La philosophe réformiste et le géographe anarchiste
169 pages
Français

La philosophe réformiste et le géographe anarchiste , livre ebook

-

169 pages
Français

Description

Clémence Royer (1830-1902), anthropologue et philosophe, est connue comme première traductrice de L'Origine des espèces de Darwin. Elle est aussi la première théoricienne du darwinisme social. Les féministes en font l'une des leurs. Pierre Kropotkine (1842-1921) est un penseur anarchiste. Il était aussi un géographe reconnu par ses pairs. Leur conversation porte sur les inégalités, la femme, la morale, ils abordent Darwin, Marx ou Spencer. Si leur dialogue reflète les idéologies du XIXe siècle, il reste actuel quand il s'agit de solidarité et de démocratie directe.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2017
Nombre de lectures 4
EAN13 9782140050183
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

reconnu comme tel par tous les scientiîques de l’époque.
la morale, la possibilité d’une société anarchiste... Ils prennent
Comte, Spencer... Ils évoquent aussi leur biographie. Le dialogue Royer-Kropotkine est un reet des idéologies de la în du Kropotkine pense que la révolution sociale est imminente...
rapports entre la biologie et l’évolution sociale sont plus que jamais d’actualité. Les idées libertaires de solidarité, de démocratie directe, d’association locale de
Michel Huteau
LA PHILOSOPHE RÉFORMISTE ET LE GÉOGRAPHE ANARCHISTE
CONVERSATION ENTRE CLÉMENCE ROYER ET PIERRE KROPOTKINE
La philosophe réformiste et le géographe anarchiste
Michel HUTEAULA PHILOSOPHE REFORMISTEET LE GEOGRAPHE ANARCHISTEConversation entre Clémence Royer et Pierre Kropotkine L’Harmattan
Du même auteur chez le même éditeur : Psychologie, psychiatrie et société sous la Troisième République. La biocratie d’Edouard Toulouse (1865-1947). 2002.© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-12987-7
EAN : 9782343129877
Avril 1884. Le mercredi matin 16. L’air est frais et le ciel est lumineux. Accompagnée du gardien qui l’a accueillieà la descente du train, une femme de petite taille se dirige à grands pas vers l’abbaye de Clairvaux devenue une prison.C’est la philosophe et anthropologue Clémence Royer.Elle rend visite au géographe anarchiste Pierre Kropotkine qui y purge une peine de cinq ans.
&OpPHQFH 5R\HU D  DQV HOOH Q·HVW SOXV OD MHXQH ÀOOHau chapeau rose que Théobald Chartran représentera quelques années plus tard dans une grande fresque en hautde l’escalier d’honneur de la Sorbonne, au milieu demessieurs en noir écoutant la leçon d’astronomie de François Arago à l’Observatoire de Paris. Ce n’est plus non plusla belle femme épanouie que Nadar a photographiée en 1865, avec sa coiffure à la mode empire, ses bandeaux de cheveuxlégèrement ondulés et sa grande anglaise. Sa silhouette s’est alourdie et ses traits se sont durcis mais elle a toujoursses yeux bleus perçants et son front bombé, « un frontpuissamment modelé de mathématicien » écrira Adolphe Buisson. Ce chroniqueur rencontre Clémence Royer en 1895,il ne l’a pas vue depuis 15 ans et trouve qu’elle n’a pas beaucoup changé. Elle a toujours, dit-il, l’œil lumineux,la voie très nette et le verbe éloquent et pittoresque.Il ajoute qu’ « elle n’a pas beaucoup de grâce au sens féminindu terme ».
7
Clémence Royer agite la cloche à l’entrée de la prison. La porte s’ouvre et le directeur de la prison en personne,M. Arnaud, qui l’attendait, lui souhaite la bienvenueet lui demande si elle a fait bon voyage. Il se proposede la conduire auprès de Pierre Kropotkine. Ils suiventXQH JUDQGH DOOpH ERUGpH G·XQ F{Wp GH JUDQGV pGLÀFHVaux façades imposantes, typiques de l’architecture classiqueème du XVIII siècle. Un bruit sourd et continu se faitentendre. Le directeur apprend à la visiteuse qu’il s’agit du bruit des machines que les prisonniers utilisent pourfabriquer des chaussures. Au bout de l’allée ils arriventdans une vaste cour fermée et la traversent pour rejoindreun porche. Clémence Royer remarque que le bâtimentdans lequel ils se trouvent est de style gothique. Arnaudlui explique qu’à l’exception de ce bâtiment, l’abbaye duème XII siècle a été détruite, y compris son église, à partirde 1708, pour être reconstruite dans le style classique que nous lui connaissons aujourd’hui. A l’origine, ce bâtimentétait destiné à l’hébergement des convers, puis il estdevenu une grange, ce qui lui a permis d’échapper àla destruction. Arnaud, manifestement ravi de parler de son abbaye plutôt que de sa prison, indique que ces im-menses locaux n’ont jamais été occupés par les moines qui,à la veille de la révolution, n’étaient plus qu’une soixantainealors qu’à la grande époque de Clairvaux ils étaient environ mille six cents.
A la sortie du porche, Clémence et son guide traversentune nouvelle cour – encore une ! – puis rejoignent au milieude jardins un bâtiment de taille modeste. Voici l’ancienneLQÀUPHULH GLW OH GLUHFWHXU F·HVW SRXU FHOD TX·HOOH HVW XQ SHXà l’écart. Autrefois on l’appelait aussi le petit cloître. C’est là que sont regroupés les détenus politiques.
8
A l’arrivée du directeur, les quelques gardiens présentsGDQV O·HQWUpH UHFWLÀHQW OHXU SRVLWLRQ ,O OHXU GLW TX·H[FHStionnellement aucun gardien ne devra être présent pendantla visite de Mme Royer à M. Kropotkine et que la duréede cette visite ne sera pas limitée et laissée à l’initiative deM. Kropotkine, puis, après avoir salué Clémence Royer,il s’éclipse. Clémence Royer est conduite dans une vastepièce où l’attend Kropotkine. Il se penche en avant. Elle tendla main. Va-t-il la baiser comme cela se faisait à la courdu tsar ? Non, il se contente de la serrer chaleureusement.
Kropotkine a 42 ans. Il est petit, à peine haut de cinq piedset demi écrira un journaliste qui notera aussi que ses piedsVRQW H[WUDRUGLQDLUHPHQW SHWLWV 6D WDLOOH HVW ÀQH HW VHV pSDXOHV sont larges. Un marxiste anglais qui le décrira quelquesannées plus tard nous dit que son cou est ramassé et qu’il aune grosse tête. Ses traits, dit-il, sont irréguliers et il a un nezde type kalmouk, mais son visage est néanmoins engageantet de type russe. En cette année 1884 il a déjà le frontdégarni et ses imposantes moustache et barbe qui lui mangent le visage sont grisonnantes. Derrière des lunettes cercléesde fer ses yeux pétillent.
* * *
P.K. – Je vous attendais et je suis désolé de ne pas mieux vous recevoir. Nous aurons quand même du thé. Je n’ai pas oublié que je suis russe et je ne me sépare jamais de mon samovar !
9
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents