Congo-Zaïre
260 pages
Français

Congo-Zaïre , livre ebook

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260 pages
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Description

Près d'un demi-siècle après son indépendance, la question de la survie du Congo et du statut de ses ressources naturelles est de plus en plus évoquée dans plusieurs cercles internationaux. A travers un aperçu de l'histoire, cet ouvrage décrit les enjeux et les évènements importants qui ont marqué l'histoire passée et récente du Congo. L'auteur apporte de nouveaux éléments de discussion pour leur compréhension, comme le tout premier témoignage public de Jonas Mukamba sur l'assassinat de Patrice Lumumba.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2009
Nombre de lectures 173
EAN13 9782296234239
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PRÉFACE
Une des interrogations constituant le fil conducteur de cet excellent aperçu de l’histoire politique duCongo-Kinshasa par Ngimbi Kalumvueziko est pourquoi les espoirs de tout un peuple à chaque moment décisif de renouveau dans la vie de notre pays soient éventuellement déçus. Les moments les plus importants à cet égard comprennent l’’indépendance nationale, en juin 1960 ; les élections de 1965, faisant suite à l’adoption par voie référendaire de la Constitution de Luluabourg ; laConférence nationale souveraine de 1991-1992 ; et les élections de 2006, qui devaient mettre fin à la deuxième période de tutelle internationale en 46 ans d’une souveraineté nationale extrêmement fragile. L’un des grands mérites de ce livre consiste dans le fait que l’auteur ait réussi à expliquer d’une manière claire et succincte les tenants et aboutissants d’une crise interminable.
Le mot « crise » est devenu synonyme de la vie politique congolaise. Nous parlons aujourd’hui de la « première crise congolaise » de 1960-1965, pour laquelle une mission de l’Organisation des Nations unies (ONUC) d’environ 20.000 casques bleus et de plusieurs milliers de techniciens civils imposa une véritable tutelle administrative sur leCongo entre 1960 et 1964.De 1999 à présent, une deuxième mission des Nations unies (MONUC) avec 17.500 militaires et environ 3.000 civils en 2008, assiste, impuissante, à la détérioration de la situation sécuritaire à travers le pays, et particulièrement dans la province du Nord
Kivu.Entre les deux crises de dimension internationale, le pays n’a-t-il pas connu des rébellions armées pour la « deuxième indépendance » ; des coups d’Etat savamment montés par le dictateur Mobutu Sese Seko afin d’éliminer de son armée les jeunes officiers dont les compétences l’effrayaient ; les deux guerres du Shaba, en 1977 et 1978 ; et la guerre de sept mois pour le renversement du régime Mobutu par une coalition d’Etats africains par l’armée rwandaise interposée?
La crise actuelle fait suite à la guerre interafricaine pour les ressources duCongo, qui suivit la tentative du Rwanda et de l’Ouganda de se débarrasser de Laurent-Désiré Kabila quand celui-ci venait de renoncer à sa vocation de marionnette un an après sa prise de pouvoir grâce au soutien des parrains rwandais et ougandais. Tout comme ils avaient créé l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL) deux semaines après le déclenchement de l’invasion rwandaise des camps des réfugiésHutuau Congoen octobre1996, cesdeux parrainseurent l’astuce de mettresur pied enaoût 1998 un mouvement rebelle congolais,le Rassemblementcongolais pour la démocratie (RCD), àfinde confondrel’opinion publiqueinternationale, pour qui la deuxièmeguerre duCongoétait uneguerre civile entre Congolais,tandis qu’il s’agissaiten réalité d’une agression pure et simple delapartduRwanda etde l’Ouganda.
Si lefacteurextérieurestainsiterminantdans la crise congolaise,il n’en restepas moins quesa cause principale est lafaiblesseinstitutionnelle del’Etatcongolais, quiesten grandepartie due àlamédiocrité dela classe politique congolaise, de1960àprésent.Lemanque de sérieuxet l’absence depatriotisme au seinde cette classesont biendocumentésdanscet ouvrage de NgimbiKalumvueziko,
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dont l’expérience personnelle en tant que fils d’un évolué congolais d’une part et haut fonctionnaire de l’Etat d’autre part lui a bien servi de perchoir pour une observation attentive de la vie politique congolaise depuis 1960.
Comme lui, nous ne cessons de nous étonner de la légèreté de politiciens congolais, parmi lesquels on trouvera des individus ayant participé à toutes les formations ayant pignon sur rue soit à Kinshasa soit dans la rébellion, du régime Mobutu au gouvernement de transition d’Etienne Tshisekedi ; du RCDau Mouvement de libération duCongo (MLC) de Jean-PierreBemba ; et de là à la mouvance présidentielle de Joseph Kabila et au gouvernement d’Adolphe Muzito.Ce genre de prostitution politique reflète non seulement l’absence de fermes convictions politiques, mais aussi la quête permanente du gain facile par l’accès aux postes ministériels et parastataux porteurs des privilèges et des avantages matériels.
C’est grâce à cette fixation pécuniaire que M. LawrenceDevlin et laCentralIntelligenceAgency(CIA) américaine réussirent d’embringuer le président Joseph Kasavubu et leGroupe deBinza (Joseph Mobutu, Justin Bomboko, Victor Nendaka,Damien Kandolo,Albert Ndele) à travers le ProjetWizard[magicien], par lequel ces derniers étaient financés, dans la sale besogne d’élimination politique et physique de Patrice Lumumba.En tant que bénéficiaire de la contre-révolution des colons blancs enAfrique australe, source principale des mercenaires rhodésiens et sud-africains qui renforcèrent sa position politique à la fin du mandat de l’ONU en 1964, Moïse Tshombe se crut au-dessus de tout soupçon, et usa de toutes sortes d’astuce pour tenter de se propulser à la présidence duCongo au détriment de Kasavubu. Une de plus grandes ironies de l’histoire politique duCongo est que les groupes lumumbistes tels que l’Union
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générale des étudiants congolais (UGEC) saluèrent le coup d’Etat de 1965 du général Mobutu, comme celui-ci venait d’écarter du pouvoir le « traitre » Tshombe. Pour ce groupe progressiste, le fait que Mobutu ait interrompu le processus démocratique amorcé par laConstitution de Luluabourg n’était qu’un moindre mal. Trente-deux ans après, nous nous sommes bien rendus compte de cette grave erreur d’appréciation.
De tous les moments décisifs décrits dans l’ouvrage de Ngimbi Kalumvueziko, j’ai le plaisir de m’attarder sur celui relatif à laConférence nationale souveraine (CNS). J’ai consacré une analyse détaillée à laCNS, son mode de fonctionnement, ses résultats ainsi que les institutions qu’elle avait engendrées (le gouvernement Tshisekedi, leHaut Conseildela République,la Commission nationale des élections, CNE)dans undeschapitresdemon ouvrageThe Congo from Leopold to Kabila : A People’s History(Zed Books, LondresetNewYork,2002).Ayant moi-même participé à cegrandforum nationalcomme« invité dela CNS»,j’aurais souhaitéquel’auteur yaitconsacréun peu plusdattention.Lemprise dela CNSsur laviequotidienne auCongoentre avriletdécembre1992ainsi quel’ampleurde son influencesur la conscientisation politique des masses populaires,nesont quemarginalementévoquéesdans le présent ouvrage.La CNE,uneinstitutiondela CNSmise en er placele1 janvier 1996etdont jefus lepremier vice-président,mérite égalementdêtreprise encompte, dautant plus quesonexpérience était riche denseignements pour la Commissionélectoraleinpendante(CEI)de M. l’Abbé Apollinaire MaluMalu.
En recommandantàtous lesCongolaisesetCongolais ainsi qu’àtousceux qui s’intéressentau sortdenotrepays la lecture del’ouvrage de NgimbiKalumvueziko,j’aimerais
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appuyer son appel à plus de responsabilité auprès des dirigeants et des intellectuels congolais en citant un des passages de ma déclaration de politique générale à laCNS : « La crise actuelle ne peut être endiguée qu’avec un gouvernement responsable et légitime, c’est-à-dire un gouvernement dans lequel le peuple se reconnaît et qu’il considère comme celui qui exprime le mieux ses aspirations et défend le mieux ses intérêts. Un tel gouvernement n’est possible que dans la mesure où il est constitué non par des technocrates issus des organismes internationaux du système mondial qui seraient prêts à nous imposer la logique de soumission aux ajustements structurels tels que conçus et définis à Washington, mais plutôt par des femmes et des hommes imprégnés du patriotisme et de la conscience nationale et qui jouissent de la confiance de notre peuple. Avec la recrudescence de la conscience tribale et des tendances régionalistes savamment entretenues par le gouvernement en exercice, ces femmes et ces hommes doivent être des nationalistes sans reproche, des personnalités qui défendront à tout prix et contre vents et marées les intérêts supérieurs de la nation. »(Déclaration de politique générale du ProfesseurGeorges Nzongola-Ntalaja, Invité de la Conférence nationale souveraine, Personnalité Scientifique, Kinshasa, 14/5/1992).
Georges Nzongola-Ntalaja Professeur d’études africaines Université deCaroline du Nord àChapelHill, USA. 28Décembre2008
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INTRODUCTION
Au moment où je termine la rédaction de ce livre,la (dernière?) guerre qui, pendant six mois (août 2008 à janvier 2009), a ravagé l’Est duCongo semble s’être arrêtée.Ce développement rapide de la situation a pris par surprise tous les observateurs avertis de la situation trouble dans cette partie du pays depuis le génocide rwandais de 1994 tant les données politiques, militaires et d’hégémonie territoriale qui sous-tendent le système de pillage criminel des ressources et les conflits ethniques paraissaient encore inextricables.
Les ferments de la haine ethnique qui y subsistent toujours ainsi que la pratique de la violence pour l’exploitation des richesses naturelles ont fait de cette partie duCongo un véritable trou noir, où se commettent dans la plus totale impunité les crimes les plus abominables, faisant toujours des victimes, et provoquant des déplacements massifs des populations. La guerre qu’a connue leCongo de 1 1998 à 2002 a causé environ 5,4 millions de morts , et des déplacements de plus de 3 millions de personnes à l’intérieur du pays. Ses conséquences sur l’environnement ont été dévastatrices, en plus d’importantes destructions des
1 International Rescue Committee, Mortality Survey in the Democratic Republic of Congo, 2008
infrastructures.C’est le conflit le plus meurtrier qu’ait connu le monde depuis la deuxièmeGuerre Mondiale.
Longtemps abandonnée à une multitude de groupes armés incontrôlés, aux milices autochtones Mai-Mai, et aux groupes armés antagonistes rwandais, leCongrès National pour laDéfense du Peuple,CNDP, et leFrontDémocratique pour la Libération du Rwanda,FDLR, toute cette région est encore loin de retrouver une paix définitive. Son histoire est celle de douleur pour la population
Les nombreuses initiatives jusqu’ici prises tant par le gouvernement congolais que par laCommunauté Internationale n’ont pas réussi à faire taire définitivement les armes, ce qui fait peser une réelle hypothèque sur l’intégrité territoriale et la souveraineté duCongo, en considérant surtout la forte implication des acteurs étrangers, particulièrement le Rwanda dont les visées sont claires : déstabiliser le Kivu, et profiter de l’anarchie ainsi créée pour continuer à piller ses richesses.
LeCongo souffre de l’abondance de ses richesses, dont sa population n’a jamais pleinement bénéficié.En concluant en janvier 2009 un accord avec le Rwanda pour mener conjointement des opérations militaires sur le territoire congolais des opérations militaires dans le but de neutraliser les forces duFrontDémocratique Rwandais,FDLR, dont certains membres sont tenus pour responsables du génocide rwandais, et dont la présence sur la frontière a toujours été considérée par le Rwanda comme une menace pour sa sécurité, le gouvernement congolais s’est engagé dans une voie à l’issue encore incertaine. Un pari risqué tant les motivations réelles du Rwanda ne sont pas très claires, et que son armée ne rassure pas encore quant à sa capacité à défendre l’intégrité et la souveraineté du pays.
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Le vaste territoire drainé par le bassin duCongo au cœur de l’Afrique et qui est devenu leCongo, avait été attribué à Léopold II, roi desBelges, à laConférence de Berlin en 1885, afin de calmer les tensions qui risquaient de se transformer en conflits ouverts entre les pays européens se disputant des possessions enAfrique.
Plutôt que d’en faire un territoire de libre-échange suivant les recommandations de laConférence deBerlin, Léopold II réussit par toutes sortes de manœuvres à flouer tous les autres pays européens pour faire duCongo sa propriété privée. Pour exploiter les ressources duCongo à son profit personnel, il y instaura un système d’une extrême brutalité sur les populations qui a coûté la vie à 10 millions de 1 personnes .
En reprenant leCongo en 1908, le gouvernement belge s’efforça de réparer l’image de laBelgique ternie par son roi. Il allégea le travail forcé et améliora sensiblement les conditions de vie des travailleurs des entreprises coloniales, sans pour autant changer fondamentalement changer le système d’exploitation des ressources.
Àl’accession duCongo à l’Indépendance le 30 juin 1960, le gouvernement belge réussit un véritable hold-up économique et financier, en privant son ancienne colonie de la pleine disposition du patrimoine colonial qui lui revenait. Près d’un demi siècle après l’Indépendance, lesCongolais n’ont pas encore réussi à créer une véritable nation, c’est-à-dire une communauté d’intérêts où tous les groupes se sentent sécurisés, jouissent des mêmes droits à l’exercice du pouvoir, et participent de façon égalitaire au partage des richesses
1 Adam Hoochshild, Les fantômes du roi Léopold, Edition Belfond, 2007
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nationales. Ils n’ont pas non plus réussi à constituer un état structuré, capable de défendre l’intégrité territoriale et la souveraineté de leur pays, d’assurer leur bien-être, et de porter les ambitions légitimes de son statut de «géant d’Afrique» dû à la grande dimension de son territoire, sa grande population, l’importance de ses richesses, la grande étendue de ses forêts, l’importante réserve en eau douce et l’important potentiel hydro-électrique qu’il détient.
Depuis son Indépendance, leCongo a connu des situations qui auraient entraîné sa dislocation. Les différents conflits armés, les agressions extérieures, et les rebellions au pouvoir n’ont jamais pu détruire l’édificeCongo, comme si lesCongolais pouvaient se permettre de s’entredéchirer sur toute autre question sauf l’unité de leur pays.
LeCongo a aussi manqué d’importants rendez-vous avec l’histoire. L’aboutissement de laConférence Nationale Souveraine n’aurait-t-il pas permis auxCongolais réconciliés de s’entendre sur un projet démocratique de société et de s’engager dans la voie de développement ?. Ou encore une bonne organisation des élections en 2006 n’aurait-t-elle pas permis de créer les bases d’une véritable démocratie, socle sur lequel devrait s’assoir un état structuré, fort et capable de répondre aux aspirations du peuple ?
Aujourd’hui encore, lesCongolais sont appelés à relever des défis autrement plus grands que ceux d’hier ; bâtir une vraie Nation par la réconciliation, organiser les capacités de défense de l’intégrité et de la souveraineté du pays, éradiquer le pillage des ressources, promouvoir une réelle démocratie notamment par le respect des libertés individuelles, l’éradication de la corruption et de l’impunité, le respect de la femme, et l’égalité devant la justice.
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