Le Chili d Allende et de Pinochet dans la presse française
304 pages
Français

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Le Chili d'Allende et de Pinochet dans la presse française , livre ebook

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Description

Quand Salvador Allende se suicide dans son palais présidentiel, l'économie chilienne est en lambeaux, et le pays au bord de la guerre civile. Les journalistes ne regardent cette situation dramatique qu'à travers le prisme déformant de la théorie du complot américain, sans prendre en compte le blocage institutionnel du pays, les tensions majeures au sein de l'Unité populaire, ni l'utopie fondatrice qui est au coeur même du projet de la "voie pacifique vers le socialisme". Une lecture neuve de l'histoire chilienne au-delà de nos mythologies.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2005
Nombre de lectures 551
EAN13 9782336262697
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
© L’Harmattan, 2005
9782747594554
EAN : 9782747594554
Le Chili d'Allende et de Pinochet dans la presse française
Passions politiques, informations et désinformation 1970-2005

Pierre Vayssière
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Avant-propos Introduction — Le Chili : une nouvelle passion politique française ? PREMIERE PARTIE - Chroniques françaises du Chili
1 — LES INTERROGATIONS DE LA PRESSE SUR L’UNITÉ POPULAIRE 2 — LA PRESSE DE GAUCHE CONDAMNE LE « COMPLOT AMÉRICAIN » - (septembre - décembre 1973) 3 — UN LONG HIVER CHILIEN - (1974-1980) 4 — SCEPTICISME FACE A LA « NORMALISATION » - (1981-1990) 5 — DE LA ‘TRANSITION DÉMOCRATIQUE’ A « L’AFFAIRE PINOCHET » - (mars 1990- janvier 2005)
DEUXIEME PARTIE - Mythes politiques et désinformation
6 — SALVADOR ALLENDE : - UNE RÉFÉRENCE POUR L’UNION DE LA GAUCHE 7 — DIABOLISATION DE L’ARMÉE CHILIENNE ET DU GÉNÉRAL PINOCHET 8 — INFORMATIONS ET DÉSINFORMATION 9 - UNE LECTURE CRITIQUE DE LA PRESSE
Conclusion Chronologie franco-chilienne SÉLECTION BIBLIOGRAPHIQUE INDEX DES JOURNAUX ET PÉRIODIQUES INDEX DES NOMS DE PERSONNES, GÉOGRAPHIQUES, D’INSTITUTIONS ET DES SIGLES L’Amérique Latine à l’Harmattan
Avant-propos
« Quand on crée une utopie, on ne tient compte ni du passé, ni de l’histoire, ni des faits ni des mœurs... »
Chateaubriand, Voyage en Amérique, 1826, La Pléiade, 1969, p. 883/884.
« La France s’est trop longtemps repliée dans la contemplation de ses progrès et dans la confiance qu’elle se croyait le droit d’avoir en sa force. Ses habitants émigrent peu et son esprit encore moins. Les choses du dehors ne la touchent que dans les circonstances où elles ont un rapport direct avec les débats de la politique intérieure, et là encore l’opinion publique, plus prompte que réfléchie, risque souvent de mal juger les aspirations, les intérêts, les ressources des gouvernements et des peuples étrangers. »
Revue des deux Mondes, 1875, p. IV.
« A Paris, si on cherche à apporter des informations et des nuances, on risque fort d’être accueilli comme des fascistes... »
Philippe Nourry, Le Figaro, 4 octobre 1973
« Le deuil le plus cruel : celui de l’imaginaire... »
Claude Cabanes, Directeur de L’Humanité, août 2004

Après trois décennies d’« overdose » médiatique, voici que le Chili disparaît peu à peu des « unes » de la presse française. En 1976, le père jésuite François Francou, qui a vécu et travaillé pendant sept ans dans un bidonville de Santiago, affirmait : « C’est un défi de parler du Chili, et même une aventure ». Trente ans plus tard, écrire sur le Chili d’Allende présente toujours un risque pour l’historien, tant ce pays a nourri de passions idéologiques, dans le sens donné à ce mot par Théodore Zeldin. On sait aussi que cette histoire chilienne très récente s’inscrit dans le cadre d’une révolution politique, laquelle est bien vite apparue comme un autre prétexte au renforcement du partage traditionnel entre la gauche et la droite hexagonales. La presse parisienne a présenté l’histoire de Salvador Allende et de l’Unité populaire comme une révolution pacifique, qui voulait concilier changement social et démocratie, mais qui aurait été étouffée par les Etats-Unis. D’une certaine façon, l’histoire de l’Unité populaire chilienne appartient désormais à la mythologie de la gauche française, pour qui elle constitue une sorte de récit sacré, une croyance à laquelle il est bien difficile d’opposer une approche de type historique, fondée sur la lecture critique des documents.
N’oublions pas, par ailleurs, que l’histoire d’Allende s’inscrit dans le temps long des utopies américaines. Depuis l’« invention » de l’Amérique au XVI e siècle, ce continent improbable autant qu’imprévu est devenu pour les Européens objet de récits mythiques. Au vingtième siècle, on a beaucoup fantasmé autour de l’icône du « Che » Guevara, que l’on continue de révérer, même en déformant son message. Les « neuf commandants » de la révolution nicaraguayenne, la théologie de la Libération ou les messages subliminaux du « sous-commandant » Marcos au Chiapas n’ont pas cessé de nourrir l’imaginaire et l’utopie d’une partie de l’élite intellectuelle autoproclamée du Quartier latin. Le mythe de Salvador Allende et de l’Unité populaire est, selon nous, un autre rêve projeté sur la terre américaine, bien que beaucoup moins élitiste dans la mesure où il prétendait mettre le paradis socialiste à la portée de tous... Quand Salvador Allende se suicide dans son palais présidentiel, la réalité triviale du pays semble échapper au regard des correspondants et des envoyés spéciaux : l’économie chilienne est en lambeaux, et le pays au bord de la guerre civile. Mais la plupart des journalistes ne regardent cette situation dramatique qu’à travers le prisme déformant de la théorie du complot américain, sans jamais prendre en compte ni le blocage institutionnel du pays ni les tensions internes majeures au sein de l’Unité populaire, ni surtout l’utopie fondatrice qui est au cœur même du projet de la « voie pacifique vers le socialisme », une utopie résumée par cette question faussement naïve de l’historienne Ingrid Seguel-Boccara : « comment comprendre une révolution légale ? ».
Introduction — Le Chili : une nouvelle passion politique française ?
Pendant plusieurs siècles, les Français se sont désintéressés de ce pays « du bout du monde » ; voyageurs et hommes politiques décrivaient un monde isolé, fortement marqué par la colonisation hispanique, et finalement peu attirant pour nos commerçants et nos industriels.

Un pays longtemps méconnu
Les premiers marins français à débarquer sur la côte de la « Mer du Sud » — Frézier, Bougainville, La Pérouse — dénoncent la « sauvagerie » des indiens Araucans, la méfiance des maîtres créoles et la superstition du clergé. Au XIX e siècle, la prestigieuse Revue des Deux Mondes publie quelques rares articles « pittoresques » sur ce peuple métissé, « pas distingué mais robuste ». André Bellessort démystifie l’illusion donnée par le nom de Valparaiso, « Val du Paradis » : « (...) Les beaux noms, comme les beaux yeux, promettent plus qu’ils ne donnent (...). Les vaisseaux qui reviennent en Europe rapportent du scepticisme dans les ris de leurs voiles » 1 . Les écrivains-voyageurs soulignent volontiers les « imperfections » de cette « race nouvelle » : un pays partagé en deux classes, où les métis pauvres ( rotos ), sclérosés par la paresse et l’ivrognerie, n’éprouvent même pas le désir de se révolter.
Mais ces mêmes chroniqueurs font (déjà !) une nette distinction entre la société chilienne, son système politique et son armée. La constitution chilienne de 1833, inspirée de la Charte française de 1830, leur apparaît comme « l’une des plus sages de l’Amérique du Sud ». Pour Charles Wiener, « en dehors de la légalité, point de salut au Chili ». Un autre observateur, André Cochut, notait déjà en 1859 la stricte soumission de l’armée au pouvoir politique : « L’armée chilienne a donné un exemple de loyauté et de discipline sans pareil dans l’histoire de l’Amérique latine » 2 . Un constat qui sera renouvelé après la grande réforme de 1885, qui vit l’influence prussienne pénétrer l’Académie militaire chilienne jusque dans ses règlements, ses uniformes et sa démarche au pas de l’oie 3 . Mais comme le remarquait Henri Lorin en 1912, ce bel outil n’avait pas été seulement modelé par des instructeurs germaniques : depuis des siècles, en effet, le Chili « civilisé » avait constitué pour l’empire espagnol une véritable « marche » défensive face aux indiens Araucans ; il en était résulté pour le corps social une forte imprégnation de l’esprit militaire. Et Henri Lorin de conclure sur ce point : « Soldats par vocation héréditaire, les Chiliens tiennent passionnément à leur armée et à leur marine (...) Le Chili est une puissance militaire en raison même des habitudes et des goûts de ses citoyens... » 4 . Pour bien montrer le poids des institutions militaires sur la société civile, un autre voyageur, pétri d’humanités classiques, risquait un parallèle entre ce pays et la Rome antique : «Même esprit tenace et fier (...) ; leur nation est une. Quel contraste avec le Pérou et l’Argentine ! (...) Le Chilien est comme le

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