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Description
Informations
Publié par | Publishroom |
Date de parution | 15 septembre 2016 |
Nombre de lectures | 0 |
EAN13 | 9791023602074 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 1 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,0017€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Bernard Reymond
Pour TIGNES
mon village, mon pays, ma vie !
Récit autobiographique d’un long combat pour TIGNES
par Bernard Reymond ancien maire
À ma montagne…
À sa beauté…
À l’avenir !
« Tout homme est d’abord d’un pays, d’un endroit dans le temps où tenir sa place »
– Charles Péguy
Prologue
Enfant du pays, né dans l’ancien village de Tignes, au fond du barrage, j’ai vécu l’évacuation, l’exil, le retour, la renaissance et le succès de cette commune de montagne à l’histoire si particulière. Et j’ai vécu tout ça de très près. Ma mémoire de cette histoire est inédite et je souhaite la partager avec tous ceux qui aiment passionnément ce coin de montagne et le regardent autrement que comme une vulgaire machine à sous !...
Événements, faits divers, opérations d’aménagements, anecdotes, luttes politiques, oppositions de personnes, coups tordus et coups bas… je raconte tout.
Je raconte tout sous la forme de l’autobiographie. Cette histoire est mon histoire et tous ceux qui ont vécu ces moments de l’histoire de Tignes pourront la confronter avec leur propre mémoire de ces moments-là.
Et si en fin de compte il en restait quelque chose « Pour TIGNES » je n’aurais pas écrit pour rien.
Bernard REYMOND
Ancien maire de Tignes
« Celui qui écrit sa biographie se condamne à mentir »
a dit Freud… et bien tant pis j’écris quand même ! avec ma mémoire, mes archives et ma sincérité.
Repères chronologiques
1947 – Ma naissance dans l’ancien village de Tignes.
1952 – Évacuation et noyade de l’ancien village de Tignes.
1953 – Inauguration du nouveau chef-lieu aux Boisses.
1954 – Premier téléski au Lac de Tignes : Le Chardonnet.
1956 – Tignes toujours vivant : la station démarre enfin, les Tignards reviennent.
1963 – Création du Parc National de la Vanoise.
1965 – Me voilà moniteur à l’École de Ski de Tignes.
1967 – Le promoteur Pierre Schnebelen prend en main le destin de Tignes : Grand bond en avant de la station avec la création du Val Claret.
1968 – Équipement de la Grande Motte : Tignes entre dans la cour des grandes stations internationales.
1969 – Me voilà directeur de l’École de Ski de Tignes.
1970 – Les avalanches remettent les projets en question.
1974 – Je dois démissionner de la direction de l’École de Ski.
1975 – La contestation des projets de construction prend de l’ampleur et je m’engage dans ce combat.
1977 – Les contestataires remportent les élections municipales et je suis élu maire-adjoint.
1980 – Un accord est conclu avec le promoteur.
1983 – Nouvelle victoire aux élections municipales et je suis réélu maire-adjoint.
1985 – Drame en montagne : mon frère Claude trouve la mort sous le Mont Blanc.
1986 – Les Premiers Championnat du monde de ski artistique et acrobatique ont lieu à Tignes.
1986 – Albertville est désignée pour les JO de 1992.
1987 – Drame en montagne : l’épouse de mon frère Claude trouve la mort sous la Grande Casse avec deux amis proches.
1987 – Je me retire de l’action publique.
1989 – Faillite de Pierre Schnebelen : les remontées mécaniques de Tignes sont reprises par la Caisse des Dépôts.
1992 – Les épreuves de ski artistique des Jeux Olympiques et les Jeux Handisports ont lieu à Tignes.
1990/1993 – Construction du funiculaire de Grande Motte.
1994 – Je reviens dans l’action publique.
1995 – Je suis élu maire de Tignes.
2001 – Une élection municipale litigieuse et contestée.
2002 – Nouvelle élection municipale : Olivier Zaragoza est élu maire de Tignes.
2004 – Premières suspicions de détournement de pouvoir.
2006 – Je dénonce publiquement les détournements de pouvoir.
2008 – Olivier Zaragoza est réélu maire de Tignes.
2010 – Je dépose plainte contre le maire.
