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Description
Informations
Publié par | Nouvelle Cité |
Date de parution | 13 juin 2018 |
Nombre de lectures | 4 |
EAN13 | 9782375820278 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0035€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
La collection " Penser avec propose de renouveler la r flexion sur les grands th mes de l conomie et du management, en invitant la lecture d un auteur de r f rence. L uvre de l auteur est expos e de mani re clairer son contenu, ses apports et aussi ses limites pour appr hender la r alit du monde conomique contemporain. La collection permet de se forger une culture critique en revenant aux auteurs classiques et en pensant avec eux.
" Les id es des conomistes et des philosophes politiques - qu ils aient raison ou qu ils aient tort - sont plus puissantes qu on ne le pense g n ralement. [ ] En g n ral, les esprits pragmatiques qui se croient totalement l abri de toute influence intellectuelle, ne sont que les esclaves d un conomiste d funt.
John Maynard K EYNES
BIOGRAPHIE
1872 : Naissance de Marcel Mauss le 10 mai pinal. Sa m re, Rosine Durkheim, est la s ur a n e d mile Durkheim qui jouera par la suite un r le d terminant dans sa vocation de chercheur et sa carri re acad mique.
1890 : Mauss rejoint Bordeaux Durkheim qui y enseigne la philosophie.
1892 : Agr gation de philosophie. Mauss ne prend pas de poste dans l enseignement secondaire mais s installe Paris pour tudier l cole Pratique des Hautes tudes (EPHE).
1894 : Il prend activement part aux soutiens en faveur du capitaine Dreyfus.
1902 : Mauss obtient la chaire d histoire des religions des peuples non civilis s l EPHE.
1904 : Avec Jean Jaur s et Lucien Herr, Mauss participe la fondation du quotidien L Humanit .
1909 : Il commence, tardivement, une th se de doctorat, qu il ne finira jamais, sur la pri re.
1917 : D c s d mile Durkheim. Mauss est l ex cuteur testamentaire. Mauss, qui a toujours eu une grande pi t familiale l gard de son oncle, commence l dition posthume de l ensemble des uvres de celui dont il se sentait l h ritier.
1933 : Arriv e d Hitler au pouvoir en Allemagne. Mauss ne quittera jamais la France.
1940 : Mauss est mis la retraite par le gouvernement en place. Assign r sidence, surveill par la Gestapo, il vit sous la menace constante d une arrestation et d une d portation. Il rentre dans une profonde l thargie dont il ne sortira jamais.
1950 : Marcel Mauss d c de le 10 f vrier Paris, intellectuellement tr s diminu et presque seul.
UVRES CIT ES DANS CET OUVRAGE
1920 : L extension du potlatch en M lan sie.
1921 : Une forme ancienne de contrat chez les Thraces.
1923 : L obligation de rendre les pr sents.
1924 : Gift-gift.
1923-1924 : Essai sur le don - Forme et raison de l change dans les soci t s archa ques.
1925 : Sur un texte de Posidonius - Le suicide, contre-prestation supr me.
DITIONS ET SIGLES UTILIS S DANS CET OUVRAGE POUR LES CITATIONS
Les extraits cit s renvoient ces ditions selon le sigle utilis ci-dessous avec le num ro de page.
ED : " Essai sur le don - Forme et raison de l change dans les soci t s archa ques (1923-1924), Ann e Sociologique , t. 1 (dans Mauss M. (1997), Sociologie et Anthropologie , PUF, 7 e dition, pp. 145-279).
EPM : " L extension du potlatch en M lan sie (1920), Anthropologie , n 30 (dans Mauss M. (1969), uvres - Vol. 3 , ditions de Minuit, pp. 29-34).
FCT : " Une forme ancienne de contrat chez les Thraces (1921), Revue des tudes Grecques , n 34 (dans Mauss M. (1969), uvres - Vol. 3 , ditions de Minuit, pp. 35-43).
GG : " Gift-gift (1924), dans M langes offerts Charles Andler par ses amis et ses l ves , Istra (dans Mauss M. (1969), uvres - Vol. 3 , ditions de Minuit, pp. 46-51).
ORP : " L obligation de rendre les pr sents (1923), Anthropologie, n 33 (dans Mauss M. (1969), uvres - Vol. 3 , ditions de Minuit, pp. 44-45).
TP : " Sur un texte de Posidonius - Le suicide, contre-prestation supr me (1925), Revue Celtique , n 42 (dans Mauss M. (1969), uvres - Vol. 3 , ditions de Minuit, pp. 52-57).
MARCEL MAUSS : UN C L BRE INCONNU
Pour ceux qui le connaissent ou ont d j entendu parler de lui, Marcel Mauss est le penseur du don par excellence. L Essai sur le Don, le travail qui l a rendu c l bre, a eu une influence d terminante sur la sociologie fran aise et la philosophie. Fran ois Dosse, dans son livre Histoire du structuralisme, affirme ainsi que sans Mauss et l Essai, un immense courant de pens e comme le structuralisme aurait t impossible. Des penseurs y ont trouv des outils et des perspectives : Bataille, Derrida, Lacan ou Foucault pour n en citer que quelques-uns.
