Contribution à l histoire du concept de montage
172 pages
Français

Contribution à l'histoire du concept de montage , livre ebook

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Description

Au début de l'ère soviétique, de jeunes cinéastes contribuèrent brillamment à la théorie du cinéma et, plus particulièrement, à la théorie du montage cinématographique. Attrapant au vol le mot français « montage », Kouléchov fit le premier pas, suivi par son ami Poudovkine dont les textes sont négligés à tort. Mêlant la théorie au manifeste militant, Vertov franchit un autre pas. Enfin, Eisenstein apporta à cette construction une esthétique de haute volée. Chacun de ces auteurs expose son regard sur sa propre pratique et simultanément un regard sur le cinéma comme art du film.

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Publié par
Date de parution 18 avril 2019
Nombre de lectures 4
EAN13 9782140119835
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

En couverture : Photogrammes deDura Lex(Kouléchov), La Mère(Poudovkine),L’Homme à la caméra(Vertov),Potemkine(Eisenstein).
ISBN : 978-2-343-16874-6 18 €
Contribution à l’histoire du concept de montage Kouléchov, Poudovkine, Vertov et Eisenstein
Dominique Chateau
Con tribution à l’h istoire du con cept de m on tage
Champs visuelsCollection dirigée par PierreJean Benghozi, Raphaëlle Moine, Bruno Péquignot et Guillaume Soulez  Une collection d'ouvrages qui traitent de façon interdis-ciplinaire des images, peinture, photographie, B.D., télévision, cinéma (acteurs, auteurs, marché, metteurs en scène, thèmes, techniques, publics etc.). Cette collection est ouverte à toutes les démarches théoriques et méthodologiques appliquées aux questions spécifiques des usages esthétiques et sociaux des techniques de l'image fixe ou animée, sans craindre la confrontation des idées, mais aussi sans dogmatisme.Dernières parutionsLaakri CHERIFI,L’image du corps féminin dansLes Silences du palais, Corps opprimé ou rebelle, 2019. Éric COSTEIX,Georges Franju. L’image désincarnée, 2019. Noël BURCH et Geneviève SELLIER,La drôle de guerre des sexes du cinéma français (19301956), 2019. Franck TOURRET, Alain Resnais, le pari de la forme, 2019. Florent BARRERE,Cœlacanthe. Une espèce animale à l’épreuve des médias, 2018. Alexia ROUX et Saad CHAKALI,Humanité restante. Penser l’évènement avec la sérieThe leftovers, 2018. Guillaume LAVOIE,L’imaginaire du chemin de fer dans le western américain. Essai sur un mythe cinématographique, 2018.Jean MONTARNAL,La « qualité française ». Un mythe critique ?,2018. François MARTIN (dir.),Animer Starewitch, 2018. Isabel NOGUEIRA,L’image dans le cadre du désir, Transitivité dans la peinture,la photographie et le cinéma, 2018. Florent BARRERE,Une espèce animale à l’épreuve de l’image. Essai sur le calmar géant. Nouvelle édition revue et augmentée, 2017.
Dom in ique Ch ateau
Con tribution à l’h istoire du con cept de m on tage
Kouléchov, Poudovkine, Vertov et Eisenstein
© L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris h ttp:/ / www.edition s-h arm attan .fr ISBN : 978 -2-343-168 74-6 EAN : 978 2343168 746
Introduction
Ma modeste contribution, ici, à l’histoire du concept de montage concerne l’apport, riche et puissant, de cinéas-tes qui, au pays des soviets, dans les premières années de leur avènement, attrapèrent au vol le mot français «mon-tage» pour l’élever au rang de concept de la théorie du cinéma. La transformation d’un simple mot en concept opère lorsqu’on charge son sens commun (qui souvent demeure en parallèle) d’un contenu théorique substantiel. Ce processus, Lev Kouléchov l’inaugura et l’initia. Intellectuellement très précoce, ce fan de cinéma américain, peu friand de la langueur des romances russes, produisit la première transformation du mot montage en concept. Il fut accompagné dans cette «invention», par Vsevolod Pou-dokine dontFilm Technique, jamais traduit intégralement en français, représente un grand traité, plutôt méconnu, sur le montage narratif. Par Dziga Vertov dans des manifestes et des fragments qui furent réunis en français dans un volume 10/18, avant qu’on en publie tout récemment un second. Last but not least, par le «génie» Serguei M. Eisenstein (puis-qu’on parle bien du «génial Mbappé»!) dont on sait la profusion de textes, outre les films… «L’historien des sciences doit prendre les idées comme des faits. L’épistémologue doit prendre les faits comme des idées» écrivait Gaston Bachelard. Historien 1 du concept, on se trouve entre les deux : la mesure de
