Le Gabon en danger
516 pages
Français

Le Gabon en danger , livre ebook

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516 pages
Français

Description

Cet ouvrage affirme sans ambages que le Gabon est un pays en danger qui, de surcroît, est condamné au « devoir de violence ». Le Gabon souffre des tares et meurtrissures politiques, économiques, sociales et culturelles d'une dictature indéracinable qui fait désormais de ce pays la seule « République » au monde à être dirigée depuis 52 ans non seulement par le même régime, mais aussi par la même famille, celle des Bongo. L'auteur décortique et illumine l'histoire politique du Gabon sous les Bongo et met en exergue non seulement les « enjeux fondamentaux » de cette lutte mais aussi l'impératif d'une démarche névitablement révolutionnaire qui s'inspirerait des luttes non violentes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 septembre 2019
Nombre de lectures 10
EAN13 9782140129940
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Daniel M. Mengara
LE GABON EN DANGER Du devoir de réforme au devoir de violence
Autopsie d’une République monarchique « bananisée » en état de déliquescence
LE GABON EN DANGER Du devoir de réforme au devoir de violence
Autopsie d’une République monarchique « bananisée » en état de déliquescence
© L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris www.editions-harmattan.fr ISBN :978-2-343-16792-3EAN :9782343167923
Daniel M. MENGARA LE GABON EN DANGER Du devoir de réforme au devoir de violence Autopsie d’une République monarchique « bananisée » en état de déliquescence
« A titre personnel, je considère Ali Bongo comme l’incarnation du mal du Gabon. Penser l’avenir du Gabon avec lui est une faute morale et politique» Jean-Gaspard Ntoutoume AyiMilitant de l’Union nationale,GabonActu, 25 juillet 2017
Avant-Propos Une nuit de mi-janvier 1990, un jeune étudiant de 23 ans inscrit en licence d’anglais à l’Université Omar Bongo (UOB) se réveille en sursaut. Le sommeil, cette nuit-là, ne vient pas facilement. Comme les nuits précédentes. Dans sa tête, des pensées confuses circulent. Il y a aussi une certaine rage. Rage parce que, dans l’angoisse des jours qui avaient précédé cette litanie de nuits d’insomnies, il avait failli crever, oui crever, des suites d’une intoxication alimentaire qui avait frappé bon nombre d’étudiants alors que s’installaient sur le pays les atmosphères oisives des vacances de Noël et du Nouvel An. Le restaurant universitaire, où se nourrissaient ceux des étudiants résidant sur le campus, mais aussi pas mal de non-résidents, ne répondait apparemment pas aux normes de salubrité requises. De nombreux étudiants avaient en effet été transportés, qui par ambulance, qui par minibus de la « Mutuelle », qui par leurs propres moyens, vers l’Hôpital Général. L’hôpital Jeanne Ebori, propriété familiale des Bongo, ne recevait apparemment pas. Du moins pas les catégories d’étudiants avec lesquelles le jeune homme se retrouva à partager le sol froid et dénudé des salles d’urgence de l’Hôpital Général, où ils durent chacun attendre qu’un lit se libère. Tous souffraient de diarrhée coulante, comme de l’eau. Nausée, vomissements, diarrhée, mal de ventre, frissons. La déshydratation était rapide. Il fallut des perfusions. Mais pour seulement quelques heures. Il fallait rapidement céder le lit au prochain étudiant en passe de mourir, que dis-je, de crever, parce qu’empoisonné par son État, son pays, son gouvernement, ses dirigeants. Ce matin-là, ce matin de mi-janvier, le jeune étudiant jette un regard absent sur l’image du campus universitaire qui se déploie sous ses yeux. Depuis la baie vitrée du « Bâtiment B » qui, de sa chambre, donne vue sur la voie principale qui monte jusqu’au portail d’entrée du complexe, avec à gauche, le « Bâtiment C », puis le « Préau » et, à droite, la bâtisse qui abrite les bureaux de la « Mutuelle », il voit le campus s’éveiller, s’activer, se mouvoir. Les étudiants encore engourdis par la torpeur matinale commencent à investir ce lieu qui, quelques jours seulement auparavant, venait de manger la mort. La rage qui, ce matin, anime encore le jeune étudiant augmente, enfle, puis étouffe. Il ressent encore
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LE GABON EN DANGER les séquelles de la maladie. Il a maigri. Les toilettes restent encore un fréquent lieu de rendez-vous, la nausée un fréquent malaise. Il avait en effet fallu quitter l’hôpital plus tôt que normal ; d’autres étudiants arrivés après lui avaient besoin du sol, de l’espace, des lits. C’était, après tout, le pays des Bongo. Pour le reste, il fallait s’en remettre à Dieu. S’il existe. Le jeune étudiant trouvait cependant, maintenant, que trop de temps avait passé, qu’on avait pris trop de temps pour identifier la source du malaise, la punir, l’extraire. L’énervement bouillonne et bourdonne. Poussé par des volontés insoupçonnées, le jeune étudiant sort de sa chambre du campus universitaire, se rend au supermarché M’Bolo, où il se procure des marqueurs et du