Poïèse / Autopoïèse : arts et systèmes
314 pages
Français

Poïèse / Autopoïèse : arts et systèmes , livre ebook

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Description

Cet ouvrage a pour vocation d'explorer une dimension particulièrement féconde de la relation entre les arts contemporains et les technologies du numérique. La poïèse renvoie à l'idée de fabriquer, et l'autopoïèse à ce qui se fait soi-même. L'hypothèse est que l'utilisation des systèmes autopoïétiques dans le cadre d'une démarche artistique décentre le rapport de l'artiste à l'oeuvre dans sa poïèse. L'artiste reste concepteur, mais délègue la poïèse à un dispositif systémique processuel.

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Date de parution 01 novembre 2017
Nombre de lectures 11
EAN13 9782140050459
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sous la direction de Xavier Lambert
POÏÈSE/AUTOPOÏÈSE : ART ET SYSTÈMES
Série Arts Vivants OUVERTUREPHILOSOPHIQUE
Poïèse / autopoïèse : art et systèmes
Collection « Ouverture philosophique »
SérieArts vivants (co-dirigée par Jean-Marc Lachaud, Professeur à l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, et par Martine Maleval, Maître de Conférences à l’Université de Lorraine)
La sérieArts vivantsa pour objectif de publier des ouvrages individuels ou collectifs, affirmant des partis pris esthétiques et artistiques critiques. Les champs privilégiés concernent : - le développement de pratiques transversales, qui bousculent les repères établis et les normes à partir desquelles était jusqu’alors appréciée et évaluée la création scénique, qui effacent les frontières reconnues tant entre les arts qu’entre ceux-ci et d’innombrablespetitesformes et, qui facilitent le déploiement d’un art scéniquehors limites; - la représentation et la mise en scène de corpsindisciplinaires, qui s’insurgent contre les conventions dominantes et fomentent d’intempestifs débordements salvateurs, en bricolant sans modèles pré-établis et en dérobade constante, de troublantes et de provocatrices figures en tension ; - les rapports complexes entre esthétique et politique, les nouvelles formes d’engagement et l’analyse de démarches, d’œuvres et de spectaclesradicaux qui, refusant la logique de la domination et la soumission aux aliénations contemporaines, participent à l’émergence d’uneesthétique de l’émancipation.
Dernières publications
Mboumba Moulambou,Wilhelm von Humboldt, cet illustre inconnu,2017. Nikos Foufas, L’aliénation dans laPhénoménologie de l’esprit,2017Georges GAVRILOFF,L’origine du rire,discours comique et imaginaire, 2017Saad CHAKALI,Jean-Luc Godard dans la relève des archives du mal(2017) Martine MALEVAL et Jean-Marc LACHAUD,Rue des arts. Productions artistiques et espace urbain(2015) Manuel NORVAT,Le chant du divers,Introduction à la philopoétique d’Édouard Glissant(2015) David BRUNELLa photographie vue de dos. Une aventure spéculaire (2015) Martine MALEVALSur la piste des cirques actuels(2014)
Sous la direction deXavier Lambert Poïèse / autopoïèse : art et systèmes
© L’HARMATTAN, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Parishttp://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-13202-0 EAN : 9782343132020
Introduction Cet ouvrage a pour ambition d’explorer une dimension particulièrement féconde de la relation entre les arts contemporains et les technologies actuelles, en particulier les technologies du numérique et les biotechnologies. Il se propose de construire une réflexion sur la façon dont ces technologies interrogent spécifiquement les processus de création artistique et, réciproquement, comment les démarches artistiques, dans la singularité de chacune, interrogent les enjeux conceptuels et sociétaux de ces technologies. L’objectif de cette réflexion est de mettre en articulation le concept de poïèse et celui d’autopoïèse. La poïèse renvoie à l’idée de faire, fabriquer (depoieien, faire). Dans le domaine artistique, la poïèse correspond au processus d’effectuation de l’œuvre. Cela comprend autant les processus mentaux mis en œuvre dans le processus, que la transformation de la matière (ou de l’énergie) qui résulte de ces processus, et les allers-retours dialectiques que suppose nécessairement ce dispositif. L’autopoïèse définit, littéralement, ce qui se fait soi-même. Initié par Varela, notamment, le concept d’autopoïèse définit les systèmes vivants. Il est utilisé aussi pour définir les systèmes informatiques de type génératif qui ont une capacité d’évolution autonome, d’évolution par apprentissage. La création artistique contemporaine est de plus en plus concernée par la question de l’autopoïèse, soit parce qu’elle utilise des programmes génératifs, soit parce qu’elle utilise les systèmes vivants (manipulations génétiques, cultures de tissus …) soit, enfin parce que les représentations du réel qu’induit le concept d’autopoïèse sont une donnée paradigmatique qui préside en tant que telles à un certain nombre de démarches qui ne reposent pas nécessairement sur l’utilisation de ces technologies. L’hypothèse est que l’utilisation des systèmes autopoïétiques dans le cadre d’une démarche artistique décentre le rapport de l’artiste à l’œuvre dans sa poïèse puisqu’il ne se situe plus dans une logique de
