La géopolitique de l'instabilité

Philippe Biyoya Makutu Kahandja

Description

Philippe Biyoya objective ici les rapports de forces et les jeux d'intérêts qui sont à la base de l'instabilité dans la région des Grands Lacs. Il démontre comment cette crise participe de la géopolitisation de la région, à partir de la double instrumentalisation de la faiblesse des Etats et de cette tranche de populations africaines mutantes que formes "les réfugiés". Ils ont cessé d'être citoyens pour devenir des forces géopolitiques à la base des mutations géostratégiques régionales.

Sujets

• Politique

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 juillet 2009
• Nombre de lectures: 287
• EAN13: 9782296924246
• Langue: Français

Extrait

La géopolitique de l’instabilité
dans la région des Grands Lacs


Réflexions sur les réfugiés,
ces acteurs/auteurs des mutations géostratégiques
© L’Harmattan, 2009
Paris : 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
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Kinshasa : 1025 Avenue By Pass
Kinshasa/Lemba, RDCongo
ISBN : 978-2-296-07050-9
EAN : 9782296070509

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Philippe Biyoya Makutu Kahandja


La géopolitique de l’instabilité
dans la région des Grands Lacs

Réflexions sur les réfugiés,
ces acteurs/auteurs des mutations géostratégiques


Collection « Comptes rendus »
L’Harmattan-RDC
Liste des abréviations
1. AFDL : Alliance des Forces Démocratiques pour la libération du Congo
2. APLS : Armée de Libération du Peuple Soudanais
3. CEPGL : Communauté économique des Pays des Grands Lacs
4. CNDD : Conseil National pour la Défense de la Démocratie
5. COMESSA : Common Market for East and South Africain States ou Marché Commun de l’Afrique de l’Est et Australe
6. FAR : Forces Armées Rwandaises
7. FAZ : Forces Armées Zaïroises
8. FDD : Forces pour la Défense de la Démocratie
9. FMI : Fond Monétaire International
10. FPR : Front Patriotique Rwandais
11. HCR/UNCHR : Haut Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés
12. LRA : Lord’s Resistance Army ou Armée de Libération du Seigneur
13. MLC : Mouvement de Libération du Congo
14. MPLA : Mouvement pour la Libération de l’Angola
15. MRN : Mouvement de la Résistance Nationale
16. NRA : Nationale Resistance Army ou Armée Nationale de Résistance
17. OLP : Organisation de Libération de la Palestine
18. ONG : Organisation non Gouvernementale
19. ONU : Organisation des Nations Unies
20. OUA : Organisation de l’Unité Africaine
21. RDC : République Démocratique du Congo
22. RFI : Radio France Internationale
23. RRWF : Rwandese Refugee Welfare Foundation
24. UFERI : Union des Fédéralistes et Républicains Indépendants
25. UNICEF : United Nations Children Emergency Found ou Fonds des Nations Unies pour l’Enfance
26. UNITA : Union pour la Libération Totale de l’Angola
27. UPDA : Ugandese People’s Defense Forces
28. WNBF : West Nile Bank Front.
Introduction


L’instabilité de la Région des Grands Lacs est une question devenue ordinaire, tant la référence à cette partie du continent noir rappelle dans la mémoire de l’humanité des concepts du lexique de la tragédie : guerres, rébellions, tueries, génocides, exterminations, avec leurs corollaires naturels que sont l’exode, l’errance et l’exil des populations ne pouvant obtenir de salut précaire qu’en se constituant des « réfugiés ».
Mettre à nu les rapports de forces, cerner les jeux d’intérêts à l’origine de cette instabilité, c’est le but que s’assigne le présent essai. Cette crise dont l’épicentre se situe en République Démocratique du Congo participe de la géopolitisation de la région à partir de la double instrumentalisation de la faiblesse des Etats et de cette tranche de populations africaines mutantes ou en errance que forment les réfugiés.
Depuis des années, ces derniers ont cessé d’être simplement citoyens de leur patrie, pour devenir des acteurs ou des forces géopolitiques à la base des mutations géostratégiques observables à l’échelle régionale. Du Tchad dans les Tibesti au Rwanda au bord des Grands Lacs, une certaine politique africaine semble élaborer une géopolitique de l’instabilité sur la base du changement de rôle des réfugiés.
Les relations internationales africaines jadis bâties sur les principes de non-ingérence, de non-subversion et du refus des assassinats politiques, ont dû subir une véritable mutation à la suite des rebellions tchadiennes appuyées par la Libye.

Dans le cas tchadien, les réfugiés ont provoqué l’effondrement d’un Etat et l’accroissement de l’influence d’un voisin dans les affaires intérieures de ce pays. Le cas rwandais à travers l’Ouganda allait populariser et régionaliser le phénomène. Le phénomène s’est systématisé et régionalisé avec les répercutions qu’eurent les événements du Rwanda sur l’Ouganda. Mieux que l’ami de Kadhafi, Museveni aura été son meilleur disciple.

Dans chacun de ces cas, le soutien aux rébellions cachait une visée géopolitique. Si en déclarant la guerre indirecte contre le pays voisin, on ne cherchait pas à lui imposer des modifications territoriales – la Libye voulait une fusion avec le Tchad et l’Ouganda voulait un homeland tutsi au Rwanda – la stratégie consistait à affaiblir suffisamment le voisin pour disposer à sa guise de son avenir politique et institutionnel.

Dans ce contexte, connaître les visées et les modalités de l’instrumentalisation des réfugiés et des exilés par les pouvoirs politiques d’hier et d’aujourd’hui devrait aider à mieux préparer la Conférence Internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement dans la Région des Grands Lacs. La position géopolitique – et donc géostratégique – centrale de la RDC dans cette région ne devrait pas inciter à faire de ses multiples appartenances géographiques l’unique ou le principal enjeu de cette Conférence. En adoptant une telle perspective, on commettrait l’erreur de rendre la RDC comptable de la crise régionale, et donc de condamner à jamais son destin géopolitique, alors qu’en réalité, comme s’efforcera de le montrer cette étude, le « mal géopolitique », l’instabilité régionale dont souffre l’Afrique Centrale a des causes plus profondes que l’instabilité ou le désordre congolais. C’est plutôt la régionalisation de l’instabilité rwandaise qui explique cette géopolitique particulière de l’instabilité régionale en Afrique Centrale.

Ces considérations sont à l’origine de la présente étude qui se propose d’explorer le processus au terme duquel les réfugiés deviennent des acteurs majeurs dans la politique africaine, sans entraîner une modification de leur statut juridique. Pour cerner les facteurs de ce changement des rôles des réfugiés, nous entrerons dans la trame des conflits afin d’établir les rapports entre les crises politiques, l’instabilité africaine et les réfugiés. Notre préoccupation consistera à savoir pourquoi et comment, dans cette partie du continent noir, d’une part les réfugiés sont devenus désormais des agents de crise et de l’instabilité politique permanente, et d’autre part, la conséquence ou l’impact de ce changement de rôle des réfugiés sur l’évolution institutionnelle des relations internationales africaines ?

Pour comprendre comment l’agir des réfugiés, dépassant le cadre conventionnel des relations internationales africaines qui lui assignait pour unique objectif la quête de la protection juridique et, donc, le cantonnait dans l’apolitisme, s’est transformé en lutte politique mobilisant des combattants militaires, des bandes armées ou de rebelles – que l’on a qualifiés de terroristes dans certains cas –, il faut prendre en compte le changement de contexte international. Le passage du contexte de la guerre froide au nouveau contexte post-bipolaire s’est accompagné d’une grande mutation au niveau des acteurs des relations internationales.

Cette étude aurait pour mérite de sensibiliser la communauté politique et scientifique, intellectuelle, à nourrir davantage d’intérêts pour les relations internationales. Elle apporte, par ailleurs, une contribution aux recherches sur le droit des réfugiés que les experts en relations internationales africaines pourraient désormais ériger en question spéciale.
1 Instabilité politique et transformation du rôle des réfugiés


Depuis un certain temps, les rôles des réfugiés ont profondément changé dans la politique africaine, et, spécialement dans la région des Grands Lacs. Pour mémoire, l’article 3 de la Charte de l’OUA qui condamnait la subversion et les assassinats politiques est tomb