1.La Formation de l’esprit scientifique, Paris, Vrin, Coll. «Bibliothè-que des textes philosophiques», 1967, p. 17.
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l’extension et de la compréhension du concept prime sur les faits, sans toutefois qu’ils puissent être négligés. Les textes sont aussi des faits. Qui plus est, même numériques, ils ont la résistance de la chose, au contraire des phénomè-nes et des actions, davantage aussi que les individus qui, un jour, s’évanouissent à jamais. Leur point le plus faible, c’est sans doute le palimpseste qu’ils forment lorsque leurs auteurs ne cessent de broder, de varier, voire de s’empêtrer dans des impasses et des contradictions. Quant à Eisenstein notamment, on a affaire à une sorte de grand palimpseste dont la qualité tientà la foisà la généralité et à la singularité du propos, en ce sens qu’il est autant applicable à tout le cinéma qu’étroitement lié à l’esthétique très particulière du cinéaste. Sans doute faut-il bel et bien s’habituer auà la fois quand on s’intéresse à lui. Mais cette sorte de formule qui anticipe la métho-dologie n’est-elle pas valable aussi pour ses congénères? Les propos de Vertov, par exemple, se partagent entre la théorie (celle, notamment des intervalles) et le manifeste où se lisent aussi bien les prédilections de l’artiste qu’un militantisme exalté. Par-delà toutes les réserves qu’on puisse avancer à l’endroit des quatre cinéastes et théoriciens que je convoque ici, il est patent que, dans un contexte historique singulier, sans nul doute fructueux à n’en considérer que les effets intellectuels immédiats, ils produisirent le plus grand pan de théorie du cinéma jamais offert. Qui plus est, ils n’étaient pas des critiques (comme André Bazin), mais des cinéastes-théoriciens qui non seulement pensaient ce qu’ils faisaient, mais expérimentaient ce qu’ils pensaient. Or, «montage» est le nom d’une pratique en même temps que le concept de sa théorie. Là, leà la foisreprend ses lettres de noblesse. Chacun des auteurs considérés dans mon livre expose son regard sur sa propre pratique, à quel-que moment de son développement, et simultanément un regard sur le cinéma comme art du film. La diversité des approches et des affects personnels permet à la théorie générale de se constituer dans la diversité, certes avec des disparités génératrices de conflits, comme il se doit, mais surtout avec la perspective, plutôt volontaire, de constituer
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et d’enrichir la théorie générale du montage. Cette théorie 2 générale affirme la généralité de son concept non seule-ment au sens où, comme tout concept, il procède d’une généralisation (ni plus ni moins que «table» ou «potiron»), mais encoreoù tout ce qui concerne le cinéma est censé tomber sous sa coupe— en quatrième de couverture de son édition de la Teoria generale del montaggio, Pietro Montani cite cette phrase d’Eisenstein: «Une image, pour être telle, doit toujours être montée.» 3
Kouléchov mérite l’inauguration, non point pour le célèbre effet éponyme que je commence d’ailleurs par réfu-ter. Nombre de textes de ce volume ont été publiés ailleurs, telle cette réfutation en exergue de laquelle j’avais placé une autre phrase de Bachelard, extraite du même grand texte que la précédente: « Un fait mal interprété par une époque reste un fait pour l’historien. » Il faut se débarrasser des faux débats avant de rejoindre les bonnes pistes de réfle-xion, celles notamment que j’emprunte dansL’Invention du concept de montage, Lev Kouléchov, théoricien du cinéma.Je peux me permettre de reprendre la première partie de ce livre puisque, en dépit de son immense succès (sic), son éditeur fit faillitte. J’en donne, comme dans toute la suite de mes
2.AudébutdunarticlepourCinémaction,«Le montage comme expérimentation (Kouléchov, Poudovkine, Vertov)» (1994), j’écri-vais: «On n’est guère accoutumé à considérer que le film puisse être un objet systématique d’expériences ; on le tient plutôt pour une œuvre et on le classe plus volontiers du côté de l’art que de la science. À quoi cela pourrait-il bien servir d’essayer arbitraire-ment telle ou telle combinaison de plans puisqu’une trame narra-tive (ou autre) est censée guider la composition de tout film? Pour comprendre pourquoi certains cinéastes soviétiques ont, au contraire, trouvé intérêt à adopter l’attitude expérimentale vis-à-vis du montage, en marge de la réalisation de leurs films, il convient de penser au fait que, pour eux, la découverte du mon-tage ne fut pas, comme pour les Américains, un simple inventaire pragmatique de ses pouvoirs, mais la prise de conscience de sa valeur théorique.» 3.Trad.CinziaDeCoroetFedericaLamperini,Venise,Marsilio,1985, Quatrième de couverture.
