Polémique et histoire
190 pages
Français

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Description



« C’est au contraire parce qu’elles ont exprimé des sentiments et des manières d’être déjà à demi abolis, quoique datant d’hier, c’est parce que ces articles et ces conférences offrent une image de l’évolution du parti de république démocratique et laïque en ces derniers temps, que j’ai cru qu’il y avait un intérêt, non pas littéraire, mais historique, à les réunir ainsi, et il ne parut que les contradictions qu’on y relèvera, si elles blessent le goût classique, sont instructives en elles-mêmes. »
Alphonse Aulard

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Publié par
Nombre de lectures 13
EAN13 9791022300261
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Alphonse Aulard

Polémique et histoire


© Presses Électroniques de France, 2013
AVERTISSEMENT










Je sais qu'il est imprudent de réunir en volume des articles, des conférences, des écrits polémiques qui, improvisés au jour le jour, pour des occasions vite oubliées, n'ont pu être préparés et rédigés avec tout le soin qu'exige un livre. Le lecteur d'un journal, l'auditeur d'une conférence, celui-là pressé, celui-ci distrait, pardonnent aisément ou n'aperçoivent pas les négligences de style, la passion des jugements, les contradictions, les répétitions de mots ou d'idées: le lecteur d'un livre est moins indulgent, non seulement parce qu'il a plus de loisir et qu'il est plus attentif, mais aussi parce que la sympathie que les circonstances avaient créée entre le journaliste et lui a disparu avec ces circonstances, si bien que l'article le plus vif vieillit terriblement en un mois.

Aussi n'ai-je pas la prétention qu'aucune des pages qu'on va lire puisse être considérée comme définitive, ni même comme durable.

C'est au contraire parce qu'elles ont exprimé des sentiments et des manières d'être déjà à demi abolis, quoique datant d'hier, c'est parce que ces articles et ces conférences offrent une image de l'évolution du parti de république démocratique et laïque en ces derniers temps, que j'ai cru qu'il y avait un intérêt, non pas littéraire, mais historique, à les réunir ainsi, et il ne paru que les contradictions qu'on y relèvera, si elles blessent le goût classique, sont instructives en elles-mêmes.

Par exemple, sur la grave question de la liberté de l'enseignement, on verra comment nous avons, républicains laïques, plus ou moins oscillé et changé.

Pour rendre cette évolution sensible, j'ai classé ces diverses études par ordre chronologique, et j'ai indiqué la date de la publication de chaque article, ainsi que le nom du journal où il a paru: Dépêche de Toulouse , Aurore , Action , Matin , Revue bleue .

Combinant un ordre logique avec l'ordre chronologique que j'ai cru devoir grouper ces écrits en trois parties: 1° questions politiques, sociales, historiques; 2° questions religieuses; 3° questions d'enseignement.

Journaliste et conférencier, j'ai essayé d'appliquer à la polémique quelques-uns des procédés essentiels de la méthode historique, surtout pour la documentation que j'ai tâché d'établir aussi solidement qu'il est possible de le faire quand on improvise. Du moins, je me suis imposé de ne rien avancer, même dans les vivacités de la polémique, qui ne fût pas puisé aux sources originales.

J'ai voulu, en un mot, n'être pas seulement polémiste, mais aussi et surtout historien. Voilà pourquoi j'ai osé réunir en volume ces écrits de circonstance.
PREMIÈRE PARTIE QUESTIONS POLITIQUES, SOCIALES, HISTORIQUES










I DÉFINITION HISTORIQUE DE LA DÉMOCRATIE

(Conférence à l'Union démocratique pour l'éducation sociale.)
15 juin 1897





Messieurs,



Quand votre comité m'a demandé de dire quelques mots, à cette séance de l'Union démocratique, pour définir la démocratie, j'ai objecté, ou j'aurais dû objecter, qu'en fait de définition, j'avais tout à apprendre et rien à enseigner et que je ne me sentais pas sociologue. On m'a répondu que c'était une définition historique qu'on demandait à un historien. J'aurais dû avouer alors que je suis plus riche en doutes qu'en formules. Mais j'ai eu peur de paraître manquer de bonne volonté dans une société où il y a tant de zèle et d'abnégation, et j'ai pensé qu'il suffirait et qu'il ne serait pas hors de propos, puisqu'on me dispense d'une définition abstraite et générale, de rappeler à quel point de son évolution est arrivée aujourd'hui la démocratie française.

Vous savez que, théoriquement, la démocratie française date de 1789. La Déclaration des droits porte, article 1 er , que «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, et que les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune»; et, article 3, que «le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation». Désormais, ce n'est donc plus Dieu qui dirigera les affaires des Français par un roi, son agent. Ce sont les Français qui se dirigent eux-mêmes, groupés en nation, égaux en droits, frères, libres, en un mot citoyens. Ils n'auront d'autre règle de conduite que la raison, c'est-à-dire le sentiment historique des lois de l'évolution du groupe français, sentiment qui tend et cherche à se transformer en science. La nation évoluant rationnellement, sans maître céleste ou terrestre, voilà, si on le traduit en langage de notre temps, quel fût l'idéal de 1789, voilà comment nos aïeux conçurent la démocratie française.

Mais cette démocratie, ils se bornèrent à la proclamer: ils n'osèrent pas, ils ne crurent pas pouvoir l'établir. Après avoir formulé leur idéal, ils eurent peur de faire table rase du passé; ils entreprirent une œuvre de transaction entre l'ancien régime et le nouveau, entre l'autorité divine et l'autorité de la raison, entre le roi, l'église et la nation. Le loi fut maintenu, et on le déclara roi par la grâce de Dieu en même temps que par la loi constitutionnelle de l'État , c'est-à-dire qu'on juxtaposa empiriquement les deux principes adverses, le principe théocratique et le principe rationnel, l'ancien régime et la Révolution. La Déclaration proclamait l'égalité des droits, et en effet on abolit les ordres, on supprima les classes existantes, Mais, et aussitôt, on divisa la nation en deux classes, les plus riches ou citoyens actifs , ayant tous les droits politiques, et les pauvres, ou citoyens passifs , n'ayant aucun droit politique.

Ainsi se forma une classe nouvelle privilégiée, la bourgeoisie, qui gouverna la France et s'appuya sur le roi pour maintenir son privilège contre les revendications du reste du peuple.

Dans l'ordre économique et social, la Révolution fut plus radicale. Elle supprima à jamais des modes de possession qui semblaient alors aussi sacrés que certains autres modes de possession peuvent le paraître aujourd'hui. Elle abolit peu à peu la propriété féodale. Il y eut moins d'inégalité dans la distribution des moyens de vivre, et même les Constituants parurent reconnaître que tout homme avait droit à ces moyens, que c'était là une des clauses du pacte social. Mais l'article de la Déclaration sur l'égalité des droits ne fut pas entièrement réalisé. On ne vit pas, à partir de 1789, que les hommes naquissent absolument égaux en droits, selon la promesse de l'acte solennel. Il y eut, de naissance, des riches et des pauvres, et, comme les riches eurent seuls tous les droits de citoyens, par le fait même de leur richesse, la classe bourgeoise se trouva excessivement privilégiée à tous égards.

D'autre part, le principe que la nation devait se conduire uniquement par la raison fut aussitôt violé que proclamé. La religion catholique, apostolique et romaine resta en fait religion de l'État et la Constitution obligea les électeurs à entendre la messe avant de voter, et à demander des lumières politiques, non seulement à la raison, mais au Dieu de l'Église romaine.

Ainsi la Révolution française commençante proclama la démocratie, et organisa, en fait, un système non démocratique, la prépondérance d'une classe privilégiée appuyée sur le roi, s'inspirant autant de la religion catholique que de la raison. On appelait cela parfois, dans le jargon du temps, la démocratie royale . Ce n'était, au fond, ni la démocratie ni la monarchie, mais un ensemble d'institutions incohérentes, orientées cependant vers la démocratie, l'annonçant, la préparant par le fait qu'elles établissaient la liberté, qui est le véritable et l'unique moyen d'arriver à l'égalité par la fraternité.

Depuis lors, malgré des périodes de recul, la France tendit à se constituer en démocratie véritable et à réaliser ainsi les principes de la Déclaratio

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