Les Dernières Heures d une monarchie
151 pages
Français

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Les Dernières Heures d'une monarchie , livre ebook

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Description

« Les vices ne sont pas moins nécessaires aux chefs d’Etat que les vertus, car leurs peuples ne se retrouvent pas nécessairement dans leurs vertus, et ils se reconnaissent et s’aiment toujours dans leurs vices. »Je lisais dernièrement cette pensée philosophique dans les œuvres posthumes d’Hayem.Elle est profondément vraie. Mais hélas ! Et la morale ?... Quel rôle a-t-elle donc à jouer ?... Cette pensée explique l’impopularité qui — chez une certaine partie de la nation — s’est attachée à la personne du roi Louis-Philippe.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782346097913
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Fernand de Montréal
Les Dernières Heures d'une monarchie
INTRODUCTION
Il y a quelques mois, — c’était à Cannes, — un matin, je flânais sur cette délicieuse promenade de la Croisette, dont le sable si fin est doucement caressé par les eaux bleues, claires et transparentes de la Méditerranée.
J’admirais cette baie si gracieuse, bornée à l’horizon par les montagnes de l’Esterel et protégée de la grosse mer par les îles de Lérins. Là, le vieux Monastère où quelques moines sont oubliés ; plus loin, l’île Sainte-Marguerite, doublement célèbre, et par la prison du Masque de Fer, et par celle où Bazaine, plus heureux, lui, put s’échapper.
Sur un des bancs de la promenade, abrité par un de ces parasols doublés de vert, qui sont les compagnons indispensables des flâneries de ce pays béni du ciel, où le soleil, même en plein hiver, fait craindre ses rayons trop brûlants, un homme lisait le Figaro.
Je le vis frapper le journal d’un geste d’impatience, et, sous le parasol, déplacé un moment, je reconnus un de mes compagnons de séjour au Grand-Hôtel.  — « Ah ! — me dit-il, en secouant le Figaro,  — voici pourtant comme on écrit l’histoire !... »  — « Qu’est-ce ? »  — « Un monsieur, qui n’était pas présent, raconte à sa façon des incidents de la Révolution de Février parfaitement inexacts, mais qui, par la publicité immense du Figaro, vont être répandus dans le monde entier ! »  — « Comment savez-vous que c’est inexact ? »  — Parbleu ! par une raison bien simple : j’étais là ! J’ai vu, de mes deux yeux vu, ce qui s’est passé et c’est encore aussi présent à mon esprit que si c’était hier.
« J’étais alors lieutenant de cavalerie dans un régiment en garnison à Lyon ; venu à Paris pour passer en congé quelques semaines d’hiver, j’ai assisté à l’écroulement, incompréhensible pour le public, de la Royauté de 1830 ; drame bien facile à comprendre pour ceux qui, comme moi, spectateur de sang-froid et sans responsabilité, ont pu suivre les phases diverses de cette triste journée. On a beaucoup écrit, mais on n’a pas tout dit ; et l’on n’a pas montré l’enchaînement logique des faits qui ont amené la catastrophe. »  — « Contez-moi donc cela ; — moi, qui n’étais pas né alors, je n’ai jamais rien compris à cette Révolution du mépris, a-t-on dit, et je serais bien heureux d’entendre, d’un homme de votre valeur et ayant vu les choses, un récit qui, — pour les hommes de ma génération, — est de l’histoire déjà ancienne, et moins bien connue que l’histoire ancienne. »  — « Oh ! ce serait trop long, et voilà l’heure du déjeuner 1 Cet air de mer me donne un appétit du diable. J’ai vu passer ce matin la marée entrant à l’hôtel, des dentici superbes, et des langoustinettes auxquelles j’ai une furieuse envie de dire deux mots ; ce sera beaucoup plus intéressant pour moi que l’histoire des Journées de Février. »  — Mais, pas du tout ! vous avez excité singulièrement ma curiosité et vous m’avez aussi mis en appétit, mais d’une autre façon, car je n’ai pas encore rencontré un témoin sérieux de cette catastrophe dont nous subissons encore aujourd’hui les tristes conséquences.
« J’ai déjà, vous le savez, écrit quelques pages, et je serais heureux de vous entendre et de recueillir vos souvenirs. »  — « Eh bien ! mon jeune voisin, puisque cela paraît vous intéresser sérieusement, venez demain de bonne heure frapper à ma porte, prenez vos crayons et je vous en conterai de quoi satisfaire votre curiosité. Mais pour le moment, en route ! et à table ! »
Il faut vous dire que mon interlocuteur est un des plus curieux personnages qu’on puisse rencontrer ; c’est la chronique vivante du Paris politique et mondain depuis cinquante ans. Le hasard de la table d’hôte du Grand-Hôtel m’avait fait son voisin, mais je le connaissais de vue comme tout Paris. Au balcon du Jockey, au Bois, aux premières représentations, on voit ce beau vieillard, droit, vert, élégant de tournure, barbe blanche à la François I er , ancien officier supérieur retraité après la campagne d’Italie, avec une balle dans l’épaule gauche qui le force à monter à cheval à droite ; « ce qui, — dit-il plaisamment, — me condamne à toujours prendre ma droite. » — Un beau nom, une grande fortune, l’œil vif et singulièrement pénétrant, un sourire gracieux qui tempère l’impertinence du regard. — Quant à son âge... ? il dit près de quatre-vingts ans. C’est de la coquetterie... à rebours. — de l’esprit à revendre, de cet esprit si français, à la Boufflers ou à la Montrond.
Les histoires qu’il nous raconte au salon, ou au fumoir, sont impayables, et la façon dont il les dit en double le piquant. Assez sceptique à l’égard des femmes, il nous fait assister à des scènes d’un comique achevé en excitant les tempêtes féminines.
L’autre soir, une Anglaise lui dit : « Oh ! Colonel 1 en France, les. choses se passent peut-être comme vous dites, mais pas en Angleterre ! »
« Vous croyez, milady ?... Eh bien ! vous à qui l’on peut appliquer ces vers de Voltaire (dont le sens vrai lui échappait) :

