand capital.
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Les sociétés de développement ne s’occupent d’abord que de leur raison d’être : assurer la diffusion d’une pratique agricole. Le développement qu’elles sont censées introduire dans les zones ainsi choisies ne peut se faire que sur la base d’une transformation radicale des concepts, mœurs et modes de vie locaux. Le développement d’une plante comme le palmier à huile ou toute autre plante déjà inscrite dans les habitudes agricoles du terroir ne peut être appréhendé comme celui d’une plante toute nouvelle et jamais éprouvée localement. Dans le premier cas, la généralisation de la culture, sa modernisation et l’organisation du travail modifient bien des certitudes, des connaissances adaptées aux réalités culturales locales rythmant la vie des individus. La nouveauté ne réside pas dans la plante (puisqu’elle est depuis fort longtemps connue), mais concerne la finalité qui est dès lors réservée à la production. Exclusivement tournée vers la satisfaction des besoins propres, la production est alors canalisée vers d’autres horizons et induit dans le milieu des rapports basés ou marqués par le numéraire, sève vivifiante de la modernité.
Quant à l’exploitation de la plante non encore connue du milieu, les choses se présentent différemment. Non seulement il faut la cultiver, des habitudes sont à instaurer et une large couche de la population à convaincre pour rendre endogène la pratique, faire accepter par tous et, progressivement, effacer le sentiment d’étrangeté. Ici tout est à faire, à apprendre, sauf cultiver qui est un acte présent dans presque toutes les sociétés. Certes, les bouleversements psycho-socio-économiques sont profonds. Ils ne diffèrent pas foncièrement de ceux générés par une agriculture ancienne, réhabilitée.
Tout milite pour la transformation des acquis traditionnels, pour une meilleure imprégnation de la nouvelle dimension des événements en train de s’établir dans l’environnement. De toutes les façons, la préservation de la culture locale, si florissante et si puissante qu’elle soit, n’est pas une mesure
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ou une « politique » perçue comme galvanisante pour les actions futures. Au contraire, la tendance est à sa minimisation et d’ailleurs, les tenants de cette culture traditionnelle lui tournent le dos et au contact des courants exogènes, la trouvent rétrograde, éblouis qu’ils sont par le pouvoir de la technicité, de la modernité.
C’est un choix qui est finalement posé, mieux, une obligation qui est faite aux populations locales d’abandonner ce qui a fait leur histoire, leur identité. Comme cette dernière est chancelante (ayant perdu tous ses supports ou en voie de les perdre), le glissement vers un autre type de réalité sociale, ici l’agriculture moderne avec tous ses corollaires, est (presque) inévitable.
Les sociétés de développement développent ce qu’elles ont apporté. Les populations participent à ce développement tout en épousant inconsciemment la philosophie de ce développement judicieusement mis en place pour parvenir effectivement à cette finalité. Il est question de l’émergence d’un type d’humain ouvert à la modernité, par opposition à celui vivant de son agriculture archaïque, limitée dans son évolution. L’ancrage de l’artisan (le paysan) de ce développement ne doit se faire qu’étant dépouillé de sa tradition, seule mesure susceptible de favoriser la nouveauté de s’installer et de demeurer. Les machines, les engrais, la productivité sont là pour convaincre du bien-fondé de telle ou telle agriculture. La mobilité (déplacement d’un site, d’une région à l’autre), l’instabilité (perte possible du travail dans le cas du salariat agricole), l’angoisse (incertitude du lendemain), l’extravagance (adoption de pratiques sociales débridées : alcool, prostitution, recherche du superflu), la vanité et le découragement, etc., forment le lot quotidien de la nouvelle mouvance générée par les sociétés de développement.
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Cette présentation des sociétés de développement leur est défavorable. Au fond, elles sont parfois intéressantes. Elles participent à tout un ensemble de mutations sociales dans les zones où elles sont implantées et les transformations qu’elles induisent sont si profondes qu’elles deviennent, au fil des ans, des réalités indéracinables, incontournables, et parfois, les voies uniques et possibles à la disposition des populations pour se laisser happer par les vagues de la modernité.
Dans une configuration physique et sociale soumise au tarissement des idées novatrices à grande échelle, les sociétés de développement viennent insuffler une vie et un dynamisme certains. Quand on mesure la sclérose, la stagnation et le laxisme dans lesquels se trouvent engluées des sociétés traditionnelles devant faire face aux difficultés d’approvisionnement en tous genres (dont elles sont l’objet), les sociétés pallient ces insuffisances, nées des conditions tant climatiques que résultant des groupes sociaux eux-mêmes, limités dans leur processus évolutif, par des facteurs tant endogènes qu’exogènes.
Les sociétés de développement sont tout cela à la fois, c’est-à-dire promotrices de l’agriculture pour laquelle elles ont été créées et par ricochet, signes d’ouverture des milieux sociaux à la modernité et aussi fossoyeuses de l’identité culturelle des groupes. Mon souci n’est pas de faire une étude d’envergure sur les sociétés de développement en tant que telles. Elles sont si nombreuses et si diversifiées tant sur le plan géographique que sur le plan de leur raison sociale. Ma réflexion sur ces sociétés sera très limitée. Je me contenterai de « borner » mon approche et ne la porter que dans le cadre de la SEMRY. Même dans ce cadre-là, je ne parlerai que de SEMRY I. Mon essai place cette société dans le contexte circonscritgrossomodol’arrondissement de Yagoua et par plus particulièrement par les zones où est érigée sa base de lancement pour aller à la conquête des espaces encore inexploités. Les références à SEMRY II et éventuellement à
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