Mais force est de constater que, malgr la c l brit de l Essai et de son auteur, la pens e de Mauss sur le don est mal connue : pour beaucoup, elle se r sume la triple obligation " donner-recevoir-rendre De m me, le concept de " fait social total qui se trouve au c ur de l Essai, est souvent r duit un fait symbolique. Or, comme nous le verrons plus loin, pour Mauss, ce qui faisait la sp cificit du don, ce n tait pas le " donner-recevoir-rendre ; de m me, le fait social total, qui sera un concept important de sa pens e, ne se r duit pas au seul symbole ou sa seule dimension symbolique.
Pourquoi conna t-on si mal la pens e de Mauss sur le don ? D abord parce que, paradoxalement, il est peu lu. Il est vrai que l Essai sur le don est un texte mal crit au regard de nos canons acad miques modernes. Comme son nom l indique, c est un essai. Bien que volumineux et tr s riche (trop ?) de notes de bas de page multipliant commentaires et bibliographie, le texte semble avoir t crit rapidement : trop de phrases, complexes, peuvent tre interpr t es de fa ons diff rentes ; des passages semblent se contredire ; d autres sont difficilement compr hensibles.
Marcel Mauss, pour foisonner d id es g niales, avait peine commenc une recherche qu il imaginait d j la suivante. Quand certains de ses contemporains et amis produisaient des travaux achev s - le grand exemple tant les ouvrages tr s charpent s de Durkheim -, lui avait du mal finir et mettre en forme les siens. Ainsi, il ne parviendra jamais finir sa th se de doctorat sur la pri re. Blocage psychologique ? Manque de discipline ? Beaucoup d explications ont t tent es. Ce n est pas le lieu ici de les passer en revue. Mais le fait est l : l Essai sur le don est un texte complexe, tortueux, souvent paradoxal et contradictoire, parfois difficile comprendre, parfois interpr table de mille mani res.
Pourtant, l Essai est un texte g nial par son contenu et fascinant par son style. Partout surgissent des id es qui en font une mine in puisable de perspectives sociologiques et anthropologiques. Ce texte a t , reste et sera la matrice de pens es et de th ories puissantes. Claude L vi-Strauss, dans son Introduction l uvre de Marcel Mauss, aura cette phrase qui r sume tout : " Cette pens e rendue parfois opaque par sa densit m me, mais toute sillonn e d clairs, ces d marches tortueuses qui semblaient garer au moment o le plus inattendu des itin raires conduisait au c ur des probl mes, seuls ceux qui ont connu et cout l homme peuvent en appr cier pleinement la f condit et dresser le bilan de leur dette son gard. Est-ce dire que, avec la disparition de ses contemporains, la compr hension de la pens e de Mauss est perdue ? Ce serait trop simple et ce ne serait pas rendre justice l auteur qui, bien qu crivain press , avait travaill publier ses recherches dans l intention de faire avancer celles des autres.
Cette pens e est mal connue aussi parce que, trop souvent, on la conna t de " seconde main , au travers des travaux de chercheurs r put s tels qu Alain Caill ou Jacques Godbout. Or ces auteurs se sont appuy s sur Mauss pour d velopper une interpr tation de sa pens e qui, pour tre passionnante, n puise pas, loin s en faut, la conception maussienne du don.
Elle est mal connue enfin parce que les autres textes de Mauss sur le don sont ignor s. Or des textes tr s courts comme Gift-Gift ou L obligation de rendre les pr sents permettent de comprendre plus clairement certains des passages difficiles interpr ter de l Essai. Leur lecture parall le est donc indispensable.
Notre ouvrage a pour objectif, l gitimement ambitieux, d introduire une pens e dense et complexe. Pour ce faire, nous rappellerons dans le premier chapitre les donn es que manipule Marcel Mauss, c est- -dire les r f rences aux soci t s primitives et archa ques, et nous rappellerons sur quelle conception des hommes d une part et des objets d autre part sa pens e s appuie. Nous rappellerons aussi la question que se pose Mauss dans son Essai, et tout au long de sa vie : comment les soci t s se constituent-elles et comment se reproduisent-elles ?
Dans les chapitres deux cinq, nous verrons comment le don, en tant que fait social total, r pond cette question dans le cas des soci t s dites primitives et archa ques. Nous y verrons le poids de la norme et de la sophistication. Nous y verrons l uvre la reproduction sociale et la tradition. Les soci t s d crites par Mauss sont tout sauf altruistes, sinc res et libres. Partout ne r gne que l int r t, la contrainte et la sanction : la gratuit et la libert ne sont qu apparence.
Mauss aura cette affirmation c l bre : le don est " un des rocs humains sur lesquels sont b ties nos soci t s . De fait, dans le dernier chapitre de l Essai, le plus c l bre, il tentera de transposer le don la soci t moderne de son temps qui est pourtant tr s diff rente des tribus et clans sur lesquels il a b ti sa th orie. Comment faire ? Dans les chapitres six et sept, nous verrons comment Mauss tente de r pondre cette question. Il y a alors deux possibilit s.
La premi re est d observer et de constater l volution profonde de la structure du don qui a pu s op rer entre les soci t s archa ques et nos soci t s occidentales modernes. Parce que, comme nous le verrons, le don n est plus le fait social total qui constitue notre soci t moderne. Il est devenu un mod