Réinventer le patrimoine
337 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

337 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Les contributions de cet ouvrage portent sur des domaines aussi divers que ceux de l'Inventaire des monuments, du patrimoine naturel, des patrimoines professionnels, de la Haute Couture et de l'industrie de la mode, du droit de la mer et du patrimoine génétique. Pourtant, à chaque fois, elles se proposent de repérer les éléments communs qui impliquent de faire appel à la catégorie de patrimoine, soit pour en comprendre l'évolution et les enjeux, soit pour tenter de le gérer.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 janvier 2005
Nombre de lectures 172
EAN13 9782336252247
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2005
9782747577274
EAN : 9782747577274
Réinventer le patrimoine

Denis Barthelemy
Collection Gestion de la culture et du secteur non lucratif dirigée par Jean-Michel Tobelem
Déjà parus
Luc BENITO, Les festivals en France François MAIRESSE, Missions et évaluation des musées
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Au-delà du capital, le patrimoine ? Première partie
Quand la culture cède la place au patrimoine : L’Inventaire général et l’évolution de la notion de «patrimoine culturel» - Michel Melot Et la nature devint patrimoine... - Franck-Dominique Vivien Patrimoine et identité : approches juridiques - Françoise Fortunet La patrimonialisation ou comment redire ce qui nous relie (un point de vue sociologique) - André Micoud Vers une notion de patrimoine collectif ? - Gwenaele Proutière-Maulion Les dynamiques économiques du patrimoine - Christian Barrère Economie patrimoniale, identité et marché - Denis Barthélémy, Martino Nieddu, et Franck-Dominique Vivien Capitalisme et patrimoine - Martino Nieddu
Seconde partie
Stratégies patrimoniales pour un développement durable - Henry Ollagnon L’institution d’un patrimoine professionnel en agriculture, - Denis Barthélemy Le patrimoine de la Haute Couture, cœur de la dynamique de la mode et du luxe - Christian Barrère La valorisation du patrimoine : articuler qualification et ingénierie - François Rouet La gestion du patrimoine culture le cas de la Corse - Mireille Pongy, Fabrice Thuriot Le patrimoine naturel : un Ouvroir d’analyses économiques et de politiques potentielles dans le domaine de l’environnement - Franck-Dominique Vivien Peut-on gérer le patrimoine génétique humain de manière à assurer la survie de l’espèce ? - Les implications de l’imprédictibilité de la sélection naturelle
Conclusion Général
Le patrimoine, de la collection d’objets à un rapport social ?
Au-delà du capital, le patrimoine ?
Christian Barrère, Denis Barthélemy, Martino Nieddu, Franck-Dominique Vivien

Cet ouvrage est né de deux constats. Le premier est l’inflation de patrimoine dans les pratiques mais aussi, depuis peu, dans les théories contemporaines. A un moment où tout tend à être jugé digne d’être conservé, protégé, transmis, voire accumulé — de la couche d’ozone et des chefs d’oeuvre en péril aux collections d’étiquettes de boîtes de camembert — l’analyse recourt plus largement à la catégorie de patrimoine pour rendre compte des liens entre passé, présent et futur. Le second constat est celui du mal-être commun à des auteurs qui sont soit des praticiens de la gestion du patrimoine, notamment culturel, soit des chercheurs en sciences sociales (économistes, juristes et anthropologues du droit, sociologues).
Un certain nombre d’objets sont de fait désignés comme relevant de la notion de patrimoine et se trouvent invariablement caractérisés par les économistes sous la catégorie de capital : capital naturel, capital culturel, capital social ou capital génétique... On se trouve ainsi devant le constat d’un mode de théorisation qui prend de fait l’allure d’une dénaturation, et qui consiste à nier la spécificité patrimoniale à chaque fois qu’il s’agit d’étudier sa dimension économique. Cela suggère qu’il est temps de repenser la notion de patrimoine, non seulement comme catégorie descriptive destinée à reconnaître à un certain nombre d’objets la possibilité d’échapper, au moins en partie, à la logique marchande, mais aussi comme catégorie analytique.

LA CONCEPTION MINIMALISTE DU PATRIMOINE ET SES LIMITES

La relation marchande et ses impasses
La difficulté tient d’abord à la nature de la relation marchande, et à son caractère limité au regard des modes d’allocation des biens et de la caractérisation des relations sociales. La relation marchande noue un acte d’échange entre deux agents libres et égaux. Ils sont égaux, au sens où l’acte d’échange marchand s’opère indépendamment de leurs caractéristiques particulières (race, sexe, âge...), pourvu qu’ils puissent l’un offrir la marchandise et l’autre la payer. Ils sont libres au sens où le règlement de la transaction les libère du lien qu’ils entretiennent. Chacun s’en va, ce qui dissout leur lien physique dans l’espace, et ils ne sont pas tenus de revenir, ce qui dissout leur lien dans le temps. Réputée pour son efficacité en termes d’allocation immédiate des ressources, la relation marchande présente une incapacité manifeste à prendre en compte le temps et l’espace, en tant que tels. L’histoire, constitutive de la réalité sociale qui fait que ce sont toujours des individus spécifiques, situés, qui se trouvent en relation, est écartée. L’espace, qui est formé de territoires différenciés, est représenté par des coûts ou des avantages compétitifs : sa différenciation en termes quantitatifs et prix relatifs manifeste en même temps une indifférenciation substantielle. Cette caractérisation de la relation marchande lui donne son efficacité, mais indique en même temps qu’elle est insuffisante en elle-même à assurer l’existence d’une société, voire à assurer la reproduction de l’acte d’échange.
Les négociations récentes sur le commerce international constituent un exemple remarquable de cette impossibilité de constituer les règles de marché comme univers autonome et autosuffisant d’organisation des relations sociales. L’intérêt pour le développement des échanges marchands a conduit au cours des dernières décennies au développement du commerce international, sous l’égide de ce qui s’appelle aujourd’hui l’Organisation Mondiale du Commerce. Cette entité, indépendante de toute autorité autre que l’accord des Etats membres, cherche à construire un univers de pures relations marchandes, mettant en avant un certain nombre d’avantages que l’on peut tirer de cet accroissement des relations de marché. Il n’empêche que la contestation n’a cessé de se développer, et que l’échec remarqué de la réunion de Seattle en 1999 l’a conduite à modifier son programme lors de la conférence de Doha en 2001.
Son objectif reste certes la «libéralisation des politiques commerciales» en vue de faire bénéficier les parties prenantes des «avantages d’un système commercial multilatéral». Toutefois, elle reconnaît désormais qu’il existe d’autres intérêts, d’autres nécessités, pour que puisse fonctionner une communauté marchande internationale. Elle accepte explicitement de prendre en compte un besoin de solidarité, évoquant la nécessité de «programmes d’assistance technique» et de «financement durable» en faveur des pays «en développement» ou «les moins avancés».
De même, elle se place dans une hypothèse de partage d’une «gouvernance» économique mondiale en acceptant de coopérer «avec le Programme des Nations Unies pour l’Environnement et les autres organisations environnementales intergouvernementales» ou avec «l’Organisation Internationale du Travail sur la dimension sociale de la mondialisation». Qui plus est, pour certains secteurs tels que l’agriculture, elle reconnaît la légitimité d’admettre, dans les négociations sur l’établissement des règles d’échange elles-mêmes, des distorsions liées à des «considérations autres que d’ordre commercial» 1 .
L’évolution suivie par l’OMC illustre comment une organisation, conçue à l’origine comme instrument de développement d’un ordre purement marchand, dans un univers international quasiment dépourvu de contraintes politiques institutionnalisées, est conduite peu à peu à faire place (soit par soumission à des instances qui s’organisent à son extérieur, soit par admission de principes de régulation internes qui ne soient pas exclusivement marchands) à des nécessités sociales excédant ce que porte la relation marchande : solidarité entre pays développés et pays qui ne le sont pas, nécessité de préserver le patrimoine environnemental, prise en compte des spécificités des conditions de travail, légitimité de la protection d’intérêts nationaux non marchands.
Pour une grande part, de tels considérants nous renvoient à différentes notions de p

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents