Le cinéma, un art imaginaire ?
148 pages
Français

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Le cinéma, un art imaginaire ? , livre ebook

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Description

L'industrie cinématographique use du cinéma comme d'une machine à rêves saisissante. Mais, dans la mesure où notre rapport au monde n'y est plus questionné, le cinéma fait-il encore partie des arts ? Comment le dégager de la fabrique de l'évidence, où il met trop souvent sa virtuosité ? C'est avec une rare vigueur critique que Patricia Yves – qui confesse par ailleurs sa cinéphilie – s'interroge tout au long d'une réflexion qui mêle philosophie, psychanalyse, sociologie et expérience vivante et subjective.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 mai 2015
Nombre de lectures 3
EAN13 9782336381510
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Collection « Le parti pris du cinéma »
Collection « Le parti pris du cinéma »
dirigée par Claire Mercier


ESSAIS – MONOGRAPHIES – CINÉFABLES

Entre objectivité et subjectivité, entre récit et drame, entre œuvre et marchandise : mort ou métamorphose du cinéma ? Nous publions des essais parce que ce terme unit dans une ambiguïté féconde la critique et les cinéastes. Des monographies parce qu’on peut imaginer un temps où, le cinéma disparu, les films ne subsisteront que par les descriptions vivaces qui leur auront été consacrées et qui, déjà, en donnent une image. Nous publions aussi des scénarios et plus largement des textes qui ont pris place dans le processus de production des cinéfables . Parce que de projet de film qu’il était, le scénario tend lors de chaque projection du film à redevenir fluide et à aller se déposer ailleurs… Chaque auteur de la collection s’aventure personnellement à interpréter ce que peut être Le parti pris du cinéma .


Comité de lecture :
Guillaume Bourgois, Jean Durançon, Dominique Laigle,
Arthur Mas, Claire Mercier, Bruno Meur,
Martial Pisani, Pauline Soulat
Titre
Patricia Y VES






LE CINÉMA, UN ART IMAGINAIRE ?
Copyright

Dans la même collection

Anielle Weinberger, Les Liaisons dangeureuses au cinéma , 2014.
Anielle Weinberger, Le danger des Liaisons , 2014.
Aurélia Georges, Élodie Monlibert, L’Homme qui marche , 2013.
Robert Bonamy, Le fond cinématographique , 2013.
Suzanne Liandrat-Guigues, Jean-Louis Leutrat, Rio Bravo de Howard Hawks , 2013.















