Les multiples facettes de l Etat en Turquie
312 pages
Français

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Les multiples facettes de l'Etat en Turquie , livre ebook

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Description

Cherchant à éclairer les différentes faces de l'État turc, cet ouvrage traite de sujets aussi divers que la représentation de l'unité indivisible de l'Etat par les cartes, la pratique de la laïcité devant la montée des revendications religieuses et identitaires, la question kurde, la perception de l'ennemi intérieur par la police, la transformation de l'appareil étatique avec une rationalité néolibérale, les rapports de classe atypiques à l'ère néolibérale, et l'Etat social sous sa forme libéral-conservatrice.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 mars 2016
Nombre de lectures 18
EAN13 9782140004261
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre


Sous la direction de
Özgür ADADAĞ




LES MULTIPLES FACETTES
DE L’ÉTAT EN TURQUIE
Copyright

























© L’H ARMATTAN , 2016
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-75662-2
Remerciements
Ce livre est né du désir d’anciens amis, dont leurs routes se sont croisées pendant leurs études doctorales en France et qui actuellement enseignent dans différentes universités en Turquie, d’engager une réflexion commune sur des thèmes fondateurs de la société turque. Hamit Bozarslan, dont plusieurs d’entre nous ont pu suivre les séminaires à l’EHESS, ainsi que Ahmet Insel, ancien professeur à l’Université Galatasaray ont eu la bienveillance de contribuer à ce travail.
Comme la plupart des travaux collectifs, ce livre aussi a une longue histoire. La conception et la rédaction des articles qui le composent sont en effet ponctuées par de nombreuses rencontres et sont marquées par les divers évènements politiques et sociaux en cours jusqu’à sa production : ainsi en est-il des deux réunions tenues à Istanbul et à Mersin en 2011, en vue de discuter et d’échanger des idées sur l’État en Turquie, et qui sont à l’origine de ce livre, ainsi que de la survenance de deux événements majeurs, l’incendie qui a ravagé le bâtiment principal de l’Université Galatasaray, le 22 janvier 2013 et les « événements de Gezi » en mai-juin de la même année, lesquels expliquent en partie le retard pris dans la publication.
Nous tenons à exprimer toute notre reconnaissance à Nesrin Yılmaz-Sales pour sa lecture attentive, pour ses corrections linguistiques et ses remarques toujours importantes et constructives pour la plupart des articles. Nous tenons également à remercier Magali Boumaza pour ses corrections et son aide amicale ainsi que Füsun Üstel pour son soutien et ses encouragements.
Ismet Akça, Birol Caymaz et Didem Danış ont eux aussi collaboré aux réunions préparatoires de ce livre, qu’ils en soient ici remerciés. Merci à Canan Akdeniz pour sa promptitude. Merci enfin à Müzeyyen Zeren Akyar et Cemil Yıldızcan pour la couverture.
Présentation Ahmet İNSEL
L’État est un sujet permanent d’interrogation. Ce conglomérat d’institutions plus ou moins bien agencées, cette multiplicité de fonctions plus ou moins bien définies nous donnent à voir de l’État l’image d’une machine administrative. Or l’État n’est pas simplement une machinerie de gestion. Il est aussi, et surtout, le lieu principal de réalisation des volontés de puissance. Il est, selon la belle formule de Nicos Poulantzas, le lieu de condensation des pouvoirs. Formule qui nous empêche de confondre l’État et le pouvoir et qui nous permet en même temps de voir l’étroite imbrication entre les deux.
Historiquement le pouvoir a engendré l’État, mais ce dernier a renforcé son géniteur. Il a ajouté du pouvoir au pouvoir, il a aussi limité le pouvoir du pouvoir. Le conglomérat d’institutions qui composent l’État élargit, renforce et diversifie la capacité d’agir du pouvoir, mais il limite aussi la puissance de ceux qui occupent le lieu du pouvoir. L’État est à la fois un multiplicateur et un réducteur du pouvoir. Les modes de rapport entre les hommes et les femmes formant une société et leur État déterminent laquelle de ces deux capacités, multiplicatrice ou réductrice, va exercer un rôle proéminent. Ils déterminent aussi les moments de basculement de l’État de droit vers l’État de l’arbitraire.
Qui permet ces basculements ? La force physique seule ne saurait suffire sans une dose importante de consentement. La nation, cet être mythique de la modernité, est souvent appelée à la rescousse afin de produire ce consentement. Sujet abstrait, bien plus abstrait que l’État et bien plus désincarné, la nation est le lieu symbolique sur lequel l’État moderne s’érige, s’enracine et permet à certains de jouir de nouvelles libertés tout en excluant d’autres de cette jouissance.
Henri Lefebvre rappelait, au milieu des années 70, dans De l’État, qu’au début du 19 e siècle, on comptait dans le monde seulement deux États-nations : la France et l’Angleterre. Deux siècles après, en 2011, on compte 193 États membres de l’ONU, dont l’immense majorité se revendique de l’appellation État nation et quelques dizaines d’États-nations en gestation. On peut soutenir, en suivant Lefebvre, que « l’État a réalisé ce qu’aucune religion n’a réussi : conquérir le monde. » Atteindre la généralité. Mais la forme État nation n’a pas conquis seule le monde. L’extension continue de la logique de l’accumulation du capitalisme ainsi que la transformation du monde en un marché mondial ont accompagné cette conquête dans une dynamique conflictuelle. L’État-nation est à la fois un produit de cette dynamique du capitalisme extensive et de la volonté d’encadrer et d’endiguer l’expansion des principes marchands aux espaces de vie les plus reculés de la société.
Il nous faut donc aujourd’hui, en interrogeant l’État, porter aussi notre regard sur la Nation. Nous savons maintenant que, contrairement à cette croyance que les États aiment bien répandre en général, la nation telle que nous l’entendons aujourd’hui est avant tout le produit de l’État. Ce sont les États qui ont fait les nations et ils continuent à les défaire et refaire sans cesse selon les vicissitudes de l’exercice du pouvoir. Certes la nation n’est pas un pur deus ex machina . Dans beaucoup de cas la nation dispose d’une certaine épaisseur historique et celle-ci façonne l’État et tout en étant façonnée par lui. Mais dans l’ensemble l’État façonne bien plus la nation qu’il n’est façonné par elle. Par conséquent, aujourd’hui l’interrogation sur l’État reste inséparable de l’interrogation portée sur la nation, de son unité portée comme un idéal, de ce qu’il est capable d’inclure et des différentes modalités d’exclusion par lesquelles il se donne un corps.
Au 20 e siècle, l’État a souvent modelé de toutes pièces la nation pour exister ou bien pour se réaliser. Il a agrégé plus ou moins bien les peuples, les ethnies, les régions, les « pays ». Il a activement participé à la formation de certaines classes sociales. Il a modelé le champ social et introduit des nouvelles formes de domination et de soumission tout en libérant les femmes et les hommes de certaines anciennes modalités de domination et de soumission.
Le pouvoir de l’État moderne réside dans sa capacité à refaçonner d’une manière permanente la nation, d’en redéfinir son extériorité et de se prévaloir de missions qui permettent d’occulter la volonté de puissance qui l’habite. Mais se contenter de la dénonciation de cette volonté de puissance et d’y voir exclusivement dans ces missions la fonction d’occultation risquent de nous empêcher de saisir le rôle stratégique des missions fonctionnelles par lesquelles les États obtiennent aussi le consentement, voire l’adhésion. Les missions que se donnent l’État sécuritaire et celles que s’attribue l’État développementaliste ne sont pas les mêmes. Et ces missions ne restent jamais figées. Leurs évolutions nous décrivent les différents agencements institutionnels à travers lesquels les États, chacun à sa manière dans sa propre historicité, condensent le pouvoir et permettent la réalisation des volontés de puissance. Les différents articles qui composent ce livre coordonné par Özgür Adadağ ont justement l’ambition d’étudier ces différents agencements institutionnels et leur évolution dans le temps prenant pour cas d’étude la Turquie contemporaine.
* * *
L’État de la République de Turquie est fondé dans l’ambition de réaliser l’unité indivisible de l’État avec son pays et sa nation. Comme le montre Özgür Adadağ, ce projet met d’abord en scène le pire qui aurait pu arriver, qui aurait dû arriver, à savoir la disparition de la souveraineté de la nation, l’éclatement du territoire entre des zones d’occupation de forces étrangères et finalement la servitude. Vient immédiatement après la désignation du sauveur qui a réussi à déjouer ce sinistre scénario, sauver la nation : l’État et les hommes qui l’incarnent. Le scénario du pire est donné par le traité de Sèvres. La superposition des cartes montrant les conséquences de ce traité en cas de son application et celui de Lausanne permet de mettre en scène la coupure avec l’Empire d’une part et l

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