papier. Il s’installe dans sa chambre et se met à écrire. L’encre noire coule des marqueurs, s’insère dans les microsillons du papier. L’encre imprègne le papier, feuille après feuille. L’encre parle et accuse. Il interroge, d’abord, le silence et l’incompréhensible apathie des leaders de la Mutuelle des étudiants. Comment se fait-il que tant d’étudiants aient effleuré la mort et que la Mutuelle n’ait encore rien dit, rien fait ? Comment se faisait-il aussi que, la source du malaise étant maintenant connue, la Mutuelle étudiante n’ait organisé aucune assemblée générale, pour en parler, pour établir les responsabilités ? Le jeune homme s’interroge. Il accuse donc, ensuite, ce pays de merdre, ce pays des Bongo, ce pays où la jeunesse pourtant proclamée sacrée se retrouve souvent sacrifiée, ce pays où le peuple crève de misère, partout, alors que ceux qui le dirigent arborent et exhalent, insolemment, d’insultantes opulences. Comment se fait-il que, aussi, ce gouvernement, le gouvernement des Bongo, n’ait encore rien fait et que, même, les étudiants aient continué à aller manger dans ce lieu de mort qu’était devenu le restaurant universitaire ? L’encre continua de cracher sur le papier sa noirceur, sa rage, son acrimonie. L’encre cracha et maudit. L’encre maudit les Bongo, maudit leurs criminalités et souhaita leur démission, leur destitution. Puis, pour conclure, exigea que la Mutuelle convoquât, immédiatement, une assemblée générale des étudiants. Le texte maintenant couché sur le papier, le jeune étudiant le recopia, quatre fois, sur d’autres feuilles. Par imprudence, mais peut-être aussi par impudence, il montra la substance de son venin à un autre étudiant, un seul, résidant sur le même palier. Le voisin de palier trouva la démarche courageuse, voulut néanmoins savoir si le jeune étudiant enragé voulait vraiment le faire, aller jusqu’au bout, risquer d’être découvert, risquer de tout risquer. Le voisin de palier savait que, en cette mi-janvier 1990, le Gabon vivait encore au rythme du parti unique. On atterrissait encore facilement en prison pour un éternuement ou un pet qui aurait sonné
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AVANT-PROPOS comme une interpellation indocile du nom maudit, le nom des « Bongo ». Certes, à cette époque, le débat sur la démocratie est sur toutes les bouches. Le dictateur se refuse encore au multipartisme et les rumeurs de pourparlers avec le père Paul Mba Abessole du MORENA, rentré d’exil en 1989, ne sont encore, pour nous autres, que cela : des rumeurs. Lesdits pourparlers avancent, mais lentement, apparemment. Le dictateur n’avait-il pas, d’ailleurs, réaffirmé cette même année-là à Bitam qu’il n’y aurait aucun multipartisme au Gabon tant qu’il serait vivant, que si on l’y forçait, l’on aurait du mal par la suite à retrouver le Gabon sur une carte de l’Afrique ? Le Gabon est donc encore sous tension en cette mi-janvier 1990. L’incertitude est partout et la crise économique, la « conjoncture » comme on l’appelait à l’époque, est sur toutes les lèvres, sur toutes les langues, dans toutes les bouches. Elle se ressent aussi dans les ventres affamés, dans les poches vides, dans le chômage, les salaires bloqués, les crispations et les nervosités des vies névrosées et traumatisées qui arpentent les rues, les marchés et les boutiques inflationnés. Des vies qui, dans les « matitis », cohabitent avec les rats, les moustiques et le paludisme. La misère, à cette époque, est partout. On la voit. On la ressent. Elle se lit dans les regards hagards des gens que l’on croise. Elle est palpable. Le jeune étudiant, cependant, est trop enragé pour ressentir la peur. Il se sent presque suicidaire. Cette nuit-là, il ne dort pas. Au petit matin, vers 5h00 du matin, il sort de sa chambre, liasse de feuilles et scotch en mains. A l’entrée vitrée du Bâtiment B, il colle sa première livraison. Il répète le manège à l’entrée du Bâtiment C, au Préau, puis au grand portail qui donne accès au campus. Il revient fébrilement dans sa chambre et s’installe devant sa fenêtre. 6h00 du matin. 7h00 du matin. 8h00 du matin. Des étudiants commencent à s’agglutiner devant les « tracts », comme on les appelait à l’époque. Le nombre des badauds grandit maintenant à chaque minute. Des petites foules commencent à s’assembler. Au portail d’entrée, l’agglutinement des curieux est encore plus marqué. Le jeune étudiant regarde tout cela d’un air amusé, mais satisfait. Il a fait mouche. La rumeur circule. Vers 10h00, la rumeur est généralisée. Elle atteint, vers 11h00, les leaders de la Mutuelle. La Mutuelle, dirigée à cette époque par un certain Boussamba, panique. Quoi ? Un tract ? Où ? Mon Dieu, on va nous tuer ! Un groupe se précipite dans le minibus de la Mutuelle, arpente le campus, fébrile. Bâtiment B, Bâtiment C, Préau, portail d’entrée. Ils s’empressent d’arracher les tracts incendiaires. Trop tard. Le message est passé, la pression nécessaire exercée. Trop de gens ont lu l’accusation,
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