Le mal congolais
229 pages
Français

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Description

Voici un regard lucide, sans concession, sur la lente dégradation d'un pays jadis promis à un brillant avenir. C'est aussi le "j'accuse" d'un patriote lassé d'attendre de ses élites le sursaut nécessaire pour sortir le Congo de son enlisement politique, économique et social.

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2011
Nombre de lectures 316
EAN13 9782296716339
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE MAL CONGOLAIS
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-13881-0
EAN : 9782296138810
Jean-François Sylvestre SOUKA
LE MAL CONGOLAIS
Origines de la ruine du Congo-Brazzaville
L’Harmattan
Études Africaines
Collection dirigée par Denis Pryen et François Manga Akoa
Dernières parutions
Michèle CROS et Julien BONDAZ (dir.), Sur la piste du lion. Safaris ethnographiques entre images locales et imaginaire global , 2010.
Apollinaire NTAMABYALIRO, RWANDA, Pour une réconciliation, la miséricorde chrétienne. Une analyse historico-théologique du magistère épiscopal rwandais (1952-1962) , 2010.
Élieth P. ÉYÉBIYI, Gérer les déchets ménagers en Afrique. Le Bénin entre local et global , 2010.
Zygmunt L. Ostrowski, Soudan. Conflits autour des richesses , 2010. Clotaire MOUKEGNI-SIKA, Production scientifique et pouvoir politique au Gabon. Esquisse d’une sociologie de la recherche universitaire , 2010.
Innocent BIRUKA, Sagesse rwandaise et culture de la paix , 2010.
Mosamete SEKOLA, Privatiser le secteur public en RDC ? , 2010.
Jean-Pacifique BALAAMO-MOKELWA, Les traités internationaux du Saint-Siège avec les États en Afrique (1885-2005) , 2010.
Kathleen GYSSELS et Bénédicte LEDENT, Présence africaine en Europe et au-delà , 2010.
Joseph BOUZOUNGOULA, Services de base et dynamique sociale au Congo , 2010.
Narcisse DOVENON, Le Bénin : Quelles solutions pour un développement durable ? , 2010.
Françoise UGOCHUKWU, Le pays igbo du Nigeria , 2010.
Valéry GARANDEAU, La Décentralisation au Gabon. Une réforme inachevée , 2010.
A
Célestine MAMPOUMBOU,
Norbert SOUKA,
Jean-Christian TSIKA-KABALA,
victimes d’une guerre qui ne les concernait en rien.
Introduction
« Il est 4 heures du matin, le jour ne s’est pas encore levé que déjà Bertille réveille ses trois enfants âgés de 12 et 17 ans. Ils ont de la peine à se lever, surtout en cette période de saison sèche où il fait très froid. Mais il va falloir se réveiller si l’on veut trouver un peu d’eau pour la journée. En effet, c’est la corvée de la famille GOMA habitant le quartier Batignolles à Brazzaville. Depuis bientôt trois ans, elle doit se réveiller à des heures indues pour faire des réserves d’eau. Car en journée aucune goutte d’eau ne coule de leurs robinets.
A Bacongo, chez la famille MABIALA par contre cela fait des lustres que l’eau n’est plus du tout sortie des robinets. Situation invivable, nous confie le chef de famille : “C’est très difficile chez nous. Pour avoir de l’eau, il faut parcourir de longues distances, aller dans les quartiers où l’eau coule. Cette eau, nous l’achetons, ce qui pèse énormément sur notre budget, surtout pour nous qui avons des familles nombreuses”.
En effet, un bidon d’eau de 25 litres est vendu à 50 F CFA* et son transport revient à 100 F CFA, soit un total de 150 F CFA. Pour une famille de sept membres, il faut compter en moyenne dix bidons par jour, soit 1500 F CFA. Une somme assez élevée comparée au revenu du congolais moyen. Alors que 1 m 3 d’eau de la Société Nationale de Distribution d’Eau (SNDE) coûte 100 F CFA. Cela contraint certaines familles à utiliser l’eau du puits ou celle du fleuve, ce qui n’est pas sans conséquences, explique Marie-Odile, célibataire et mère de trois enfants : “J’ai cinq enfants à ma charge, les miens et ceux de ma sœur. S’il faut acheter de l’eau chaque jour, je ne peux pas m’en sortir, c’est pourquoi nous utilisons l’eau du fleuve ou celle du puits. Mais […] nous allons de moins en moins nous approvisionner au fleuve, parce que souvent beaucoup d’enfants s’y noient”.
Les enfants et les femmes sont ainsi les premières victimes de la pénurie d’eau, car c’est à eux que sont imposées généralement les corvées de gestion d’eau dans les ménages » 1 .
« On en est à invoquer la bonté divine pour avoir le droit de boire de l’eau potable dans la capitale de l’or noir… La journée mondiale de l’eau, célébrée le 22 mars de chaque année, a eu pour thème en 2007 : Faire face à la pénurie d’eau. […] Au Congo […] il ne s’agit même pas de consacrer des quantités d’eau douce à l’agriculture et à l’industrie qui sont quasi inexistantes. Chez nous, on en est au point zéro à savoir distribuer de l’eau potable aux populations des grandes villes et à celles des villages qui parcourent des kilomètres pour aller chercher le précieux liquide.
Ce point zéro du problème semble être si négligé par les pouvoirs publics que les religieuses de Pointe-Noire ont décidé de s’en remettre à Dieu. Le dimanche 25 mars 2007 une messe a été spécifiquement organisée en la cathédrale Saint-Pierre Apôtre de Pointe-Noire pour demander à Dieu de remplir leurs bidons jaunes de manière permanente. Les religieuses venues nombreuses à cette messe célébrée par Mgr MAKAYA ont commis le péché d’établir un lien entre les revenus pétroliers toujours en hausse et l’eau du robinet toujours en manque, comme l’indique une de leurs banderoles… » 2 .
« Ma femme a accouché avant terme et ce que j’ai enduré pendant ces trois dernières journées [ à l’hôpital de Makélékélé puis au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Brazzaville où le nouveau-né fut transféré en catastrophe ] me dépasse. Nous sommes reçus au service des urgences et sans même demander de quoi il s’agit, la première phrase que j’entends c’est : “Allez là-bas, allez payer la consultation, c’est 3.500 Frs”. Je cours donc à la caisse, je paie les 3.500 frs. Le nouveau-né est emmené pour un examen réalisé par un médecin stagiaire. […] Quelques minutes après, l’ordonnance arrive. Je cours vite à la pharmacie du CHU. Le produit prescrit n’est pas disponible. […] Je saute alors dans un taxi en expliquant mon problème au chauffeur. Celui-ci roule à grande vitesse à travers les avenues de la capitale. J’arrive enfin à la pharmacie MAVRE. […] Dieu merci, ils ont le produit. Je saute à nouveau dans le même taxi qui m’attendait. Une fois de plus on roule à tombeau ouvert jusqu’au CHU.
Un peu plus tard, ma femme éprouve le besoin d’aller aux toilettes […] Je croise un jeune médecin interne. […] Il m’apprend que les toilettes ou les WC n’existent pas, tout en me suggérant d’aller derrière le bâtiment où il y avait un endroit protégé des regards indiscrets. J’y suis allé. L’endroit était […] parsemé d’excréments. […]Je reviens voir mon ami médecin, et lui pose la question pourquoi donc cela. Sa réponse : “qu’est-ce que tu as déjà vu qui marche dans notre pays ?” Je lui demande également pourquoi il n’y a pratiquement pas de médicaments dans la pharmacie du CHU. Il me répond : “vas-y comprendre”. Je lui fais remarquer qu’il devrait au moins y avoir des médicaments de première nécessité. Il acquiesce et observe qu’il faut être là de garde comme lui, la nuit, pour voir des accidentés, des cas très graves, mais qu’il faut qu’un membre de la famille du malade sorte du CHU pour aller chercher les produits qui peuvent sauver la vie du patient. En ce qui concerne les toilettes, continue-t-il, même si l’expérience montre que les toilettes modernes ne sont pas utilisées à bon escient chez nous, qu’est-ce que cela coûterait d’en construire qu’on pourrait vidanger ou des douches à l’extérieur des bâtiments, par exemple ?
Et de me demander ce que j’ai vu à l’entrée principale de l’hôpital. Des travaux, lui répondis-je. C’est là que le médecin m’apprend qu’on était en train de remplacer, on se demande pourquoi, des carreaux encore en bon état et qu’on posait à la place des staffs au plafond. Est-ce une visite du président de la République que l’on prépare ainsi, s’interroge-t-il. Je ne connais pas le montant de ces travaux, poursuit-il, mais il y a fort à parier qu’il y en a pour des millions, car la pelouse qui est en train d’être refaite derrière là, a coûté 11 millions de francs. Tout le monde en parle ici au niveau du CHU. Ce montant, c’est seulement pour la pelouse alors, combien de fois pour les carreaux ? C’est donc beaucoup de millions. Moi je dis qu&

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