Shohei Imamura
148 pages
Français

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Shohei Imamura , livre ebook

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148 pages
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Description

Imamura est un corrupteur - à la fois séducteur et homme déplaisant. Poil à gratter du cinéma nippon, il a cherché à représenter la quintessence de son pays. Quitte à bousculer les codes de la bonne conduite et les apparences trompeuses. Imanura s'intéresse au tréfonds de l'âme humaine. Tout au long de sa filmographie, il s'est évertué à voir au-delà du masque forgé par la société pour révéler les instincts bassement humains. Cette volonté transparaît clairement dans sa manière de réaliser.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2011
Nombre de lectures 349
EAN13 9782296445512
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Shohei IMAMURA
Evaporation d’une réalité
Collection Images d’Asie
dirigée par Antoine Coppola

Titres parus :

Alain VÉZINA, Godzilla
Olivier HADOUCHI, Kinji Fukasaku : un cinéaste critique
dans le chaos du XX e siècle


© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12560-5
EAN : 9782296125605

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Bastian Meiresonne


Shohei IMAMURA

Evaporation d’une réalité


L’Harmattan
Imamura sur le tournage de L’Anguille.
Image mise à disposition par Imamura Hirosuke.
Remerciements :
A ma femme – pour sa patience et pour n’avoir jamais cessé de croire en moi.
A mes parents, pour croire en moi… sans toujours comprendre.
A Antoine Coppola pour me donner la chance.
A Daisuke Tengan et Hirosuke Imamura de m’avoir accordé leur confiance.
A Akiko Suda, Guillaume Boutigny, Anne Liger, Chris Merletti, Alain Bihel, Shirley Huang, Kazuko Hisada, Olivier Debaudre, Martin Veillot (eigagogo.free.fr), Thomas Maksymowicz, Stéphane Hugaud et sa petite famille et bien d’autres pour leur précieux soutien pour mener à bien cet ouvrage.
Introduction
« L’entomologiste du Japon », « l’homme qui aimait les femmes », « partisan des sous-couches sociales » : beaucoup de choses ont été dites sur Shohei Imamura. Cinéaste découvert sur le tard par le public français, une partie de sa filmographie est passée inaperçue, une autre restée inédite.
Sans doute est-ce là une des raisons pour laquelle un aspect important de son œuvre n’a été que rarement abordé : celle de la représentation de la réalité et de la fiction. Imprégnant ses premiers films de son amour pour le théâtre, il n’a eu de cesse de rechercher l’authenticité avant de se consacrer carrément au genre documentaire. Dans la seconde partie de sa carrière, il a cherché à éprouver les limites de la fiction.
Fascinante dualité à rapprocher de sa propre vie. Fils de parents relativement aisés, il s’identifie aux classes « populaires » durant la trouble période de l’après-guerre. Il n’aura de cesse de les représenter dans toutes ses œuvres. Se jouant des préjugés et des apparences, son image publique est au moins aussi fascinante que son œuvre.
Ce livre fait connaître l’ homme au-delà des simples apparences pour permettre de mieux appréhender son œuvre ; et de donner envie d’en apprendre plus sur l’un des cinéastes majeurs du XXe siècle.

Bastian Meiresonne
Le visage de mon père – Imamura vu par son fils
par Daisuke Tengan

Quand j’étais enfant, je ne savais pas ce que fabriquait mon père quand il n’était pas là.
Il n’était quasiment jamais à la maison. Pour le tournage de Profonds désirs des dieux (NdT : Kamigami no jukaki Yokubo , 1968), il est parti à Okinawa (c’était pendant les vacances d’été ; je me souviens avoir écrit une carte à mon père et avoir conservé le timbre des îles Ryukyu comme un véritable trésor). Après ça, il est parti réaliser des documentaires outre-mer.
Il est allé à Bornéo, en Nouvelle-Guinée ou encore en Malaisie. Je ne savais absolument pas ce qu’il y faisait. Un jour, il est rentré au Japon le teint bronzé par le soleil. Il avait l’air ravagé, comme s’il portait tout le poids du monde sur ses épaules ; on aurait dit une autre personne. Je ne me souviens pas s’il m’a rapporté un cadeau en souvenir.
Quand il était à la maison, il s’enfermait dans son bureau pour travailler. La pièce était toujours embrumée par la fumée des cigarettes. Il avait été presbyte assez jeune et portait des lunettes. Comme il ne savait pas lire vite, il mettait du temps à terminer un livre. A l’aide d’un crayon à papier, il traçait parfois un trait pour prendre des notes dans la marge.
Encore aujourd’hui, je me rappelle la silhouette de mon père travaillant en kimono. J’étais très jeune à l’époque.
Son passe-temps favori était le mah-jong. Des hommes aux traits tirés par la fatigue venaient parfois nous rendre visite pour jouer avec lui. Leurs rires, qu’on aurait dit tirés d’un mauvais dessin animé, résonnaient jusque tard dans la nuit dans la maison. Je n’aimais pas ça.
Ils disaient que ses films n’étaient pas bons, qu’ils manquaient de réalisme.
Mon père a souffert de n’avoir pu tourner des films pendant dix ans. Autrefois, on manquait toujours d’argent. Mère s’occupait à sous-traiter des films d’animation. Elle subvenait aux besoins de la famille en se tuant à la tâche.
Tout cela, c’était avant que je n’entre au collège.

Quand j’étais à l’école primaire, nous avons reçu un tourne-disque. Mon père m’a emmené acheter des disques dans un magasin. C’est lui qui les a choisis : un disque « best of » d’Elvis Presley et une compilation d’opéras occidentaux : « Rhapsody in blue », « Carmen », « Nouveau Monde ». Je ne savais pas vraiment les apprécier à l’époque, mais comme nous n’en avions pas d’autres, je les passais en boucle.
Mon père écoutait rarement de la musique, une image peu en phase avec celle d’un artiste travaillant enseveli sous les livres et les dessins. Les quelques rares fois où il a chanté en étant ivre, il a entonné des chansons russes ou allemandes de sa jeunesse, d’une bruyante voix de baryton.
Je devais être en fin de collège, quand ma mère a acheté des disques de rakugo (NdT : courtes histoires humoristiques ou satiriques ) pour mon père. Il s’agissait des oeuvres complètes de Shincho Kokontei (NdT : célèbre conteur de rakugo ).
Avec mon père, on s’asseyait dans le salon pour écouter « kaentaiko » et « onaoshi ». C’étaient des enregistrements des meilleurs moments de Shincho. Depuis, Shincho est devenu mon idole. Mais je ne suis jamais allé voir un spectacle raguko en salle. Quand on sortait en famille, on allait au restaurant. En général, on choisissait de manger de la viande grillée, de l’anguille, de la cuisine chinoise ou des sushi. Quand mon gourmand de père nous accompagnait, c’était toujours délicieux.
Il a vraiment bien mérité son surnom de « Gargantua » .
Pendant des années, il rabâchait que beaucoup manger était sain pour le corps – et il ne s’en privait pas.
Il s’asseyait toujours le premier à table et commençait à manger dès que les plats étaient servis. Ma mère n’aimait pas ça, et elle débordait d’idées pour l’en empêcher, comme celle de tarder à distribuer les couverts ; en vain. Partout, même aux fêtes, il commençait à boire avant que l’on ait dit « santé ». Cela n’a fait qu’empirer avec les années ; il embêtait également tout le monde en fumant n’importe quand, n’importe où et sans égard pour les autres.
De nos jours, il est interdit de fumer dans les lieux publics ; mais il est devenu accro à la cigarette. On m’a dit que mon grand-père avait été pareil. Si je ne me trompe pas, mon père a commencé par fumer des Hi-lite. Ensuite, il est passé aux Echo et quand on a arrêté d’en fabriquer, il s’est rabattu sur les Cabin , des Cabin légères. Ensuite, des super light.
Quand il était jeune, il faisait confiance à sa bonne condition physique pour beaucoup boire, mais apparemment il n’aimait pas vraiment l’alcool. On m’a dit qu’il avait commencé à apprécier l’alcool tard dans sa vie. Il faisait du diabète, mais il raffolait de l’eau-de-vie. Il avait vraiment le vin gai. Il aimait beaucoup jouer au mah-jong, mais il ne se pensait pas bon joueur. Il disait : « Je ne peux pas être doué dans tout ». A la maison, il utilisait toujours le même jeu de tuiles de mah-jong. Plus tard, son diabète le faisait trop souffrir de la jambe et il ne pouvait même plus s’asseoir à la table de jeu.
Quand j’étais enfant, il m’a forcé à jouer au mah-jong. Quand on jouait l’un contre l’autre, il se mettait en colère, m’accusant d’être « trop lent » . J’en suis venu à détester ce jeu et je n’y ai plus jamais joué depuis que je suis adulte. « Le jeu n’est intéressant , que si l’on s’y met sérieusement », disait-il toujours. C’est pourquoi je n’aimais pas jouer contre mon père, étant enfant.
On ne peut pas dire qu’il n’était pas gentil avec les enfants ; mais je crois qu’il ne savait pas trop comment s’y prendre. C’est pourquoi il me traitait comme un adulte. Cependant, pour mes enfants, c’est-à-dire ses petits-enfants, c’est vraiment un grand-père plein d’attentions. Les gens ne changent-ils pas avec le te

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