© L’Harmattan, 2015
5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris
www.harmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-73162-9
A VERTISSEMENT
Pourquoi choisir de publier dans notre collection Le parti pris du cinéma un auteur qui exerce sa vigueur critique et sa vivacité d’esprit contre le cinéma ? Oui, pas seulement contre un certain cinéma mais contre l’essence même du cinéma. Parce qu’il est salutaire et stimulant de soupçonner toujours à nouveau le rapport entre l’art et le (juste) régime politique de la Cité. Et particulièrement le cinéma, nous explique Patricia Yves, en tant qu’il est l’aboutissement historique des perfectionnements de la capacité mimétique de l’art. Si Aristote, pensons-nous, ne pourrait que louer cet accomplissement, lui qui range déjà la tragédie au-dessus de l’épopée, en platonicienne cinéphile, Patricia Yves veut, nous semble-t-il, nous amener à défendre le cinéma, défense qu’il nous faut produire elle aussi toujours à nouveau – parallèlement à nos œuvres et à nos analyses –, au risque de voir la poésie cinématographique exilée, de fait, c’est-à-dire engloutie par la marchandise, ou de droit, en tant que force conservatrice d’un ordre inique.
Claire Mercier
Introduction LE CINÉMA : UN ART ÉVIDENT
Mais qu’est-ce donc que le cinéma ? Les définitions savantes ou profanes sont tellement immédiates qu’elles semblent rendre la question stupide 1 . Une de ces questions qu’on ne pose pas parce qu’elles ne se posent pas : le cinéma c’est des images en mouvement, le cinéma c’est des histoires qu’on nous raconte de la manière la plus convaincante qui soit : en nous les faisant voir. Vaut donc pour le cinéma ce qui vaut pour la télévision mais aussi dans la vie : la vue est par excellence le sens évident, le sens de l’évidence. Voir c’est croire puisque justement la preuve quotidienne du réel, croyons nous, c’est que nous le voyons 2 . Le privilège de ce qui est vu semble être de ne pouvoir être récusé. On peut se tromper sur ce qu’on entend, mal interpréter le son ou le sens ; on peut se tromper sur ce que l’on perçoit par le toucher ou par le goût, les tests « en aveugle » justement montrent régulièrement que l’on peut prendre du poisson pour de la viande, un légume pour un fruit, de la peau pour de la soie, du froid pour du chaud, etc. L’odorat, l’ouïe, le toucher semblent relatifs au contexte, à la personne, à son état, à sa disponibilité, à son humeur. Mais la vue est le sens qui atteste du réel comme si dans le même temps nous étaient donnés la chose et son sens. Par l’image, on me donne à la fois à croire et à comprendre : à croire parce que immédiatement je comprends ce qui se présente à moi. La vue est un sens qui fait sens. Un sens immédiatement objectif en quelque sorte. D’où, bien entendu, la tendance à croire tout ce que l’on voit parce qu’en même temps qu’on est témoin de quelque chose, on sait ce qu’est cette chose comme si le réel extérieur se disait tel qu’en lui-même dans l’image que nous en avons. C’est le sens le plus intelligible, voire le plus intelligent : je vois, je sais. L’image est concept et le concept ne se comprend souvent que par l’intermédiaire de ce qui fait image. « Tu vois ? » voudra toujours dire « tu comprends » même pour les aveugles, même quand il s’agit de « voir » quelque chose qu’en fait on entend ou perçoit par le goût ou le toucher.
Sans m’arrêter sur les erreurs de la vision toujours pensées comme ce qui n’a pas été bien vu plutôt que ce que je n’aurais pas compris, sans m’attarder sur le fait que ce privilège exorbitant de la vision sur les autres sens vient sans doute du fait que nous sommes d’abord pour nous même quelque chose qui se donne à être par l’image que nous acquérons de notre corps entre la première et la seconde année de notre existence (le stade du miroir sur lequel s’est longuement arrêté Lacan 3 ), j’aimerais essayer d’introduire un coin entre le visible et le sensible pour expliquer comment ce qui se dit trop vite, à seulement se voir, risque de ne tout simplement rien dire pour seulement rabâcher des lieux communs, des ombres de langage.
Cela est vrai du discours de tous les jours qui tend à fonctionner par clichés et langue de bois, enfermant les locuteurs dans le réseau serré des connivences polies et rassurantes en lieu et place de pensée. Cela me semble tout aussi vrai du cinéma qui tend presque inlassablement, parce qu’il est un art du visible, à s’enfermer dans la complaisance de ce que l’on cherche, pour sa propre tranquillité psychique, à maintenir évident.
À la différence de l’art photographique qui transfigure la réalité quotidienne (faute de quoi il a si peu d’intérêt qu’il n’est tout simplement pas un art mais une pratique de connivence sociale, ce que Bourdieu appelait un « art moyen » 4 , il n’y a de photo réussie que de photo dérangeante quand bien même le sujet n’en est nullement choquant), le cinéma est toujours susceptible de n’être qu’une distraction, un « divertissement » au sens pascalien du terme, c’est-à-dire quelque chose qui nous permet certes d’oublier nos soucis mais pour mieux rêver un monde conforme au pli idéologique de l’époque : un monde prépensé que nous n’aurions plus, pour notre plus grand confort intellectuel, qu’à ingérer comme tel, tout préparé, ficelé, packagé ; en nous dispensant de l’effort de tenter de le faire nôtre : bref le monde des autres (des grands, des riches, des puissants, des stars) simplement projeté dans la lanterne magique qui nous sert le plus souvent de cervelle.
Le véritable écran n’est alors pas tant la surface blanche en face de nous sur laquelle est projetée l’image, que notre esprit lui-même. Par le biais d’images d’autant plus évidentes qu’elles sont consensuelles, admises par le plus grand nombre, l’idéologie dominante projette tranquillement en nous, qui souhaitons surtout ne pas faire d’effort, les stéréotypes sociaux, culturels, politiques, économiques qui permettent à la classe dominante de maintenir son pouvoir politique et financier avec son hégémonie culturelle. Ses valeurs deviennent les nôtres, ses héros sont les nôtres, ses ennemis sont les nôtres, ses rengaines, ses poncifs sont les nôtres, etc et ce d’autant plus peut-être que la vie nous fatigue et nous frustre de toute véritable satisfaction personnelle individuelle ou sociale et que le repos, justement, nous paraît la moindre des choses, c’est-à-dire peut-être la seule à laquelle nous pouvons encore espérer aspirer au moins par petites plages horaires d’une heure ou deux. Nous présentant la vie des autres (socialement autres) comme évidente, il nous permet de nous reposer de la nôtre. Il nous en distrait. Le flux des images, par la magie du visible (toujours autre, extérieur, et intime à la fois), devient ce que nous devons pour notre repos prendre pour acquis. En cela, le cinéma tend à être un art de l’évidence au sens péjoratif du terme, un

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