Gaïa prénom Terre
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Gaïa prénom Terre , livre ebook

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Description

Gaïa, la Déesse-Mère, la Terre-Mère des Anciens, se retrouve douillettement réfugiée dans une décharge, sous la forme d’une clocharde censée se nourrir des déchets de la civilisation voisine, avec comme seules distractions la lecture des magazines au rebut et le passage périodique des éboueurs. Mais l’humus est son élément constitutif ; loin de s’avouer vaincue par la lèpre que lui infligent les humains, immunisée par un passé où la monstruosité, le tragique étaient monnaie courante, dominant les vicissitudes temporelles, elle donne la leçon à un auditoire imaginaire, passant des origines du monde aux menaces d’un présent au bord du cataclysme. Dans un langage fleuri son monologue oscille de la drôlerie au tragique. Rire et réflexion, c’est l’objectif.

Informations

Publié par
Date de parution 17 décembre 2014
Nombre de lectures 2
EAN13 9791029001949
Langue Français

Extrait

Gaïa Prénom Terre
Du même auteur



Jesbeat , récit poétique, signé Sodoyan , Oswald, 1973.
Le Peintre et son Modèle, roman, Néo-Éditions, 1981.
Sacre clandestin d’un Enfant-Roi, poème, Éditions Saint-Germain, 1982.
BelleBêtise , texte poétique , La Vague à l’âme, 1992.
Du mouron pour les deuches , roman , Nicolas Philippe, 2002.
Kafka entre les lignes , essai , Éditions du Presse-Temps, 2004.
Les Braconniers Chimériques , bibliophilie, texte poétique illustré par T. Léo , Collodion, 2008.
Ezistezistepa , roman , Durand-Peyroles, 2010.
Albertine des Ombres, roman, Durand-Peyroles, 2013.
Le Bébé-Requin ou le charme discret du parricide, roman, Z4 Éditions, 2014.
Cyberneyland, roman, Z4 Éditions, 2014.
Georges Richardot
Gaïa Prénom Terre
Théâtre

A CTE I
La scène est dans l’ombre. Tonalité générale : marron, kaki. Détritus épars. Après un bruit de camion s’arrêtant, un sac poubelle est jeté. Il vient s’échouer près d’une forme étendue sous une bâche : Gaïa. En tunique… marron. Elle feuillette des magazines.
Gaïa
Hé là, hé, doucement, vous autres ! Ma robe de cocktail, vous allez me la ruiner !
Voix des éboueurs
– S’cusez, m’dame Gaïa ! Des fois on oublie que vous nous faites l’honneur de la villégiature.
– On fait que passer, comme d’hab.
– Méfiez-vous quand même qu’il pourrait se mettre à tomber des cordes, avec cette chaleur !
Le camion redémarre.
Gaïa
Chaleur, chaleur ! Qu’est-ce qu’ils en connaissent, ces culs bénis, de la chaleur ! Il fut une époque où c’était notre élément naturel, comme l’eau pour les poissons. Mémoire courte, gaffe qu’elle se rappelle à vous, la vraie chaleur… tout comme l’eau des poissons si on va par là !
(Elle tâte le sac, le hume.) Bof, un ramassis sans âme ! On fera son marché plus tard… (repoussant le sac) Pour ce qu’on y trouve, dans cet assortiment bouseux, en dehors du riz pilaf, des arêtes de calamar, des papiers gras, des Tampax… ! Rarement des lectures de mise à niveau genre « Science et Vie », « Gala », « Le Figaro-Madame », « Les Inrockuptibles », « La veillée des chaumières ! »
Gaïa, Gaïa-poubelle, grandeur et décadence ! En fin de compte un retour rampant aux sources… (reniflant) plutôt nauséabond, faut dire, le confluent !
Remarquez, faut pas s’en raconter, dans nos tout premiers temps, qui, pour ce qui me concerne, resteront mon vrai pays, ça puait pire encore. Ça schlinguait, mes bons amis, z’avez pas idée ! Ça stagnait de partout, ça croupissait, ça pourrissait, ça fermentait, pareil le raisin abandonné dans les cuves par les manants fuyant la tournée d’inspection de Sa Majesté Gengis-Kahn-sur-Loire, friand constructeur de chapelles mariales à tous les étages de ses châteaux-coffres-forts.
Là, je vous parle du tout début, même d’avant l’invention des vendanges ! Quoi qu’on ait pu blablater sur le sujet, vous vous figurez pas la longue route qu’on a dû se payer, détrempée de sang et de larmes, avant de vous sortir une descendance à peu près présentable.
Présentable, la descendance, à preuve d’ailleurs qu’elle vous fait encore rêver. Rêver ? Saliver, dirai-je, pour rester au-dessus de la ceinture ! Et les naissances en fanfare de Vénus-Aphrodite par-ci, les jupettes volantes de Diane chasseresse par-là ; version masculine, les attributs de Zeus surdimensionnés à en faire rengainer son Smith et Wesson à Rocco Siffredi, les tablettes de chocolat d’Apollon à grignoter le soir au fond des bois, la crinière d’Orphée gratouillant aux quatre vents son infatigable lyre, toute la putain d’imagerie dorée, quoi !…
Le tout sans grands chichis. Hé, comment on aurait avancé ? Où vous seriez, vous qui vous dandinez par là à faire la fine bouche ? Même votre Bon Dieu de plus tard, celui qu’est censé tout savoir sans débourser un denier, il a pas jugé nécessaire de créer un assortiment minimum de familles de souche, en vue de croisements pas trop consanguins. Pourtant qu’il disposait de suffisamment de couleurs, sans compter qu’il ne tenait qu’à lui, l’ancêtre des showmen ès illusionnismes, d’élargir la palette !
Avouez qu’à nous seuls, en suivant notre petit bonhomme de chemin on s’est pas mal policés, non, avant que, question morale, vos exploiteurs de ladite viennent nous couper sous les pieds une herbe devenue assez grasse pour une mise sur le marché juteuse !
Entre autres, on a structuré l’art pour des millénaires, pas vrai ? Vous en sucez encore la moelle jusqu’à l’os de seiche et même, pour peu de zieuter vers Orsay, de l’humide – me lorgnez pas de cet œil à en avoir deux : quand même pas moi qu’ai posé pour Courbet !
Vous croyez que ça s’est fait d’un tour de main, comme dans les religions masochistes, réductrices, manipulatrices, que vous vous êtes empressés d’inventer dans notre dos, histoire d’affirmer : on ne doit rien qu’à nous-mêmes, y compris nos idoles et petites grandes frayeurs de hop-là l’au-delà ! Moi, ce que j’entends vous raconter, c’est la vérité vraie des choses, l’origine éminemment pileuse du monde, que Courbet à côté c’est le Mont Chauve vu de drone, le big bang pour big band en folie, l’Olympe d’avant Coubertin et ces messieurs du comité « l’essentiel c’est de participer… au partage du gâteau »… Ce pour que vous en tiriez la leçon. À supposer que vous en soyez capables, ce dont on peut se tapoter le menton, à la Bogdanov !
Les hommes, les hommes, les humains ! Et on se ressemble ! À preuve… (se montrant) En gros j’ai bien l’air d’appartenir à l’espèce, non ? Pas sous mon meilleur jour, la faute à qui ? Nous, au départ, c’était vous pas tout crachés, nettement plus carrés, plus « nature »... et matures. Chacun avait son poids, sa singularité, son secteur d’influence à entretenir et défendre, son rang, son rôle à tenir. Ce rôle, il allait pas se gêner pour le jouer et surjouer, tambour battant, sans prises de tête ni vaporeux troubles de conscience. Du darwinisme avant la lettre, ça passe ou ça casse.
Sûr que ça passait pas à tous les coups. Contrairement à vos divinités prétendument infaillibles, on s’accordait le droit à l’erreur, étant dit que le moindre écart nous retombait sévère sur le nez. Rappelez-vous le pauvre Narcisse perdant jusqu’à la majuscule de son nom, transformé, notre balèze, en jolie fleur fragile, pour s’être un peu trop complaisamment miré le cigare ! La célébrité, voyez, ça se payait au prix fort. Quant à la condition féminine, pas de la tarte ! Pensez seulement à des braves gosses comme Europe ou Léda : les avanies éprouvantes pour le physique et la dignité qu’elles ont dû essuyer rien que pour marquer leur territoire !
Cela étant, les pouvoirs qu’on avait, de quoi vous rendre blêmes de jalousie ! Rien à voir avec les vôtres quand vous vous bricolez des gadgets du diable, histoire de nouer des nœuds que vous ne saurez pas défaire, de créer des situations dont vous n’arriverez pas à vous dépêtrer, de vous doter d’outils, d’assistances en tous genres dont plus question de vous passer, de béquilles qui vous désapprendront la simple marche.
Des ordinateurs, la TSF, des téléphones, portables ou avec de grands fils moches à nostalgie d’hirondelles longeant les routes, des daguerréotypes, stéréotypes et autres prototypes, la marine à vapeur, le cinématographe avec pianiste bossu à l’entracte, des télévisions qu’un jour vous verrez qu’elles nous la feront en couleurs, la radioscopie-IRM en gants de caoutchouc et salles blindées à moins que l’inverse, la toupie musicale, des draisines, des aéroplanes biplans à hélice, des hélicoptères tournoyant au vent mauvais des razzias policières, des fusées interplanétaires. Quand nous, on n’avait même pas de mobylettes pour visiter la famille ! Vous m’objecterez que nos familles c’était du spécial, n’empêche !
Bref, vous prenez un malin plaisir à vous créer des dépendances en tous genres. Nous, on se contentait de se colleter avec les sentiments primaires, amour, haine, jalousie, noble instinct guerrier style sang impur abreuvant les sillons de l’OM-PSG. La convoitise des biens matériels, l’addiction au fric, addiction-addition sans fin ni frein, on avait une foule d’autres choses, autrement biocompatibles, à cultiver !
Imaginez ! Le monde, ciel et terre, sans fusées ni TGV, était à nous. Même en se multipliant à une cadence infernale, on ne se marchait pas sur les pieds. Au pire, celui qui pour ci ou ça se prenait les boules, il attrapait sa trirème sous le bras, et toutes voiles dehors, voguait guerroyer là où le poussait le vent.

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