Le (mal)traitement des nouveaux hérétiques
172 pages
Français

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Le (mal)traitement des nouveaux hérétiques , livre ebook

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Description

La France a toujours détesté les hérétiques et les marges religieuses. Il n'est donc pas étonnant que le combat contre les hérétiques religieux soit devenu une cause nationale subventionnée et institutionnalisée. Etendu aux formes alternatives ou marginales, les professeurs de yoga, les sophrologues ou les médecins alternatifs se voient considérés comme de dangereux gourous. Les auteurs nous invitent à une incursion dans la sphère de la discrimination religieuse en France avec un détour par le Japon et la Belgique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2013
Nombre de lectures 22
EAN13 9782336661438
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Ouvrage coordonné par Régis Dericquebourg
Le (mal)traitement des nouveaux hérétiques
La France et ses minorités religieuses
Copyright
© L’HARMATTAN, 2013
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-66143-8
INTRODUCTION
Nous présentons les actes d’une journée d’étude qui s’est déroulée le 7 octobre 2011 à la Maison de l’Espérance à Paris. L’évènement était organisé par l’Observatoire européen des religions et de la laïcité. Ce dernier s’était déjà associé au colloque « Réveil du Religieux, éveil de la société » organisé par Dominique Kounkou.
Globalement, ce livre fait suite au Bilan de la liberté religieuse coordonné par Dominique Kounkou (Paris, L’Harmattan, 2008). Il évoque le traitement social des groupes religieux minoritaires. L’observatoire a commencé sa série de journées d’étude en abordant une nouvelle fois le thème de la discrimination des groupes religieux minoritaires, une des rares discrimination qui soit tolérée et même encouragée par le biais du subventionnement et de l’institutionnalisation de la chasse aux hérétiques. Il était important de le faire car la controverse sur les dites sectes est devenue un des thèmes majeurs de la sociologie des groupes religieux minoritaires et des spiritualités alternatives surtout en France où le traitement des nouveaux hérétiques est devenu un sujet de terrain pour des chercheurs étrangers. Elle a intéressé James Beckford ( Cult controversies Londres, New York, Tavistock, 198 5 ) et très récemment Susan Palmer qui a publié récemment : The New Heretics of France. Minority religions, la République, and the government- Sponsored « War on Sects » . (New York, Oxford University Press, 2011).
Toutefois, nous n’avons pas l’intention de poursuivre avec ce thème. D’abord parce que la vocation de l’observatoire est de livrer des études de sciences sociales et de sciences humaines sur les religions et en particulier sur les groupes religieux minoritaires car ces derniers ne sont pas au premier plan des études sur les religions en Europe. Ensuite, parce que la composition de l’auditoire de la journée d’étude n’a pas démontré un intérêt particulier chez ces groupes religieux minoritaires dits « sectes » pour la question de la liberté religieuse. Beaucoup de groupes avaient reçu une invitation, peu y ont répondu. Ceux qui y ont assisté sont presque toujours les mêmes. Ce sont ceux qui pensent que la lutte pour être libre de pratiquer leur propre religion passe par une revendication de la liberté totale de culte et qui ne considèrent pas que « la secte c’est l’autre » et qu’il vaut mieux négocier des arrangements particuliers avec les agents de l’intolérance officiellement organisée.
On le sait, la France considère les nouveaux hérétiques comme le plus grand des fléaux. Dans ce pays où des centaines de milliers de gens vivent dans la rue, où des bidonvilles s’installent à la périphérie des villes, où plus de cent mille enfants ne mangent pas à leur faim, la lutte contre les hérétiques religieux est devenue une cause nationale subventionnée. Les politiciens et leurs alliés veulent éradiquer les croyances minoritaires. Sont assimilés à ces derniers : les professeurs de yoga (soudain devenus de dangereux gourous), les sophrologues et les médecins alternatifs..
Le fait n’étonnera pas. La France a toujours détesté les hérétiques et les marges religieuses. Elle fut le pays du massacre des protestants et elle eut un gouvernement de collaboration qui s’est appliqué à livrer des Juifs aux nazis avec un zèle qui surprend. Il n’est donc pas étonnant que la France ait rejoint le camp des pays qui luttent officiellement contre les sectes.
La lutte française contre les sectes s’est institutionnalisée sous le mandat d’un président de la république qui avait fréquenté l’extrême-droite dans sa jeunesse et qui avait conservé des amitiés de ce bord politique pendant un mandat qui fut de type « radical-socialiste ». A l’époque, la stigmatisation des « sectes » est venue à point pour détourner l’attention du public de certains scandales politiques, de la corruption et de quelques échecs économiques. Cela a continué sous les autres gouvernements successifs puisque c’est pratique.
Tous les ministères ont été conviés à lutter contre les hérétiques religieux mais les instruments du combat ont été principalement les associations d’opposants aux sectes. Celles-ci ont été subventionnées par plusieurs niveaux de l’administration. Pour coordonner le tout, une « mission de lutte contre les sectes » rebaptisée plus tard : « mission de lutte contre les dérives sectaires » a été fondée. La création d’une mission dédiée à la lutte anti-secte n’est pas neuve. L’Allemagne nazie et l’Union soviétique en ont créées. Les journalistes de la presse opportuniste et les animateurs de télévision furent conviés à amplifier les arguments de la mission et des associations. Dans une société de consommation, la lutte contre les hérétiques devint une marchandise.
En dehors de cette situation, je voudrais ajouter une remarque d’ordre global. La crise financière et économique qui secoue le monde a permis de montrer un processus qui s’est accéléré depuis une trentaine d’années : celui de la domination totale des banques. Nous sommes peut-être entrés dans la troisième phase du capitalisme que Marx évoquait c’est-à-dire le temps où les banquiers dictent leurs lois aux États.
Les banquiers manipulent les politiciens professionnels pour soumettre les peuples à leur loi. Les politiciens doivent éliminer toutes les résistances à la loi du profit notamment les contestataires et les marges qui ne se plient pas à la vision d’un homme unidimensionnel qui serait un consommateur formaté baptisé « bon citoyen ».
Il faut donc éliminer ceux qui considèrent que « vivre et penser comme des porcs » selon l’expression de Gilles Chatelet ( Vivre et penser comme des porcs, Paris, Gallimard, 1999) n’est pas le but ultime de l’existence comme il faut éliminer tous les modes de vie dits « alternatifs ». En institutionnalisant la lutte » contre les groupes religieux minoritaires et contre les choix alternatifs de vie, la France (comme d’autres pays qui luttent contre les sectes sans pour autant défendre le monopole d’une religion officielle ou quasi-officielle) a poussé aux extrêmes la rationalité de la gestion financière de la vie. Or, certains ne vivent pas la religiosité minoritaire comme un « opium du peuple ». Elle est le ferment d’une vie plus ascétique, elle dénonce le culte du « veau d’or », elle entraîne un retrait de la consommation, voire un retranchement du monde selon un mode de vie qui ne reflète pas les idéaux de la consommation ostentatoire et de la croissance infinie. Elle favorise la quête métaphysique en même temps qu’elle détourne les hommes des orientations militaristes et industrielles.
Le fait n’est pas neuf, il a été mis en évidence par le sociologue Jean Séguy quand celui-ci enseignait la théorie de la protestation socioreligieuse. Et avant, l’incompatibilité d’un certain capitalisme avec la spiritualité a été relevée par Max Weber en ces termes : « Le système capitaliste a besoin de ce dévouement à la vocation (Beruf) de gagner de l’argent. Cette attitude à l’égard des biens matériels est à ce point adaptée au système, si intimement lié aux conditions de survie dans la lutte économique pour l’existence, qu’il ne saurait plus être question, aujourd’hui d’une relation nécessaire de cette façon de vivre avec une quelconque Weltanschauung ( idéologie ) moniste. En fait, ceux qui adoptent cette attitude n’ont plus besoin du soutien d’aucune force religieuse, et ils ressentent les tentatives de la religion pour influer sur la vie économique –dans la mesure où ces tentatives sont encore sensibles –comme les entraves analogues à la réglementation de l’économie par l’Etat. Ce sont alors les intérêts commerciaux, sociaux et politiques qui tendent à déterminer opinions et comportements. Quiconque n’adapte pas sa conduite aux conditions du succès capitaliste va à sa perte ou, à tout le moins, ne peut s’élever bien haut. Ces phénomènes sont ceux d’une époque où le capital moderne ayant remporté la victoire, s’est émancipé de ses anciens tuteurs. » (Les tuteurs sont la religion et le capitalisme traditionnel). (Max Weber , Ethique protestante et esprit du capitalisme, Paris, Plon, p.73-74).
Lutter contre les alternatives religieuses portées par les classes moyennes

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