Certaine femme honnète et savante et profonde Ayant lu le traité du cœur ;
Vous donc, femme honnête, si, depuis l’âge de quinze ans jusqu’à ce jour, on vous avait photographiée dans toutes les situations diverses de votre existence et que nous nous amusions à examiner ce jeu de cartes d’une espèce nouvelle, croyez-vous que nous n’entendrions pas plus d’une exclama tion dans le genre de celle-ci :
Ah !... comment ?... c’est Lady X... ?
Oh ! mais c’est elle !... pas possible ! ! ! »
 
Je dois ajouter qu’on racontait, vraies ou fausses, des histoires sur la Dame, qui auraient donné aux photographies une valeur sui generis des plus pimentées.
La Dame resta interdite devant ce coup droit, se contentant de répondre : Oh ! oh !... quelle idée ! il n’y a que vous pour dire des drôles de choses. »
 
Un jour qu’il développait ses théories politiques, spécieuses, mais en tous cas désolantes, il eut avec la vieille marquise de K... une scène impayable.
Tout le monde connaît à Cannes, comme à Monte-Carlo, la marquise de K... qui promène, en clopinant, appuyée sur sa grande canne, et ses quatre-vingts kilos de graisse et sa langue infernale, — surtout quand la course de Monaco a vidé le portefeuille.
Un soir qu’elle était de plus méchante humeur que jamais, le Colonel causait politique avec deux ou trois personnes ; tout à coup j’entends, de la salle voisine, la voix glapissante de la marquise :  — « C’est abominable ce que vous dites-là !
Vous êtes un affreux jacobin et un vrai mécréant ! !...  — Est-ce tout, marquise ?... Ajoutez donc anarchiste... et puis après anthropophage... ! ! Voyez-vous, les femmes, même les plus spirituelles, comme vous, au lieu de raisonner tranquillement, en arrivent tout de suite aux épithètes : ou l’on est un homme charmant, ou l’on est un monstre...
Je suis

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