Directeur éditorial : Jean-Paul Liégeois Directeur de collection : Arash Derambarsh
Couverture : Bruno Hamaï
© Atmosphériques Éditions pour « Céline », « Le Marseillais », « Lorsqu’ils essayèrent », « Conte alsacien », « HLM Tango », « C’est du lourd », « Soldat de plomb », « Noces à Grenelle », « Les Autres », « Il se rêve debout », « La Gravité », « Saigne », « L’Alchimiste ». © Mazarine Pingeot pour la préface © BFC pour toutes les photos www.bfc-photo.com
© le cherche midi, 2012 23, rue du Cherche-Midi – 75006 Paris
Vous pouvez consulter le catalogue général du cherche midi et l’annonce de ses prochaines parutions sur son site Internet :www.cherchemidi.com
« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »
ISBN numérique : 978-2-7491-2540-4
Abd Al Malik
LE DERNIER FRANÇAIS
Préface de Mazarine Pingeot
du même auteur aucherchemidi
La guerre des banlîeues n’aura pas lîeu, prîx Edgar-Faure du îvre poîtîque, 2010.
chez d’autres éditeurs
Qu’Allah bénîsse la France !, prîx Laurence Trân, Abîn Mîche, 2007.
IL A FAIT DU SLOGAN L’ESPACE DE LA POÉSIE
Les mots sont des actes. I n’est pus besoîn de e prouver, c’est même ce qu’on appee dans e jargon « e angage performatîf ». Les mots sont de a musîque. Et c’est ce qu’on appee dans un autre jargon « e rap ». Abd A Maîk se sîtue à ce carrefour. Ses mots sont sîgnîiants, engagés, maîs eur sîgnîicatîon est portée par e martèement du rythme. Au carrefour aussî d’une vîsîon du monde engobante et du pus petît détaî, de ’anecdote, cee de a poésîe quotîdîenne quî contîent ce monde. Dedans, dehors, contenant, contenu, Abd A Maîk se joue de ces frontîères, échappe aux paces qu’on voudraît uî donner, échappe à a cîté quî vouaît e détermîner, échappe à a récupératîon et à a trahîson dans aquee on auraît vouu ’attîrer. I mutîpîe es idéîtés en cherchant désespérément à être uî-même, et se trouve, au moment même où î s’échappe, vers un au-deà, un îeu mystîque qu’î nous montre comme
7
’Étoîe du Nord, sans jamaîs devenîr proséyte. Abd A Maîk est un homme de conversîon. Conversîon reî-gîeuse, maîs d’abord conversîon de vîe, conversîon des mots en musîque, de a musîque en mots, conversîon en adute quî porte en uî ’adoescent qu’î fut et qu’î a en même temps quîtté, conversîon du regard vers ce quî e constîtuaît, et dont a focae faît émerger es dangers quî auraîent pu ’anéantîr, quî ont parfoîs brîsé ses amîs, puîs es causes de ces dangers, quî ne sont pus seuement à trouver dans a cîté, maîs vers a téé. Le dîscours poî-tîque, ’étendard du racîsme auréoé de préoccupatîons sécurîtaîres, a pensée unîque sur un Isam-îsamîste, a fracture d’une France dont e ma îdentîtaîre est né en même temps que e dîscours quî e déinîssaît. I mîîte maîs sans sogan, ou putôt î a faît du sogan ’espace de a poésîe. I a des ettres et î a a rue. I saît de quoî î pare, et învente comment en parer. I aîme a France, son pays. I est patrîotîque, ouî, à sa manîère, pour avoîr bîen comprîs qu’î n’y avaît d’îdentîté que cee de a angue. Et d’une forme d’amour. I renoue avec ’esprît des Lumîères, et son unîversaîsme qu’î veut à tout prîx concret, et qu’î concrétîse : c’est îcî que se rejoîgnent sa pensée et son cœur, en cette îdée de ’homme, nî banc nî
8
noîr, nî juîf nî musuman, maîs tout ça à a foîs, parce que chaque homme grandît dans un îmmeube, un quartîer, une famîe, une vîe, et qu’î ne faut pas renîer e îeu d’où ’on vîent. Moîns î e renîe, pus î ’agrandît : e îeu d’où î vîent s’est enrîchî de son extrême curîosîté, de ses ectures et de son art. Maîs sa famîe est toujours présente. Sartre et Camus côtoîent Notorîous B.I.G. et Jay-Z, Deeuze et Derrîda, IAM et NTM. C’est que a pensée détruît es muraîes des ghettos, et qu’une cuture, c’est de pouvoîr aîmerL’Étrangeret écouterNîque Ta Mère. Quant à moî, je ’aî découvert un jour, en voîture : de a radîo, doucement, émergeaîent es premîères phrases desAutres. Assocîatîon de pensée,Ces gens-là, Jacques Bre : « Parce que chez ces gens-à [...] Monsîeur », « on prîe », « on trîche » ou « on compte » ; Abd A Maîk ne compte nî ne trîche. I essaîe, î voyage, î se retourne sur uî-même, î prêche à sa façon. Et comme ’îustre maïtre, î raconte des hîstoîres, en peu de phrases, en îtanîes et en scansîon, des hîstoîres quî tîennent sur une page, pour aîsser e sîence s’înstaer. Les musîcîens et es poètes e connaîssent, ce sîence. C’est de à que tout part, c’est e banc de a page, c’est e « pas encore », e « encore un peu », e recueîement nécessaîre, quî est ’objet de
9