2012 – Le maire est condamné par le tribunal correctionnel.
2013 – La condamnation est confirmée par la Cour d’appel.
2014 – La condamnation est confirmée par la Cour de Cassation : Olivier Zaragoza est démissionné.
2014 – Jean Christophe Vitale est élu maire de Tignes.
2015 – Je prends la plume pour raconter tout ça !
Chapitre I Mon enfance à Tignes
En ce printemps 1952 je viens d’avoir cinq ans et les réalités du monde qui m’entoure commencent à s’inscrire dans ma mémoire. Ma famille vient de quitter Tignes pour aller s’installer un peu plus bas dans la vallée, à Séez. Tous les Tignards sont en colère, une colère sourde, résignée et terrible à la fois. Je n’y comprends pas grand-chose, sauf que nous aurions dû rester là-haut et que ce n’est pas normal et pas juste que nous soyons ainsi chassés de chez nous et obligés de nous réinstaller ailleurs.
Les travaux de construction du barrage de Tignes avec les monstrueux camions de chantier qui passaient devant la maison, le dynamitage de l’église et du clocher, les CRS qui bousculaient les gens du village, les trois mannequins représentant des personnalités de l’EDF pendus en effigie sur la place du village, toutes ces images fortes sont inscrites dans ma tête d’enfant. Elles resteront gravées en moi comme le symbole de l’injustice et la marque de l’impuissance des gens simples face à la violence d’État. Même si je n’ai pas connu grand-chose de la vie de l’ancien village de Tignes, j’ai moi aussi le sentiment confus que quelque chose me manque, qu’on m’a volé quelque chose et, dans mon cœur d’enfant, je me dis que quoi qu’il arrive et où que je sois je resterai toujours Tignard même si Tignes n’existe plus.
Tignes n’existe plus en ce printemps 1952, il a été rayé de la carte. L’église et la mairie qui sont en cours de reconstruction sur le plateau des Boisses ne constituent qu’un faux-semblant destiné à donner bonne conscience à l’État et à l’EDF qui ont noyé notre village sans le moindre respect pour ses habitants. Les Tignards dispersés n’ont pas profité de leur malheur et n’ont pas pu rester ensemble en faisant reconstruire ce village. Ils ont été indemnisés avec cynisme puis chassés avec violence. La communauté humaine qui vivait dans l’ancien village a été disséminée, anéantie. Il n’y a pas de continuité ni de lien direct entre le village et la station touristique, contrairement à une croyance bien établie et largement entretenue. La preuve la plus flagrante de cette absence de lien et du cynisme de l’EDF comme de l’État tient justement dans le lieu de reconstruction, à la hâte et à moindre frais, de la mairie et de l’église sur ce plateau des Boisses. À la hâte parce qu’il fallait se servir au plus vite des installations de chantier pendant qu’elles étaient encore sur place, et à moindre frais en construisant ces édifices à proximité immédiate des installations de chantier, même si l’endroit se trouvait être au milieu de nulle part et n’avait aucun sens pour devenir le chef-lieu d’une station de tourisme. Qui pouvait sérieusement croire, en 1952, à l’avenir touristique du plateau des Boisses ?... C’est un plateau entouré de falaises, coincé au nord du massif de l’Aiguille Percée. Reconstruire la mairie à cet endroit n’a servi à rien au contraire, cela va handicaper lourdement le démarrage de la station, on verra plus loin pourquoi. Mais cela donnait bonne conscience aux autorités face au drame humain provoqué par la noyade du village, drame humain qu’il fallait dissimuler, qu’il fallait nier. Déni formidablement réussi puisque partout, malgré mon très jeune âge, on me signifiait que j’avais bien de la chance d’être Tignard et que mes parents avaient certainement dû toucher le pactole grâce au barrage. J’en étais révolté car la réalité était toute autre. Je vivais dans un milieu familial et social traumatisé, désemparé par cet exil forcé auquel il était impossible de donner du sens puisque nous n’étions plus en guerre et que l’idée de progrès était impossible à concilier avec la violence et l’exode qu’on nous avait fait subir.
La station touristique n’est donc pas née de la construction du barrage, elle est d’ailleurs totalement inexistante au moment de