Les relations entre les deux Congo
252 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Les relations entre les deux Congo , livre ebook

-

252 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

En raison même de leur intensité, les relations qui existent entre les deux Congo ne sont à nul autre cas pareilles sur le continent. La proximité particulière de leurs deux capitales, Brazzaville et Kinshasa, renforce cette singularité. L'auteur tente de saisir le sens des relations entre les hommes pour tracer l'évolution des rapports entre ces deux pays voisins.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2011
Nombre de lectures 55
EAN13 9782296802858
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES RELATIONS ENTRE LES DEUX CONGO
Évolution et dynamique interne
Jérôme Ollandet
LES RELATIONS ENTRE LES DEUX CONGO
Évolution et dynamique interne
L’Harmattan
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54342-3
EAN : 9782296543423
À tous ces piroguiers habiles et cossus qui, par-dessus les vagues et les crues, aident à la traversée du fleuve puissant car du très fond de leur âme intime, ils savent qu’il est une limite infime.
AVANT-PROPOS

De tous les rapports que les hommes, les peuples ou les Etats peuvent tisser entre eux, les relations de voisinage, c’est-à-dire de proximité cartographique, restent probablement parmi les plus vivantes et les plus concrètement vécues. En effet le parcours, donc l’espace comme le temps, reste l’une des données profondes de l’existence. Des hommes et des femmes qui se voient tout le temps et tous les jours ont beaucoup de choses à se dire ; ils ont beaucoup d’occasions pour s’apprécier, parfois aussi pour se haïr. Voilà pourquoi tracer l’évolution des rapports entre deux pays voisins comme les deux Congo revient tout d’abord à saisir le sens de ces relations entre les hommes. C’est donc la sociologie de ces relations humaines qui importe ici plus que les normes juridiques qui les sous-tendent. Ici, il est nécessaire déjà de rappeler les orientations essentielles qui ont servi de guide à cette étude. La première, qui est la plus importante, reste ce qu’on pourrait appeler la singularité de ces rapports entre les deux Etats. En raison même de leur intensité, les relations entre les deux Congo sont, à nulle autres, pareilles sur le continent. La proximité particulière des deux capitales renforce cette particularité.
Il y a ensuite cette dynamique interne qui, même aux plus hauts moments des tensions, arrive toujours comme une force régulatrice. Autant ces rapports se gâtent très vite, souvent pour des motifs très banals, autant ils se normalisent dans les délais raisonnables que la codification des coutumes politiques qu’on appelle la raison d’Etat n’arrive pas toujours à expliquer. Le troisième axe de cette étude renvoie à cette espèce d’ amicale mésentente qui existe entre les hommes politiques des deux rives du fleuve Congo. Des hommes qui sont capables de se faire fustiger par la radio et dans les journaux des pires récriminations au sortir de grandes embrassades diplomatiques . Comme tout mariage capricieux, celui de ces deux rives du fleuve Congo possède aussi ses sautes d’humeur et ses anecdotes. En voici une de 1982 qui est à peine crédible tant les faits sont si vrais ! Chaque année, les deux pays fixent des périodes d’interdiction et d’ouverture de la chasse qui malheureusement ne coïncident pas partout. La chasse était déjà ouverte au Congo-Brazzaville lorsque l’interdiction de chasser restait en vigueur sur la rive gauche du fleuve. C’est ainsi que deux chasseurs de la région du Pool au Congo-Brazzaville, poursuivant alors un gibier qu’ils venaient de blesser grièvement, s’étaient retrouvés sans faire attention en territoire du Congo-Kinshasa. Là-bas la chasse était encore fermée.
Les deux hommes furent arrêtés par les gardes champêtres de ce pays pour braconnage et pour désobéissance à la loi. Ils se défendirent en disant qu’ils avaient bel et bien chassé sur leur propre territoire (où la chasse était ouverte) et que le gibier qu’ils poursuivaient après le premier coup de feu était une bête qu’ils avaient blessée sur leur terroir. Leur argumentation était solide. Le lieu du premier tir qui blessa la bête se trouvait effectivement non loin de Mbanza/Nkolo dans le Pool, en territoire du Congo-Brazzaville. Malgré tout cela, rien ne fut fait. Les pauvres chasseurs furent internés. Et il fallut attendre des négociations de haut rang pour obtenir la libération de ces deux hommes qui ne purent regagner leur village que trois semaines plus tard1. Voilà l’un des aspects cocasses de ces relations entre les deux pays. C’est dans ces faits et gestes insolites, parfois sérieux, parfois bizarres, qu’il faut se situer pour les comprendre. C’est là également toute la richesse de ces rapports ! Et quiconque se refuse d’admettre ce côté ambigu des hommes et des choses doit se résigner à ne jamais comprendre ce pan intéressant des relations internationales qui existent entre des Etats africains voisins comme les deux Congo !










1. L’auteur qui était à l’époque Secrétaire général du Ministère des Affaires Etrangères avait pris part à ces négociations. La remise en liberté des deux hommes se fit par l’intermédiaire de la chancellerie du Congo-Brazzaville à Kinshasa.
INTRODUCTION


Dans le monde, on sait que le fleuve Congo et les deux Etats qui portent son nom, le Congo-Brazzaville et le Congo-Kinshasa 2 sont situés au cœur de l’Afrique centrale. Mais sait-on toujours que Brazzaville et Kinshasa, les capitales de ces deux Etats, ne sont séparées que par un fleuve d’une dizaine de kilomètres de large qui avait porté, un moment donné, un nom spécifique sur chaque berge ? Sur la rive droite, il s’appelait Fleuve Congo . Sur la rive gauche, on le nommait Fleuve Zaïre. Seuls les artistes, les musiciens surtout lui avaient trouvé l’appellation médiane de Zaïco . Cette ingéniosité arrangeait tout le monde puisque la trouvaille avait fini par désigner toutes sortes de métissages possibles réalisés entre les deux peuples.
La traversée du fleuve dure environ quinze à vingt minutes à une cadence d’un passage chaque demi-heure. Donc plusieurs passages dans la journée. Au départ et à l’arrivée de chaque B each , ce sont des foules immenses d’amis et de parents qui montent et descendent des embarcations. Chacun va et revient avec son motif et ses préoccupations. Les relations entre les deux rives du fleuve Congo se traduisent avant tout par le poids de ce trafic. C’est un indicateur important. Quand il est dense et continu, cela veut dire que tout va bien entre les deux pays ! Un arrêt de quelques heures soulève dans chaque ville autant à Brazzaville qu’à Kinshasa, une grogne populaire, un malaise social que les pouvoirs publics doivent toujours tenir en ligne de compte pour éviter des mécontentements intérieurs plus grands. Pourtant, entre ces deux villes si proches, une lettre mise à la poste dans l’une ou l’autre capitale pouvait encore mettre, il y a encore si peu de temps, plus de deux à trois semaines pour arriver à son destinataire. Elle aurait fait tout d’abord le parcours Bruxelles et Paris dans une longue course. La conséquence de tout cela reste que tout le monde, sur les deux rives, avait perdu ainsi l’habitude de s’adresser aux services postaux des deux pays pour écrire à un ami, à un parent ou à un quelconque service. Jusqu’au 25 avril 19853, il était plus facile d’entrer en relation téléphonique de Brazzaville à Bonn ou de Kinshasa à Washington qu’entre les deux capitales. Même le service postal entre les deux villes n’existait pas encore jusqu’en 1985. Pourtant, depuis toujours, le langage politique est resté le même sur les deux rives du fleuve. Il magnifie la profondeur des liens unissant les deux peuples. On dit souvent qu’ils sont liés par une communauté de sang et une identité de civilisation. Ce type de discours ne trompe généralement personne. Il est indéniable que les hommes des deux rives ont plus qu’une simple identité de vue culturelle. Ils sont un même peuple, issu des mêmes ancêtres, ayant souvent des héros légendaires communs, parlant les mêmes langues, etc. Ce que nous avions dit du passage entre les deux capitales est aussi valable pour les autres localités situées de part et d’autre du fleuve. Entre les deux Lokoléla, entre Mpouya et Bolobo, aux endroits ou le fleuve n’est plus une simple frontière fluviale, mais une véritable mer qui bouge , les populations gardent des relations de même intensité.
En dépit des mesures souvent draconiennes des deux Etats pour gêner leurs relations, d’importants mouvements de circulation des personnes et de biens existent entre les populations qui vivent de part et d’autre de la frontière. Ces mouvements et ces relations s’avèrent être une réplique à la rupture des circuits réels de contacts entre les peuples africains, circuits brisés par les nouvelles frontières issues des legs coloniaux et que les États modernes s’acharnent à défendre comme une grande raison d’existence. Cet aspect caché de

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents