L impossible État irakien
188 pages
Français

L'impossible État irakien , livre ebook

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188 pages
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Description

Le nationalisme kurde est une idéologie structurée qui vise à promouvoir un programme de socialisation sur les principes de l'identité nationale. Dès le début des années 1920, l'indépendantisme en a constitué son essence. Ce qui a amené au rejet de l'intégration à l'Etat irakien conçu par les Britanniques en 1921, mais aussi en 2003, alors que ce même État irakien a été recréé « avec » les Kurdes, après la chute de Bagdad suite à l'invasion américaine. Comment expliquer cette détermination de divorcer d'un État dont la reconstruction a été massivement assurée par les Kurdes eux-mêmes ? Comment les acteurs nationalistes kurdes ont-ils réussi à conserver une volonté de voir l'Irak, au mieux comme un pays de passage, au pire comme une force d'occupation ?

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Date de parution 29 mars 2019
Nombre de lectures 3
EAN13 9782140118029
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

AdelBakawan
L’IMPOSSIBLE ÉTAT IRAKIEN Les Kurdes à la recherche d’un État
L’impossible État irakien
Comprendre le Moyen-Orient Collection dirigée par Jean-Paul Chagnollaud Dernières parutions Léa MICHELIS,L’Iran et le détroit d’Ormuz,Stratégies et enjeux de puissance depuis les années 1970,2019. Azza HEIKAL,Saint François d’Assise et le sultan Al-Kâmil, 2018. Christophe LECLERC,Lawrence d’Arabie. Gloire et légendes, 2018. Aline KORBAN,Les représentations identitaires dans les journaux télévisés au Liban, 2017. Dominique LE NEN,De Gaza à Jénine. Tant que la e guerre dureraédition, 2017., 3 Najib LYAN,L’envers du paradis. Une certaine histoire des chrétiens du Liban, 2017. Amal NADER,Les négociations illusoires. Liban, Syrie, Israël, 1991-2000, 2017. Boualem FARDJAOUI,Le conflit à Gaza de 2008-2009 dans le discours médiatique. Quand la guerre devient une affaire de géopolitique mondiale, 2017. Wael SALEH,La conception de l’Etat dans la pensée égyptienne contemporaine, Continuités et ruptures dans l’interprétation des liens entre religion et politique, 2017. Boualem KADRI et Djamal BENHACINE (dir),La mise en tourisme des territoires dans le monde arabe, 2016. Glenda SANTANA DE ANDRADE, Quelle citoyenneté dans les camps de réfugiés ?Les palestiniens au Libande Louis BLIN,Le monde arabe dans les albums de Tintin, 2 édition, 2016. Julia ROY,L’ONU et les réfugiés palestiniens, Le rôle de l’UNRWA, 2016.
Adel BAKAWANL’IMPOSSIBLEÉTAT IRAKIENLes Kurdes à la recherche d’un État
© L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-16791-6 EAN : 9782343167916
Sommaire Introduction ----------------------------------------------------- 7Première partie – Indépendantisme : acteurs, discours et pratiques ---------------------------------------------------11Chapitre 1 – La trajectoire du discours indépendantiste des nationalistes ----------------------------------------------------------- 13Le pankurdisme de la première génération--------- ͳͶL’autonomisme de la deuxième génération --------- ʹͳLe fédéralisme de la troisième génération ---------- ʹͺLa nouvelle configuration du discours indépendantiste------------------------------------------------------ ͵ͶChapitre 2 – Les djihadistes kurdes et la question de l’indépendance ------------------------------------------------------------- 41La première génération djihadiste – De l’islamisation de la question kurde à la « kurdistanisation » de la question islamiste ------------------ ͶͶLa deuxième génération djihadiste – Le passage à l’internationalisation du djihadisme ---------------------------- ͷͶLa troisième génération djihadiste – Les Kurdes de Daech------------------------------------------------------------------- ͸ͶChapitre 3 – Pourquoi devient-on djihadiste au Kurdistan ? ------------------------------------------------------------------ 75L’islam et le processus de la radicalisation---------- ͹͹La culture de violence------------------------------------ ͺͲLa frustration sociale d’une génération -------------- ͺʹLe printemps arabe comme catalyseur -------------- ͺͷDe la mosquée à Facebook : évolution des vecteurs de mobilisation------------------------------------------------------- ͺͺLa kurdistanisation des mouvements islamistes--- ͻͳDeuxième partie – Le nouvel Irak : de la concorde à la discorde --------------------------------------------------------------------93Chapitre 1 – La chute de Bagdad et l’indispensable acteur kurde ---------------------------------------------------------------- 95Sortie de la guerre civile comme ressource capitalisée ------------------------------------------------------------- ͻ͸Intégration dans le système régional en tant que partenaire fiable------------------------------------------------ ͻͻEngagement dans la reconfiguration de l’État irakien ---------------------------------------------------- ͳͲʹ
Chapitre 2 – L’impossible État irakien --------------------105Fragilité sécuritaire, vulnérabilité des services publics : les citoyens livrés à eux-mêmes -------------------- ͳͲ͸Les deux mécanismes de la gouvernance : exclusion des Sunnites et marginalisation des Kurdes ----------------- ͳͳͳLa « milicisation » de la société irakienne : Daech comme modèle ! --------------------------------------------------- ͳͳ͹Chapitre 3 – Pourquoi l’« irakisation » des Kurdes n’a-t-elle pas lieu ?--------------------------------------------------------123La marche vers l’indépendance économique ----- ͳʹͷUn champ politique propre --------------------------- ͳ͵ͲLa montée en puissance de l’acteur kurde -------- ͳ͵͹Troisième partie – Le référendum de l’indépendance du Kurdistan ------------------------------------------------------------ 139Chapitre 1 – Le moment du référendum et la chute de Kirkuk -----------------------------------------------------------------------141Une crise économique dévastatrice----------------- ͳͶ͵Une grave crise politique paralysante-------------- ͳͶͻLe retour remarquable de Bagdad !----------------- ͳͷ͵Chapitre 2 – Les facteurs explicatifs d’un référendum avorté------------------------------------------------------------------------157Un Kurdistan fort face à un Irak faible ! ------------ ͳͷͻS’imposer au système régional et international -- ͳ͸ͶLe désenchantement d’un président solitaire ---- ͳ͹ͳConclusion ---------------------------------------------------- 175Bibliographie sélective ------------------------------------ 179
IŶtƌoduĐtioŶ
Le nationalisme kurde est une idéologie structurée qui vise à promouvoir un programme de socialisation sur les principes de l’identité nationale, la langue, l’histoire, les symboles mythifiés 1 et les intérêts suprêmes de la « nation » kurde. Dès le début des années 1920, l’indépendantisme constituait son essence, par la volonté de ne pas s’intégrer à l’Irak, un État créé de toutes pièces par les Britanniques. Ce programme de socialisation est certes, 2 au départ, le projet d’une élite politique minoritaire , mais il s’est rapidement généralisé. La preuve : lorsque les Britanniques eux-mêmes organisent en 1921 un référendum dans le gouvernorat de Sulaymaniyah, sur l’indépendance du Kurdistan ou son intégration à l’Irak, 83 % de la population vote en faveur de 3 l’indépendance .
Un siècle plus tard, en 2017, les mouvements nationalistes kurdes, toujours à la recherche d’un État, organisent le référendum de l’indépendance malgré le rejet net de l’Irak, des pays du système régional (Iran et Turquie), des pays européens, des États-Unis d’Amérique et surtout malgré l’absence des conditions objectives locales et la persistance de grandes fragilités dont souffre toujours le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK).
En 1921, l’État irakien a été créé « contre » les Kurdes ; de fait, il y a eu la formation d’un discours indépendantiste, rejetant catégoriquement l’intégration à l’État irakien conçu par les Britanniques. En 2003, le même État irakien a été recréé « avec »les Kurdes, et la volonté d’indépendance, la radicalisation du
1 La « nation » toujours en cours de construction par les mouvements nationalistes kurdes. 2 Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud,L’Invention tragique du Moyen-Orient, Paris, éditions Autrement, 2017, surtout le chapitre sur « Les élites isolées ou instrumentalisées ». 3 Chris Kutschera,Le Mouvement national kurde, Paris, Flammarion, 1979, p. 58.
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discours et la détermination de divorcer avec l’Irak sont plus que jamais présentes. Dès lors, les questions affluent.
Comment expliquer cette radicalisation du discours indépendantiste du nationalisme kurde en Irak entre 2003 (chute de Bagdad suite à l’invasion de l’armée américaine) et 4 2017 (chute de Kirkuk suite à « l’invasion » des milices de l’organisation de la Mobilisation populaire) ? Comment expliquer cette détermination de divorcer d’un État dont la reconstruction a été massivement assurée par les Kurdes eux-mêmes ? Comment les acteurs nationalistes kurdes ont-ils réussi à conserver une volonté de fer pour ne jamais se sentir « Irakiens », ne jamais vouloir vivre comme « Irakiens », ne jamais s’approprier le drapeau irakien, ne jamais chanter l’hymne national irakien, ne plus parler arabe, toujours considérer le passeport irakien comme un serpent à avoir absolument dans la 5 poche mais seulement pour un temps , et voir l’Irak, au mieux comme un pays de passage, au pire comme une force 6 d’occupation ?
4 Les Kurdes emploient le mot « invasion » pour qualifier la chute de Kirkuk, en revanche, Bagdad emploie l’expression « le retour de Kirkuk à la mère patrie ». 5 Au mois de septembre 2017, nous avons réalisé plusieurs entretiens détaillés à Erbil et à Sulaymaniyah avec différents acteurs politiques, mais aussi des acteurs de la société civile. Nous avons remarqué une répétition régulière de ces expressions dans le discours de la majorité des enquêtés. Pour eux, l’Irak est déjà très loin. Dans leur imaginaire, l’Irak est définitivement fini. Rarement, nous trouvions un jeune avec le souci d’apprendre l’arabe ! Mais plutôt l’anglais ou d’autres langues européennes. 6 Le président du Parti démocratique du Kurdistan, Massoud Barzani, mais aussi les dirigeants du bureau politique de l’Union patriotique du Kurdistan emploient sans hésitation le mot « occupation » pour nommer la reprise de Kirkuk et des zones disputées par Bagdad. Voir « President Barzani Addresses the People of Kurdistan », publié le 29 octobre 2017 sur son site officiel. https://www.masoudbarzani.krd/en/news-and-press-releases/president-barzani-addresses-the-people-of-kurdistan/ Voir également le discours de l’homme fort de l’UPK, Kosrat Rassoul, sur l’occupation de Kirkuk, mis en ligne le 20 mars 2018. http://speemedia.com/dreja.aspx?=hewal&jmare=54859&Jor=1
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Au-delà des acteurs traditionnellement nationalistes, nous observons l’irruption d’un nouvel acteur sur la scène politique, qui a adopté sans complexe le projet de l’indépendance du Kurdistan : l’islamisme. Comment les islamistes kurdes sont-ils passés du projet de l’islamisation de la question kurde à la « kurdistanisation » de leur projet islamiste ? Comment ont-ils réalisé la transition de la lutte pour l’indépendance de l’Oumma à la lutte pour l’indépendance du Kurdistan ? Face à cette kurdistanisation des islamistes, une nouvelle génération djihadiste se radicalise et s’intègre dans l’Organisation de l’État islamique et Al-Qaida, revendiquant la lutte armée contre le GRK.
Nationalisme, islamisme, djihadisme et tout ce qui constitue l’expérience étatique des Kurdes irakiens à l’échelle locale, nationale, régionale et internationale : voici notre objet d’examen. Certes, nous resterons principalement focalisés sur la situation des Kurdes d’Irak de 2003 à 2019, autrement dit de la reconstruction de l’État irakien jusqu’au référendum de l’indépendance du Kurdistan, de la concorde à la discorde, soulevant de sérieuses interrogations sur l’avenir proche de l’Irak en tant qu’État, société, territoire et population. Cependant, nous ne nous priverons point de retours historiques en lien avec les différents sujets traités, par exemple la trajectoire du discours indépendantiste des nationalistes kurdes ou la trajectoire du discours djihadiste des islamistes kurdes. Dans la même perspective, la perception de la menace de la nouvelle génération djihadiste par le GRK et la stratégie de ce dernier face à ses « démons » seront intégrées à notre grille d’analyse. L’alliance profonde, scellée en 2001, entre les États-Unis d’Amérique et le GRK face aux acteurs djihadistes kurdes et internationaux sera également soumise à une lecture critique.
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