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reprises, une version améliorée (notamment, pour gommer certaines redites, d’autres étant inévitables). Concernant Poudovkine, il s’agit de compensation. Il s’agit, d’abord, d’équilibrer un tant soit peu la faible consi-dération qu’ont toujours suscité à tort ses écrits:Film Tech-4 niqueetFilm Acting, deux ouvrages importants concoctés entre 1926 et 1934. Je reprends ici en un seul bloc deux articles que j’ai consacrés àFilm Techniquedans la revueVer-tigo. J’ai tiré de cet effort en quelque sorte promotionnel la conviction que, d’une façon inégalablement pédagogique, le cinéaste jetait les bases d’une théorie du montage en contexte narratif (dont, chemin faisant, explorant le thème de la subjectivité au cinéma, j’ai découvert la résonance avec la théorie moderne du paysage). Plus encore pour Vertov que pour Poudovkine, la modernité de la théorie est l’un des principaux arguments qui plaident en faveur de son exploration. Sans négliger d’invoquerL’Homme à la caméra, ce film qui, en son arrange-ment formel remarquable, conjugue si brillamment le reportage avec la réflexivité. L’arrivée d’une nouvelle édi-5 tion des textes de Vertov,dans l’attente des inévitables rebonds à quoi sa lecture m’incitera à l’avenir, fournit l’actualité pro-pice; d’où, ici, deux textes que j’ai consacrés respective-ment à sa théorie du montage et à son film majeur. Je considère film et théorie vertoviensà la foiscomme perfor-mance et comme pensée: performance du filmage et du militantisme, pensée inscrite dans la pellicule et dans l’écri-ture. Tout comme je le dirais volontiers pour L’Homme à la caméra (ouEnthousiasme), je peux affirmer que la vision des films d’Eisenstein, particulièrementPotemkine etLa Ligne générale, a joué un fort rôle dans ma fascination pour le cinéma, ce que la découverte de ses textes — si profus et
4.Trad.YvorMontagu,NewYork,GrovePress,1970. 5.AprèsArticles, Journaux, Projets(trad. Sylviane Mossé et Andrée Robel, Paris, U.G.E., 10/18, 1972), à quoi je continue ici à faire référence,Le Ciné-œil de la révolution. Écrits sur le cinéma, éd. de Fran-çois Albera, Antonio Somaini et Irina Tcherneva, Dijon, Coll. «Médias/Théories», Film Museum, Les Presses du réel, 2018.
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toujoursin progressn’a pas peu contribué à augmenter. — J’ai eu le plaisir de co-diriger avec François Jost et Martin Lefebvre un colloque à Cerisy sur ce Maître à filmer et à penser. J’en extrais un texte qui atteste qu’Eisenstein fait partie des penseurs qui m’ont aidé à compendre la dia-lectique (de même que sa pensée m’a aidé dans l’élaboration de ma théorie de la représentation comme en témoigne un chapitre deLa Subjectivité au cinémaqui aurait pu figurer dans le présent ouvrage). Dans trois annexes qui suivent on trouvera des pré-cisions supplémentaires (concernant la fragmentation et la musicalité) sur les conceptions eisensteiniennes et verto-viennes du montage visuel et audiovisuel.
Liste de mes textes repris ou évoqués dans ce volume:
«L’effet Kouléchov et le cinéma comme art»,Iris, vol. 4, 1, 1986. «Le montage comme expérimentation (Kouléchov, Pou-dovkine, Vertov)»,Cinémaction,1994. « Pour un documentaire qui pense: Dziga Vertov», Collo-que de Cerisy,Les Lumières et après : l’aventure du documentaire, 1995, non publié. «Qu’est-ce qu’un film triste ? Représentation et expression dans l’esthétique d’Eisenstein», actes du colloque de Poi-tiers,L’Expression du sentiment au cinéma, G. Menegaldo et Cl. Murcia dir.,La Licorne, n° 37, 1996. «La théorie du film comme art : Vsevolod Poudovkine», Génériques, (1), n° 4, 1996, (2), n° 5, 1997. «L’Homme à la caméra: forme visuelle et pensée discursive», inVertov, L’Invention du réel!, Colloque de l’Université de Metz, J.-P. Esquenazi dir., Paris, L’Harmattan, Coll. «Champs visuels», 1997. Eisenstein. L’Ancien et le Nouveau, D. Chateau, F. Jost et M. Lefebvre dir., Paris, Colloque de Cerisy,Publications de la Sor-bonne, 2001. «La question de la dialectique dans les théories d’Eisens-tein», inEisenstein. L’Ancien et le Nouveau.La Subjectivité au cinéma, Représentations filmiques du subjectif, Presses Universitaires de Rennes, Coll. «Le spectaculaire», 2011 (ce texte comprend, notamment, un chapitre qui
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