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représentation du réel mais de présentation (de production ?) de réel. L’artiste reste concepteur, mais délègue la poïèse à un dispositif systémique processuel. La question est de savoir alors s’il y a transformation ontologique de la posture de l’artiste par rapport au processus poïétique, et, par-delà, comment cette posture continue d’inscrire sa singularité par rapport au système lui-même. On pourrait alors considérer que nous sommes face à deux temporalités différentes, l’une qui ressortirait à la phase de programmation de l’œuvre, l’autre à l’effectuation de l’œuvre par un système autogénérateur (numérique ou biologique). Mais les choses me paraissent plus complexes. La conception de l’œuvre implique la prise en compte conceptuelle des logiques des systèmes utilisés de sorte que le résultat réponde aux desseins de l’artiste. Cela suppose donc que le système est présent, au moins virtuellement, dans le temps de la conception de l’œuvre, et,a fortiori, dans les opérations de codage, numérique ou biologique, des agents génétiques qui vont permettre la genèse de l’œuvre et son développement. Mais cela signifie aussi que la mise en activité des processus génératifs est forte de la virtualité que représente le dessein de l’artiste dans son articulation à la logique du système. Mais je ne pense pas qu’on puisse se contenter de penser ces deux temporalités de façon consécutive. Il me semble plutôt qu’on pourrait parler de temporalités connexes. Trinh Xuan Thuan met en évidence le bouleversement que la Théorie de la Relativité apporte à notre conception du temps : « Comme un paysage qui s’étend à perte de vue dans l’espace, le temps physique est là tout entier au même moment. Le paysage du temps s’étend de l’horizon du passé jusqu’à l’horizon du futur. Toute distinction entre passé, présent et futur n’est qu’illusion. Au contraire du temps psychologique, le temps physique ne s’écoule ni ne passe. Il existe tout en bloc ; il est, tout 1 simplement. »
Le tissage temporel qu’organise la poïèse de l’œuvre, dans le cadre de la postmodernité, me paraît ressortir de cette approche du temps, à la différence que je ne représenterais pas ce paysage dont parle Thuan sous la forme d’une étendue, mais sous la forme d’une interpénétration et d’une interconnexion de strates multiples dont chaque région serait à
1 Xuan Thuan,Le chaos et l’harmonieLe chaos et l’harmonie La fabrication du réel. Paris, Fayard, 1988, Gallimard/Folio, p. 265
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la fois contiguë et opposée. Nous sommes dans l’épaisseur d’un temps 1 multiple et unique à la fois. C’est l’Alephde Borgès , ce point unique fantastique duquel on peut voir tous les aspects du monde en un seul point de vue. II me semble que ce qui caractérise ces nouvelles épissures du réel qu’organise l’hybridation de la pensée techno-scientifique et de la pensée artistique, c’est qu’elle procède d’un glissement du symbolique. Le symbolique convoqué est celui de la computation, c’est-à-dire, selon leRobertce qui, en vertu d’une convention arbitraire, correspond à, « une chose ou une opération qu’il désigne. V. Algorithme, alphabet, 2 notation, signe. » Et la question qu’on peut se poser, en fin de compte, est de savoir si ce n’est pas la science qui quelque part remplit le rôle dévolu à l’artiste jusqu’alors. Dans un article du bloguemondediplo.net, Hervé Le Crosnier écrit, à propos de la biologie de synthèse : «La nature n’est plus le modèle unique et singulier que la science doit interpréter, mais 3 un simple objet que les ingénieurs doivent améliorer[]» Ce processus convoque conjointement les nanotechnologies, la biologie (dans ses aspects les plus contemporains), l’informatique, et les sciences de la cognition poursynthétiser de nouvelles formes de vie. L’objectif n’est donc plus de modéliser les processus du vivant, ni même d’intervenir sur le vivant pour en modifier les paramètres via les manipulations génétiques qui permettent par exemple de produire à grande échelle de la toile d’araignée à partir du lait de chèvres qui ont été modifiées par la transgénèse. Il ne s’agit donc pas seulement d’intervenir au niveau du gène, mais au niveau atomique, moléculaire ou macromoléculaire pour réaliser des « systèmescomplexes, inspirés par ou basés sur le vivant, en les dotant de fonctions n’existant pas dans 4 la nature. » 1 Borges Jorge Luis,L’Aleph, Paris, Gallimard, 1967, trad. Roger Caillois et René L. –F. Durand2 Le Robert,dictionnaire de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1989, p. 19033 »,Hervé Le Crosnier, « La boîte de Pandore de la biologie synthétique http://blog.mondediplo.net/2010-05-21-La-boite-de-Pandore-de-la-biologie-synthetique, consulté le 19/05/2012 4 CNDP, commission particulière du débat public Nanotechnolgies, http://www.debatpublic-nano.org/participer/base-connaissance-popup.html?rub=220, consulté le 03/06/2012
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Cet ouvrage se compose en trois parties. La première,Poïétiques génératives, porte sur un certain nombre de pratiques artistiques problématisées où la poïèse ressortit à la générativité, soit programmatiquement, soit métaphoriquement, en articulation plus ou moins directe avec l’outil numérique. La deuxième,Approches théoriques de l’émergence, consiste en différentes analyses sur les enjeux de l’articulation entre la création artistique et le concept d’autopoïèse. La troisième partie,Poïétiques du vivant, s’intéresse aux processus poïétiques qui convoquent les processus du vivant ou s’en inspirent. Poïétiques génératives
DansLa création artistique dans une représentation systémique, Edwige Armand s’attache à aborder la création artistique comme un processus systémique. L’art numérique, en particulier, permet d’intégrer la pensée de la complexité avec ce que cela suppose de multiple et d’indéfini du fait de la labilité des processus mis en œuvre. « La pensée du statique, du fixe qui permettait de former le modèle mécanique, semble aujourd’hui ne plus suffire pour appréhender la complexité de la réalité que le modèle systémique permet d’élaborer », explique-t-elle. La pensée systémique, dans ce contexte, s’inscrit comme une pensée holistique qui aborde les interrelations entre les éléments du système et la façon dont elles font système plutôt que les éléments eux-mêmes pris individuellement dans leur discrétion. Elle propose alors d’envisager la création artistique à partir de cette approche systémique, où « l’objet esthétique devient dans[]irreprésentable, car irréversible et sans forme fixe.[]un même geste s’ouvre en de multiples séries de possibles nous faisant prendre conscience que la réalité pourrait se décliner sous de multiples formes simultanément. » L’acte de création pose la question du temps, mais dans une approche rhizomique. Car la pensée rhizomique, dans sa complexité, inscrit la multiplicité, la multitude, même, en dissolvant les 1 hiérarchies. Elle est de l’ordre de « la connaissance sans savoir ». Et c’est parce que l’acte de création est de l’ordre de la « pensée non déterminée » qu’il permet de comprendre » le vrai mouvement qui ne 1 Henri Bergson,Essai sur les données immédiates de la conscience, Quadrige, Puf,2007, p. 151
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cesse de se défaire ». Parce qu’il part nécessairement de l’informe, aux « limites du chaos », l’artiste « projette sur l’événement à venir toutes les formes de la connaissance, liant par là même l’inconnu au déjà connu ».
Dans: utilisation des écosystèmes et desLes machines créatrices théories de l’évolution dans l’élaboration de systèmes créateurs, Jon McCormack se demande si nous pouvons concevoir des machines douées de créativité ? Machines qui seraient capables d’inventer quelque chose d’original, inattendu et utile sans avoir été préalablement programmées pour le faire ? Dans cet article, je traiterai du concept de « système créateur » et montrerai en quoi l’évolution biologique et les sociétés humaines peuvent servir d’exemples éclairants.
L’évolution peut être simulée par ordinateur, mais est-il possible d’appliquer la créativité biologique de l’évolution à ce contexte très différent qu’est la création artistique ? Depuis un certain nombre d’années, artistes et développeurs sont attirés par différents types de système générateur tels que l’évolution, car ceux-ci offrent une sorte de « poïèse numérique » (capacité de faire émerger des formes et structures nouvelles par l’interaction entre des formes primitives bien plus simples). Cependant, cela suppose un rapport faustien avec le système étant donné que, par définition, tout système doué d’une forme de créativité émergente nécessite à la fois de l’autonomie et un certain degré de non-téléologie pour créer de façon authentiquement inattendue et imprévisible. Ceci va à l’encontre de l’intuition humaine d’un processus descendant (top-down), la conception générative étant un processus ascendant (bottom-up) où la génération d’artefacts créatifs est un effet plutôt qu’une cause.
Les approches de l’informatique évolutionnaire ont jadis conceptualisé ce phénomène d’après la théorie néo-victorienne de la « survie du plus apte ». Aborder la question des systèmes créateurs en se basant sur le concept d’écosystème permet une approche différente et, sans doute, plus fructueuse. Il propose, enfin, une réflexion sur le concept d’automatisation et défendra la thèse selon laquelle cette automatisation peut facilement se substituer à la créativité humaine et ceci du fait même des questions d’autonomie et de contrôle qui composent notre pacte faustien. L’approche écosystémique apportera un éclairage nouveau sur la manière dont la créativité peut émerger dans la relation homme/machine.
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